A la Rencontre des idées et des pratiques en psychologie et psychanalyse

suite de la conférence : 'La thérapie familiale'

La thérapie familiale psychanalytique (suite)

1 – Etre sujet, et sujet du groupe

Je vais citer quelques auteurs qui ont dit cela beaucoup mieux que je ne le ferai.

Pour Didier Anzieu :

Le sujet, pour sa construction est donc d’emblée dépendant et dans l’obligation de se dégager de sa dépendance à l’égard du groupe qui l’accueille pour pouvoir se penser sujet. Dans une illusion autocréatrice,  il s’agit de se croire une personne, avec le sentiment d’une identité et d’une continuité de soi. Cette croyance a pour résultat de nous faire adhérer à notre être, de nous permettre d’habiter notre vie et notre corps.

Il ne s’agit pas d’un savoir, mais d’une conviction. Conviction qui doit supporter constamment l’épreuve du doute, du questionnement constant au travers de l’énigme du « qui suis-je ?».

 Piera Aulagnier  a une formule : « l’espace où le « je » peut advenir » qui définit l’espace de l’autre, du groupal, du temps générationnel.

Devenir sujet exige une double identification : une identification au groupe, au culturel, au travers de la mère qui en est le porte-parole ; et une identification à soi même en tant que sujet que Piera Aulagnier définit en tant que acte identifiant que je simplifie dans la formule : «  je suis parce que je pense que je suis ».

 Il s’agit de s’approprier son destin, non pas au non du hasard, passivement, mais au nom des réponses singulières, que  « je » ai données pour faire face aux évènements de ma vie. Etre sujet de ma vie. C’est un mouvement d’auto-attribution. 

Finalement, il s’agit, par la mise en œuvre des psychothérapies d’approcher l’objectif que désigne André Green et qui serait que tout sujet accepte que :

 « Tout ce qui est en moi fait partie de moi. Tout ce qui a été mis en moi a été réapproprié par moi. Tout ce qui est en moi, en fin de compte, est mien. Mien, c'est-à-dire en possession de mon Moi et non pas greffon ou parasite d’organisme qui serait étranger à moi. » 

Une vignette clinique :

Je voudrais vous faire part d’une courte vignette clinique qui me semble illustrer ce que j’essaie de vous dire.

 Meriam, une petite fille de 8 ans que je reçois avec sa maman, est plutôt silencieuse et opposante en thérapie. Lors de cette séance, elle griffonne nerveusement un gribouillage. Peu satisfaite, elle retourne la feuille puis s’applique à tracer une boucle complexe, fermée. Elle a visiblement pour ce nouvel essai, un souci esthétique.

Sa maman et moi l’observons dans une rêverie silencieuse.

Meriam choisit soigneusement les couleurs dont elle remplie les espaces fermés de la boucle.

-Je commente : « c’est comme une pelote qui devient un tableau ».

-Meriam : « un fil ; dans la vie, on tient un fil…est-ce qu’on peut se tromper de fil ? Des fois des fils ne sont pas solides »

Elle m’explique (à cause de son expérience,  elle n’est jamais sûre que les adultes soient aptes à comprendre ses désirs) : « les fils, c’est ce qui arrive dans la vie…on choisit, des fois on choisit, des fois, on choisit pas… je ne sais pas si on a le droit de changer de fil…je ne sais pas »(elle est rêveuse. Je pense que la question de changer de fil, changer de vie, concerne directement sa mère).

-Elle poursuit : « maman, tu dis rien ce soir ». Puis elle se tourne vers moi « toi, tu es… bioschologue » (Meriam possède un vocabulaire riche, elle connaît bien le mot psychologue que pourtant elle ne parvient pas à retrouver)

J’entends le préfixe bio et je suis émerveillée de ce que cette petite fille me dit ; je me sens promue au rang de spécialiste de la maïeutique.

-Je dis que chacun tisse avec ses fils, chacun à sa façon, même avec des fils qu’on ne croit pas solides.

