A la Rencontre des idées et des pratiques en psychologie et psychanalyse

'De la projection à la possession'

De la projection à la possession

Trois histoires cliniques
:Pour illustrer le chemin de l’une à l’autre 

par Hélène BRUNSCHWIG

Comment, à partir du phénomène de la projection, peut-on aboutir à un état qui s’apparente à la « possession » ?

Nous avons tous connu des enfants malades des projections de leurs parents. Un des exemples les plus frappants nous a été donné par Bertrand CRAMER dans son livre « Profession bébé » 


Je souhaiterais m’inscrire dans cette ligne de recherche développée, notamment, dans un récent numéro de « Devenir » dans l’article : « Le fonctionnement psychique dans le post-partum et son rôle dans « l’épinglage d’identité », toujours de Bertrand CRAMER, et j’aimerais montrer, à travers trois récits, comment peut se construire réellement chez l’enfant une attitude induite au départ par l’entourage.


Dans nos consultations familiales, nous voyons souvent un des membres de la famille qui traduit à lui tout seul le malaise familial.
Les systémiciens l’appellent « le patient désigné ». Les psychanalystes préfèrent l’appeler « support des projections familiales ».


► Histoire d’Agnès ou les poupées gigognes

Madame Z. vient avec sa fille Agnès, âgée de trois mois, pour des troubles de sommeil.


Cette enfant n’a jamais dormi normalement. Madame Z. est exténuée. Une très mauvaise relation s’est instaurée entre la mère et son bébé.


Madame Z. est persuadée que sa petite fille fait exprès de mal dormir. « Elle se réveille exprès pour m’embêter, elle est méchante, elle me déteste ». Elle laisse entendre son terrible désarroi, sa détresse même, et sa peur de détester son enfant. L’expérience d’impuissance qu’elle vit engendre un sentiment de haine qu’elle projette sur sa fille. Ce sentiment fait retour et gauchit sa propre perception d’Agnès.


La mère de la jeune femme, Madame L., est venue également, fort heureusement car sa présence nous a beaucoup aidées à comprendre ce qui se jouait dans la relation entre Agnès et sa maman.


Au cours de la discussion, j’ai appris que Madame L. avait eu huit enfants ; elle avait évidemment un certain nombre d’idées sur « l’élevage » des petits. Elle était intervenue fréquemment pour aider sa fille qu’elle sentait perdue dans sa façon de s’occuper de son bébé.


Malheureusement, les interventions bien intentionnées de Madame L., loin d’aider Madame Z., la confortaient dans l’idée qu’elle était incapable d’élever correctement, qu’elle était une « mauvaise mère » avec une « mauvaise fille », qu’elle ne saurait jamais s’y prendre aussi bien que sa propre mère, et que son bébé ne pouvait pas l’aimer.


Pendant que Madame Z. parlait avec sa mère de ses difficultés, une sorte de climat de confiance commença de s’installer, une impression de calme est apparue, le bébé, apaisé, s’est arrêté de pleurer et s’est endormi sous leurs yeux incrédules !


Madame L. a commencé à comprendre que sa fille avait besoin d’être valorisée dans son rôle de mère. Elle n’avait pas besoin que Madame L. fasse les choses à sa place. De son côté, Madame L. avait besoin d’être valorisée dans son rôle de grand-mère pour pouvoir abandonner la charge directe du bébé qu’elle avait cru devoir prendre.


Cette séance a été très émouvante car nous avons toutes les trois pratiqué une sorte de « holding en poupées gigognes ».

J’ai pris symboliquement Madame L. dans mes bras en valorisant au maximum son apport en tant que grand-mère, ce qui lui a permis de prendre symboliquement sa fille dans ses bras en l’aidant à être mère à part entière. La jeune femme a pu prendre à son tour son bébé dans ses bras (symboliquement et réellement), et le bébé s’est endormi….

A partir du moment où chacune a repris sa place réelle et a pu abandonner sa place fantasmatique, le système projectif a cessé. Petit à petit, l’anxiété et ma culpabilité ont considérablement diminué. Plus personne n’était mauvais ou incapable, mais en recherche. Madame Z. s’est octroyée le droit d’être mère avec la permission de sa propre mère qui n’avait plus besoin de « faire la mère » puisqu’elle avait le droit d’être la grand-mère. Je fus moi-même le garant de ces positions nouvellement acquises.

Les pères ont été absents le jour de la séance, mais ils ont aussi repris leur place. Jusque là, ils assistaient impuissants à ce drame de femmes….

Dans cette histoire, le processus projectif a été bref. Le bébé a pu être déchargé assez vite des angoisses maternelles grâce à la nouvelle circulation des relations entre la mère et la grand-mère.

Plus grave et plus impressionnant est l’exemple suivant :



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