A la Rencontre des idées et des pratiques en psychologie et psychanalyse

'La face cachée du trauma'

La face cachée du trauma
La face cachée du trauma
par Christian VILLENEUVE
Les chiffres sont là : l’explosion de l’A.Z.F. a fait de nombreuses victimes physiques et psychiques à Toulouse et dans ses environs. Pourtant, l’enquête réalisée par le secteur VIII de psychiatrie de la Haute-Garonne nous apprend qu’il n’y a pas davantage de psychotraumatisés dans ce département que dans le reste de la population française. Il nous appartient d’expliquer les raisons de cette apparente contradiction.
Avant cela, nous allons nous autoriser à nous remettre dans le bain de cette catastrophe à l’aide d’une vignette clinique ; puis nous rappellerons brièvement ce qu’est un psychotraumatisme. Soulignons que nous employons indifféremment les mots trauma, traumatisme ou encore psychotraumatisme pour désigner un traumatisme psychique. Notons enfin qu’avant de rentrer dans le vif du sujet, nous rappellerons comment apparaissent les symptômes dus au trauma. 

La Journée du 21 septembre 2001
Pour commencer, nous allons nous autoriser à relater la journée de la catastrophe telle que l’a vécue Madame L. que nous avons reçue en entretien, ou plus exactement en débriefing individuel, cinq jours après l’explosion. 
Madame L. se trouvait en consultation à l’hôpital Rangueil, c'est-à-dire à moins de deux kilomètres de l’A.Z.F. en ce 21 septembre 2001 à 10 heures 17. Ecoutons ce qu’elle nous dit : « Tandis que mon médecin rédige l’ordonnance, le sol tremble, les vitres se cassent et j’entends deux explosions. Je crois que je vais mourir dans un attentat qui a dû avoir lieu juste à côté. Mon médecin m’incite à sortir de l’hôpital. Dans le couloir, la foule se presse, paniquée. J’entends des cris. Par une fenêtre, j’aperçois un avion. Je pense qu’il vient de lâcher une bombe sur Toulouse. D’ailleurs un gros nuage de fumée allant du jaune au rouge envahit le ciel. Des personnes crient, il y a de plus en plus de monde, on ne peut plus avancer. Un homme me saisit et m’invite gentiment mais fermement à le suivre dans une autre direction. On descend les escaliers, je ne sais plus où on va, mais on arrive dehors. On nous dit alors de nous mettre à l’abri, car le nuage contient peut-être des gaz toxiques. Je reste dans un car, certaines personnes sont affolées, d’autres les rassurent. Aux environs de midi, on nous dit qu’on peut sortir du car. Je pense que je peux repartir avec ma voiture. J’habite à une trentaine de kilomètres au nord de Toulouse. Je me dirige vers la rocade ; souvent je pense que je n’ai aucune nouvelle de mon fils et de mon mari. Où sont-ils ? Sont-ils morts ? Ce sont les questions que je me pose depuis l’explosion. L’entrée de la rocade est bouchée. Je suis arrêtée, la panique m’envahit à nouveau. Un monsieur m’aborde. En parlant, nous constatons que nous allons dans la même direction. Il me propose de le suivre ; je suis incapable de dire comment j’ai traversé Toulouse. Je sais seulement que j’ai eu le regard fixé sur l’arrière de son véhicule. Il y avait du monde partout, on n’avançait pas. Il est près de quinze heures lorsque nous sortons de la ville. On peut circuler. Le monsieur me laisse. Le calme m’a regagnée. J’ai pu avoir des nouvelles rassurantes de mon mari et de mon fils. »


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