-Meriem : comme un tricot alors, à quoi ça sert les fils pas solides ?

-Psy : c’est ça qui est difficile, tisser avec des fils pas solides…

-Meriem : à quoi ça sert ?

-Psy : c’est peut-être le motif…(j’entends en le disant, que je parle du désir) le dessin du tricot…

-le plus important, c’est le tricot.

Comme la séance se termine : « je le continuerai la prochaine fois ».(et je pense sans le dire qu’en effet, qu’il est essentiel que l’œuvre soit toujours en cours de création)

2 - Les processus à l’œuvre dans le groupe:

Nous avons tous l’expérience de la vie en groupe. Nous avons  conscience que cet ensemble est différent de l’agrégat des individus qui le composent.

Définition du groupe :

Il s’agit d’une entité groupale, d’un objet groupe, au sens psychanalytique d’objet de la pulsion. Pour qu’on puisse parler de groupe, il faut que les membres du groupe partagent l’opinion qu’ils appartiennent  au groupe, celui-ci devient alors source  d’affects.  Ils partagent la croyance en l’existence d’une réalité-groupe, c’est un fantasme. Les expressions tel que «  la vie du groupe », « le groupe  agit comme un seul homme » indique bien qu’il s’agit d’un tout, ayant un fonctionnement supra-individuel, un ensemble cohésif. Un groupe se caractérise par une certaine cohésion affective et une unification des conduites. L’individu a alors tendance à renoncer à ses propres désirs au profit de la cohésion du groupe.Il va s’assujettir à la représentation qu’il se fait des exigences du groupe. Son expression personnelle est empreinte de ces contraintes : ne pas être exclu, ne pas faire éclater le groupe.

 L’illusion groupale d’entente exige l’assujettissement des individus.

 Dès lors, le sujet vit un conflit interne, selon deux pôles, dans une oscillation :

 -- d’une part revendiquer ce qui le distingue des autres, sa singularité, les petites différences (référence à Freud et au narcissisme des petites différences)

- d’autre part, renoncer à une affirmation de soi trop vive, se laisser bercer par les sirènes du fusionnel, la perte des limites du soi. C’est une réactualisation d’un état primitif de la psyché, état d’indifférenciation fusionnelle où l’enfant ne différencie pas encore son corps de celui de sa mère,est au service d’un sentiment de sécurité et de bien-être. Pour Bion, c’est un état proche d’une dépersonnalisation. 

Le fantasme groupal et l’appareil psychique groupal :

Dans un groupe les discussions s’accordent de manière inconsciente, une remarque faite par l’un est reprise par un autre membre et développe un thème, (métaphore du thème musical) donnant « voix » au groupe, au fantasme qui le traverse. Le concept d’APG est une fiction théorique qui permet de penser le psychisme du groupe.

Les thérapeutes familiaux parlent d’interfantasmatisation et en tant que thérapeute,  on peut ainsi avoir une écoute groupale qui est l’écoute de la chaîne associative dans le groupe.

 Exemple clinique d’une chaine associative groupale :

En thérapie, cette famille de 3garçons est très bruyante. Les paroles fusent, tout se passe très vite, sans que nous puissions repérer l’expression de chacun.

La mère se plaint de chacun des garçons, tour à tour fauteur de troubles, à l’école, à l’église... « on entend toujours parler des B »

-les thérapeutes : « comme les Dalton ? »

Cette représentation de groupe fait l’unanimité. Sourires. Rires

-le fils aîné : « eh oui, maman, tu as trois garçons, faut-t- y faire…tu as trois garçons »

-le second : on est pas ta petite chérie Sonia…, ta petite chérie ( il parle de sa cousine) …gnagnagna »

-le père : chez les B, ça bougeait,ça bougeait tout  le temps,on était 10 enfants, ça faisait du bruit.

-la mère : chez nous, on craignait le père , il tapait….

