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'Narcissisme sain et narcissisme pathologique'

Narcissisme sain et narcissisme pathologique
Narcisse et Oedipe: Narcissisme sain et narcissisme pathologique, dans le développement et les troubles de l’identité sexuelle.

par Jean BEGOIN

INTRODUCTION : L’énigme de la souffrance psychique.

Le problème des troubles de l’identité sexuelle ne peut être abordé sans une connaissance des conditions dans lesquelles naissent et se consolident les sentiments d’identité de l’être humain. Mon travail clinique m’a de plus en plus amené à essayer de mieux comprendre la nature de la souffrance psychique qui fait obstacle au développement psycho-affectif du sujet. Cela m’a permis d’appréhender ce développement d’une manière qui s’écarte sensiblement de la théorie psychanalytique classique de la sexualité. Rien d’étonnant à cela, car l’ouvrage princeps de FREUD sur le sujet, les célèbres “Trois Essais sur la théorie de la sexualité” (je préfère cette première traduction, en général beaucoup plus claire, à la seconde) datent de 1905, donc il y a exactement un siècle, et beaucoup de travaux ont évidemment été réalisés depuis. La théorie présentée par FREUD était une théorie très biologique, basée sur la nosographie psychopathologique de l’époque. Les observations directes sur le développement de l’enfant qui ont été effectuées dans les 20 ou 30 dernières années ont de plus en plus orienté la théorie vers une perspective très différente, dans laquelle on peut dire que ce n’est plus la “sexualité” comme l’entendait FREUD, qui dirige le développement psychique, mais au contraire le développement de la personnalité toute entière, le “Devenir-Soi”, dont la tâche est d’élaborer une Connaissance de Soi qui comporte évidemment, d’une façon qui reste centrale, l’intégration de l’identité sexuelle. 

La forme la plus courante de souffrance psychique, c’est la dépression. Je veux préciser que, d’un point de vue dynamique et pas seulement descriptif, la dépression doit, à mon avis, être comprise pas seulement comme un état en soi, mais comme le signal, l’indice d’une situation plus globale de souffrance de l’être tout entier, corps et âme. Une telle situation est pourtant mal reconnue comme telle par le sujet lui-même qui ne la comprend pas clairement, car la compréhension qui lui serait nécessaire pour élaborer ses problèmes est obscurcie par les mécanismes de défense contre l’intensité de la douleur psychique, qui bloquent et paralysent plus ou moins ses capacités de pensée et d’auto-observation. C’est encore plus vrai lorsque la dépression s’accompagne de troubles psychosomatiques. 

Chez l’adulte, nous savons combien la rupture d’un lien amoureux peut déclencher des réactions dépressives d’une intensité considérable, qui peuvent ébranler jusqu’aux assises narcissiques de l’être. J’en prendrai tout de suite un exemple. C’est celui d’une ancienne patiente, que j’avais eue pendant environ 3 ans en analyse 3 fois par semaine alors qu’elle était en cours de divorce et qui est revenue me voir deux ans après la fin de son analyse. Pendant la dernière période de son analyse, elle vivait seule avec ses deux enfants, deux filles qu’elle adorait et elle avait commencé peu à peu et très prudemment une relation avec un homme célibataire rencontré dans son travail, un homme très agréable et très doux, mais assez passif et qui semblait être lui-même assez réticent à s’engager dans une relation amoureuse stable. Quand cette dame revint me voir, elle était sous le coup de la décision brutale de son ami de rompre leur relation. La brutalité et l’irrévocabilité de cette rupture survenait alors qu’elle avait terminé le deuil de son mariage et qu’ elle se décidait à s’engager plus complètement avec cet ami. Elle plongea alors dans un désespoir brutal et total, caractérisé par une douleur psychique permanente et d’une intensité intolérable, la vie lui était devenue un supplice de chaque instant. Elle ne pouvait plus rien manger ni rien boire. Elle était devenue quasiment incapable d’éprouver des sentiments pour ses deux filles qu’elle adorait, sauf le devoir de continuer à s’en occuper et la culpabilité de leur imposer sa dépression qu’elle s’efforçait de ne pas trop leur montrer, sans prétendre la nier. Car ses filles, qui avaient l’habitude de voir son ami et qui avaient appris à l’estimer, comprirent vite ce qui se passait et, pour l’épargner, elles évitaient de prononcer son nom. La patiente maigrit très rapidement et elle éprouvait une sensation constante de froid. Elle avait littéralement perdu toute capacité de jouir du sentiment d’être en vie, comme dans l’aphanisis de Jones, qui constitue sans doute une forme de la dépression primaire décrite par Frances TUSTIN et Donald MELTZER chez les enfants autistes.

En effet, il était clair que la patiente avait le sentiment - plus que cela : le vécu total, global, psychique et physique - psychosomatique - d’avoir perdu, en perdant son ami, ses propres capacités de vie, de vie propre. C’est évidemment en raison du caractère très “narcissique” , ainsi que l’a nommé FREUD, de l’investissement qu’elle avait fait de cet homme.



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