Vous voyez comment, autour du thème de la fratrie, se déploient les associations qui évoquent les imagos et les représentations émergentes dans cette famille. Représentations concernant plusieurs registres :

- du  fraternel

-de la  différentiation sexuelle

- des fonctions parentales

-du registre transgénérationnel 

Le groupe agit sur chacun des sujets comme un objet d’investissement de la pulsion. Le but de la pulsion étant la satisfaction,  chaque sujet investit « l’objet-groupe » pour son plaisir. Plaisir narcissique,  au service de l’image de soi, quête identitaire, au travers du regard des autres. Scène où le sujet s’auto-identifie dans un jeu de miroirs multiples où il se vit dans le regard « des autres » le regardant. Complexité de l’unité groupale : « les autres », comme un seul regard, le regard maternel, toujours interrogé.

Miroir pour le moi, fondateur du sujet, constitutif du Moi, au travers des multiples facettes des regards du groupe, et qui rappelle l’énoncé de Lacan à propos du stade du miroir : l’enfant se voit dans le miroir en même temps qu’il se voit dans le regard de sa mère qui le porte. C’est dans l’image que l’autre a de lui que l’enfant se reconnaît

Il me semble que c’est dans cette scénarisation que se conjugue le compromis entre l’individuel et du groupal. 


3 – Les spécificités du groupe familial : l’alliance et la transmission.

Le groupe familial se caractérise par 2 dimensions

-une horizontale, par les liens d’alliance

-un chaîne verticale, la chaîne des générations

 L’alliance :

Elle concerne le couple, le choix amoureux.

Ce choix est guidé par des raisons inconscientes liées pour les deux partenaires à la résolution du complexe d’Œdipe. Le complexe d’Oedipe préfigure ce que seront les liens amoureux en rapport avec les liens précoces aux parents. 

1-     un choix narcissique :

         Dans la constitution des couples narcissiques, la demande de complétude adressée au partenaire occupe toute la relation. Le partenaire n’existe pas en tant que tel : il remplit une fonction nécessaire à la vie de l’autre. Les différences entre eux, incontournables, sont alors vécues de manière dramatique : comme trahison, abandon, rupture du contrat de confiance.

         Dans ce choix, préexiste la nécessité du déni sur les différences, sur les conflits.

Le groupe familial va se construire sur cette communauté de déni qui va constituer la loi du groupe. Il ne s’agit pas de secret, il s’agit d’interdits concernant la pensée. Cet interdit empêche l’accès à la représentation, l’accès à la symbolisation.

 2 – un choix objectal :

La libido, cette force constamment présente (elle vise à la conservation de l’espèce) oriente le développement psychique (cf. le complexe d’Oedipe) et pousse les êtres humains à rechercher un objet sexuel à l’extérieur de la famille.

         Le dépassement de l’Oedipe, en ce qu’il comporte sa part de déceptions (puisque ce n’est pas l’inceste) d’illusions déçues, permet l’établissement d’une relation amoureuse qui fait la part à l’autre, et à une négociation avec la réalité.

Le complexe d’Œdipe se conclue par le refoulement : le désir pour le parent de sexe refoulé sur le moment de la liquidation de l’Oedipe, reste inconnu de nous, et doit le rester.

Nous n’aimons pas beaucoup nous rappeler que notre premier objet d’amour concernait le parent de sexe opposé. Ce matériel, est inconsciemment à l’œuvre dans le choix amoureux mais cela reste inconnu de nous. C’est ce qui constitue ce que les TFP nomme le pacte dénégatif qui est la partie inconscient du lien du couple. 

Le pacte denégatif : c’est un contrat inconscient qui lie les partenaires et qui exige que soit maintenu sous silence les raisons inconscientes, refoulées, régies par les forces pulsionnelles de la sexualité en raison même de la force de leur réactualisation dans le choix amoureux.

 Exemple clinique

Voici comment  dans un couple, l’histoire de l’un vient entrer en collusion avec l’histoire de l’autre autour d’un déni : la famille P vient consulter parce leur petite fille Chloé, 2 ans et demi, a des troubles à l’endormissement. En particulier, lorsque sa maman la couche. En séance, le papa se montre très prévenant pour sa fille. Je le trouve maternel dans ses attitudes.

Je pourrai me contenter de repérer la différence d’attitude et penser que le papa est plus sécurisant pour sa fille mais je remarque qu’en séance Chloé, va de l’un à l’autre sans inquiétude, manifeste une tendresse égale pour l’un et pour l’autre. Elle est active et autonome, elle s’intéresse aux jouets qu’elle découvre dans la boite à jouets.

La maman ma parait angoissée par la question qu’elle amène en thérapie et que je peux résumer ainsi : « sans doute n’a –t-elle pas des qualités maternelles suffisantes puisqu’ elle ne parvient pas à sécuriser sa fille ».

Tout semble le laisser penser.

Lorsque je questionne les images parentales de chacun des deux parents, ils évoquent des pères dangereux et des mères peu protectrices.

Madame évoque un père curieux à l’égard de sa nudité. Elle s’est confrontée seule au voyeurisme de son père. La mère, déprimée et soumise se détournait des plaintes de sa fille.

Monsieur évoque un père autoritaire, disqualifiant, qui exigeait une soumission totale à son pouvoir. Il trouvait un recours peu efficace auprès d’une mère elle-même docile.

Dans le couple se répète la crainte que Zoé, en manifestant son affection à l’un plutôt qu’à l’autre, désigne le mauvais parent, qui ne pourrait lui prodiguer affection et sécurité et serait alors dangereux pour elle. Je vous laisse deviner quels sont leurs fantasmes…qu’ils reconnaissent comme tels.

 Ils  identifient dans le conflit actuel du couple cette crainte : leurs disputes tentant toujours d’obtenir de l’autre qu’il se soumette au verdict « tu t’y prends mal, tu n’es pas un bon parent ».

En thérapie, ils semblent me prendre constamment à témoin de cette disqualification, à charge pour moi de désigner le parent à disqualifier .

La transmission :

 

La question de la transmission est très investie dans les familles qui répondent volontiers aux questions concernant leur vie avec leurs parents.

La plupart se sont déjà questionnées sur l’hérédité, sur la répétition des erreurs de leurs parents, sur l’impact de tel évènement de leur vie, sur les valeurs qu’ils transmettent à leurs enfants. Beaucoup expriment la crainte de reproduire avec leurs enfants les erreurs commises par leurs parents et dont en tant qu’enfants ils ont souffert.

Lors des premières séances de TFP développent une recherche sur  la causalité : «  C’est de ta faute si tout va mal » désigne à tour de rôle l’un ou l’autre membre de la famille

Lorsque les parents demandent des conseils pour éviter les mauvaises attitudes éducatives, ils se désignent eux-mêmes comme pathogènes.

Parfois, il s’agit de la crainte qu’une pathologie mentale dans les générations précédentes se répète, comme par contagion. D’autre fois, un secret familial porte la responsabilité de ce qui va mal dans la famille.

 Qu’est ce qui est transmis ?

·                   l’interdit de l’inceste : du côté de la répression des forces pulsionnelles individuelles, du côté de la sublimation. Le Surmoi est  porteur des exigences éducatives des parents. C’est l’intériorisation du Surmoi parental, héritier du complexe d’Œdipe et de l’interdit de l’inceste.

Je l’ai dit, au sein de la famille, dans l’amour pour les enfants, le pacte des négatifs maintient, par la puissance du refoulement, l’amour parental éloigné de sa dimension libidinale. C’est un rempart contre l’inceste. L’idéalisation de l’amour maternel est un exemple de l’efficacité du refoulement et de la transformation de la pulsion en amour a-libidinal.

 Si une famille a connu dans les générations précédentes,  la transgression de l’interdit de l’inceste, alors, le refoulement échoue à permettre la symbolisation et l’amour et le rapprochement affectueux à l’égard des enfants, se maintient dans le registre du réel, de l’agir de l’inceste.

 ·             Par la culture les groupes sociaux, familiaux proposent au destin de la pulsion refoulée, des schémas, sous forme de valeurs. Ce sont ces idéaux qui sont transmis et constituent des objets disponibles pour les groupes sociaux. Ce sont des modèles pour la sublimation. La culture est le support de leur transmission.

  Le contrat narcissique : Pour Piera Aulagnier, le groupe exigerait que le sujet reprenne à son compte les lois de l’ensemble.  L’ensemble pré-investit l’enfant comme pouvant perpétrer l’idéal de l’ensemble. La place du sujet lui est désignée, c’est la condition pour qu’il soit investi par le groupe ; le sujet, de son coté, adhère en s’appropriant les énoncés communs, avec la conviction qu’il s’agit d’une série de vérités. Il s’approprie ainsi les lois des parents, le discours sur son histoire et son origine, les lois implicites du champ social. Les lois des parents, c’est le discours maternel, soutenu par le discours du père qui vient le valider et l’inscrire dans le discours culturel, social comme une vérité. C’est cette transmission qui inscrit l’enfant dans le groupe humain et dans la chaîne des générations. 

 Et la transmission du refoulement, du clivage ?

Les travaux des psychanalystes actuels mettent l’accent sur le « négatif » de la transmission. Freud avait posé l’hypothèse que le narcissisme de l’enfant s’étaye sur ce qui manque à la réalisation des « rêves de désir des parents ». Les recherches contemporaines insistent  sur une négativité plus radicale : ce ne sont pas seulement les désirs (et donc les manques) qui organisent la transmission, mais à partir de ce qui et advenu, ce qui est absence d’inscription et de représentation. Ce pourrait être dans ce qui échappe à notre vouloir, à notre activité de représentation que l’essentiel de la transmission s’effectue. Comment penser ce qui est irreprésentable ? Ca fonctionnerait comme un message inconscient, non transformé de génération en génération.

Il s’agit de la transmission trans-générationnelle : le matériel psychique ainsi concerné, ce sont les traces des traumatismes anciens. Il se transmet sans transformation, sans symbolisation.

Un début de thérapie :

 Je vais tenter d’illustrer comment, dans mon contre-tranfert, s’inscrivent les éléments du transfert familial de manière brute, non transformée, non symbolisée. C’est mon effort pour continuer à penser qui permettra à l’adolescent d’exprimer ses affects.

Ainsi, dans la famille G, je suis extrêmement malmenée dans mes efforts pour penser. Chaque membre de la famille semble s’attacher, à tour de rôle, à casser la chaîne associative : de l’un à l’autre, aucun lien logique semble t-il ! Loïc, le plus jeune des 2 enfants de la fratrie, est hypotonique. Il répète « je suis fatigué » et «  je ne sais pas » d’un ton monocorde et lent.

L’évocation de l’histoire familiale ne fait pas sens.

Les parents m’interpellent « ça ne va pas mieux ».

Dans le transfert, je suis abattue, une somnolence me gagne. J’ai l’impression de ne rien comprendre, qu ‘un secret nous interdit de penser

 Il me faut un « sursaut » mental pour faire appel à la théorisation et accueillir cette lassitude comme le symptôme familial d’une dépression à l’œuvre dans le transfert.

Les mots mis sur les affects d’épuisement, de tâche trop lourde a permis au jeune adolescent de se mettre à verbaliser des revendications et son agressivité à l’égard de son père.

Je comprendrais beaucoup plus tard que cet épuisement était la réactualisation dans la cure familiale, d’un état dépressif grave chez le père, non-dit dans la famille mais dont l’affect fait retour dans le groupe familial  sous la forme des affects d’épuisement.

 Les traumatismes non élaborés engendrent des non-dits. Ils concernents des deuils non-faits, des transgressions incestueuses ou leurs équivalents, liés à des affects de honte.

Altération du travail d’élaboration qui empêche la transmission des éléments identifiants pour le sujet, tout en affectant « en creux » le psychisme des membres d’une famille. Dans une famille, l’un des membres va se constituer de manière inconsciente l’héritier de ces éléments bruts, non transformés. Les familles viennent consulter pour lui, à cause de se troubles du comportement. Ses agirs restent longtemps incompréhensible, parasitent le travail associatif…

Dans l’exemple clinique qui suit je vous propose de voir comment s’établit, en quelque sorte « en creux » la transmission du refoulé.

Exemple clinique / famille « Domi est une salope »

 On pourrait penser que poids de la transmission pèse comme un déterminisme, comme une prédiction qui empêcherait le sujet d’exister.

Il reste pour nous tous l’écart avec les énoncés de la transmission… qui est finalement l’espace du sujet. C’est la manière singulière qu’à le sujet de se l’approprier qui le constitue.

 4 la thérapie familiale

 Objectif : Je l’ai dit, les traumatismes non élaborés altérent le travail d’élaboration qui empêche la transmission des éléments identifiants pour le sujet. En thérapie familiale il s’agit de permettre la réactualisation dans le transfert des processus groupaux qui président à la naissance du psychisme individuel.  Le dispositif de la thérapie familiale vise à permettre que se réactualise, par l’intermédiaire du transfert, les traces restées en souffrance, en panne de symbolisation.

Exemple clinique : une famille vient consulter à propos du symptôme de leur fille de 4 ans, Dorine, qui a des crises d’angoisse tous les matins à la séparation avec la mère devant l’école maternelle. Pleurs, vomissements. A l’anamnèse, la maman évoque le décès de sa propre mère quand elle avait 5 ans. Nous pourrions nous contenter d’interpréter ce rapprochement, à propos d’une angoisse de séparation et de perte, ce qui aurait certainement un effet de soulagement.

 Dans la perspective d’un travail en TFA,  j’accueille le récit de cet évènement traumatique en pensant qu’il est à l’œuvre dans les liens intersubjectifs familiaux. Je recueille ce qui vient en signifier l’émergence dans le cadre de la thérapie.

Je note que cette famille m’est adressée par une famille amie, venue me consulter pour la même raison et qui transmet de notre travail une image très idéalisée : « un miracle ! ».

 Je pense au « miracle » du « retour » de la bonne mère : c’est l’imago maternelle idéalisée qui pourrait cimenter ce groupe familial constituant le fantasme groupal familial.

Le contenu de notre travail va confirmer que c’est bien l’idéalisation du retour qui fonctionne comme un déni de la perte, qui est opérateur- psychique pour cette famille : le choix amoureux lui-même en est imprégné, s’exaltant sur le retour de monsieur T, après une absence de 10 ans. Lui-même revendique sa capacité à être absent et toujours là quand il faut.

A la perte du côté maternel, fait écho le vécu d’abandon du père, enfant de famille nombreuse, dont les parents, d’origine Italienne, travaillaient durement pour nourrir la nichée : leur absence même venant signifier aux enfants leur préoccupation parentale pour eux.

Dans la thérapie, Dorine, est dans l’obligation de confirmer de façon incessante la qualité maternelle et qu’elle ne peut vivre sans elle.

L’angoisse de séparation de Dorine ne sera pas traitée individuellement. Au fil des séances, les tensions s’apaisent, Dorine se décolle de sa maman, sautant de joie à l’arrivée, toujours tardive du papa qui décide que, décidemment « les filles ont vraiment besoin de la présence de leur papa ».

Il lui affirme qu’il sera toujours là quand elle aura besoin de lui et Dorine semble pouvoir penser cette « présence », même à distance. Progressivement, les séparations à la porte de l’école ne sont plus le lieu du surgissement de l’angoisse.

 Ce que n’est pas la TFP:

La TFP n’est pas la recherche d’un évènement dans le passé qui donnerait sens, dans une perspective causaliste, à un symptôme,. L’anamnèse, la généalogie, ne sont pas les causes du symptôme d’un des membres de la famille. Comme dans l’analyse individuelle, les récits de l’histoire familiale, des histoires personnelles, permettent de donner un éclairage singulier (dans le sens de la singularité d’une famille) à ce qui est réactualisé dans le transfert groupal familial.

Clinique : les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets traumatiques.

Le secret sur un premier mariage est traumatique parce qu’il y traumatisme de la rencontre avec un sexuel brut, faisant surgir un fantasme d’inceste trop prégnant. 

Famille Mme Alm.

 Les indications : La famille échoue à être perçue par ses membres comme un contenant stable et sécurisant (fantasme d’éclatement de la famille). Elle ne constitue pas un pare-excitation des angoisses individuelles qui trouvent une chambre d’écho dans les traumatismes non élaborés qui stagnent dans des fantasmes partagés dans le groupe familial.

En thérapie, le bruit, l’agitation, empêche de penser. Les générations sont peu différenciées et les enfants s’adressent de façon tyrannique à des parents débordés et en grand désarroi.

Les récits ne font pas apparaître de chronologie, le temps paraît condensé ou  figé.

Les identifications sont projectives, permettant peu d’associer, elles sont « saisissantes » pour les processus d’élaboration. Les passages à l’acte sont multiples, le réel, menace de faire irruption dans des scénaris qui répètent les traumatismes des générations précédentes.

 Clinique : Dans la famille A, l’enfant du deuxième mariage sera nommée Virginie. Effort inconscient pour échapper au retour du refoulé incestueux.

 le cadre :

Le dispositif de la thérapie familiale vise à permettre que se réactualise, par l’intermédiaire du transfert, les traces restées en souffrance, en panne de symbolisation.

C’est le cadre en tant qu’espace symboligène qui va permettre le déploiement du transfert et son interprétabilité.

Il est constitué des invariants (lieu, horaire, durée et fréquence des séances, paiement) qui font l’objet d’un accord entre l’analyste et la famille, et des règles d’abstinence et d’associations libres.

La règle de libre association est énoncée, en tant qu’encouragement à” parler librement”, ce qui n’est pas une invitation à tout dire.

Ce qui se dit dans la famille se dit dans la dimension de l’espace privé. L’espace intime reste l’espace de la sexualité parentale et des secrets individuels. (Ce qui fait exister la préoccupation parentale de ne pas confronter les enfants à des énoncés bruts trop excitants)

Le processus :

Dans le groupe thérapeutique, le transfert familial se déploie:

- sur le cadre : il est perceptible par les manquements (absentéisme aux séances, retards...)

- sur l’objet-famille qui est investie selon les modalités du déroulement du processus.

Cette « imago- familiale » est porteuse des illusions, des deuils, des héritages familiaux. Cet héritage se manifeste souvent  non symbolisé, par des actings au sein même de la thérapie : il est en attente de symbolisation.

Le transfert sur la famille fait exister un “dedans” familial qui permet aux membres de la famille de se reconnaître comme tel, chargé d’une histoire familiale singulière, et permettant à chacun de s’individuer dans un groupe familial que sa singularité ne menacera pas.

- sur le thérapeute : il est l’objet des projections des imagos parentales des parents et engage le contre-transfert du thérapeute dans ses représentations familiales.

 Le transfert nous permet d’analyser les fantasmes qui se manifestent aux différents niveaux (archaïque, pré-oedipien : fantasmes (non-fantasmes, en attente de figuration) de morcellement, d’effondrement, de pétrification, angoisses catastrophiques de mort, d’infanticide, violence fondamentale)  et fantasmes oedipiens de castration. 

En thérapie familiale la constitution de secrets individuels signe l’accès à l’intime, et au complexe d’Œdipe. Quand  la souffrance subjective se parle, elle  marque l’émergence de l’individuation et le dégagement du fusionnel familial. L’arrêt de la thérapie familiale se parle sur le registre de la subjectivation.



haut de page La Source - 26 chemin du Bessayré - 31240 SAINT JEAN
Tél. (33) 05.61.74.23.74 / Fax : (33) 05.61.74.44.52 / Mail :