|
Fortement impliqué dans les disputes entre kleiniens
et supporteurs
de Anna Freud, Winnicott deviendra le chef de file de ce qui s'appellera
le middle
group et qui regroupera des analystes ayant des visions assez disparates
mais qui ne s'associent pas aux deux groupes déjà organisés. Winnicott
jouera un rôle d'intermédiaire entre Klein
et Anna
Freud et conservera l'amitié de chacune des deux protagonistes. Il sera
président de la Société britannique de psychanalyse de 1956 à 1959 puis de
1965 à 1968. Si sur le plan organisationnel il fut non pas l'homme du centre mais plutôt celui qui se situe hors du conflit, Winnicott sera le théoricien de l'aire transitionnelle et de l'espace potentiel. Proche de Melanie Klein, surtout à ses débuts, Winnicott n'a jamais accepté sa conception de la position schizo-paranoïde alors même qu'il contribuait à enrichir la théorie de la position dépressive. Il a bousculé les idées reçues avec sa désormais célèbre formule selon laquelle l'enfant n'a besoin pour bien se développer que d'une "good enough mother". Sa pensée, riche et originale donne souvent l'impression d'une bouffée d'air frais dans un domaine où la pratique clinique particulière nous fait parfois perdre de vue la réalité quotidienne de la vie. Winnicott appartient à l'école des théoriciens de la relation objectale qui regroupe de façon plus ou moins arbitraire des auteurs indépendants les uns des autres. Donald Wood Winnicott est né à Plymouth, dans le Devon, en 1896, dans une famille de la bourgeoisie britannique, « …avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale, à une époque où les gens croyaient profondément que les choses continueraient à progresser dans la mesure où les hommes deviendraient de plus en plus éclairés.1 » Son père, Sir Fréderick Winnicott, est le maire de Plymouth. Il grandit dans un foyer stable et heureux, « ... adoré de ses parents et de ses deux sœurs aînées.2 » Son choix de devenir médecin est très lié à son tempérament particulièrement indépendant. C'est notamment à la suite d'une fracture qui le rend dépendant d'autres personnes qu'il se décide définitivement pour cette profession : « Je ne pouvais pas imaginer que, pendant tout le reste de ma vie, je serais obligé de dépendre des médecins, au cas où je me blesserais ou tomberais malade. Le meilleur moyen de m'en tirer, c'était de devenir médecin moi-même.3 » Athlète remarquable (ce sont les bouleversements dus à la Première Guerre mondiale qui l'empêchent d'atteindre un niveau olympique)4, élève brillant, il fait donc médecine. Pendant la guerre, il est chirurgien-stagiaire sur un destroyer. La physiologie, qu'il étudie, le déçoit, il la trouve froide, éliminant les émotions. Il s'oriente finalement vers la pédiatrie qui lui permet « … de traiter l'individu entier et de situer l'enfant dans le contexte familial et social.5 » Nouvellement diplômé et déjà conscient des limites et des impasses d'une approche purement médicale (c'est-à-dire qui ne prend en compte que la dimension physique), D. Winnicott découvre l'œuvre de S. Freud qui lui semble permettre de les franchir. Il débute sa formation d'analyste en 1923, en même temps qu'il commence à tenir des consultations en pédiatrie. De nouveau des limites se présentent : à l'époque, la psychanalyse s'adresse à des adultes cultivés et non pas à des enfants. Il s'agit d'un moment particulier dans l'histoire de la psychanalyse, notamment au Royaume-Uni, et la psychanalyse d'enfants n'en est qu'à ses balbutiements. S. Freud ne s'y est guère intéressé. La seule psychanalyse de l'œuvre freudienne est celle du « petit Hans », que S. Freud n'a pas rencontré. Le « petit Hans » a été analysé par son père, qui, lui, échangeait avec S. Freud. Le champ d'investigations a été laissé à sa fille Anna Freud, institutrice de formation. Elle publie en 1927 Le traitement psychanalytique des enfants et poursuit dans cette voie en Autriche. Lorsqu'elle est contrainte de fuir son pays en 1938, elle rejoint Londres où travaille depuis 1925 Melanie Klein. Cette dernière est venue au Royaume-Uni en 1925, sur l'invitation de Ernest Jones, président de la Société Britannique de Psychanalyse, et va rapidement devenir une psychanalyste importante. « Ses aptitudes exceptionnelles à comprendre les fantasmes inconscients du jeune enfant en recourant à des techniques de jeu saisirent l'imagination de ses collègues britanniques […] pendant dix ans un dialogue authentique se poursuivit au sein de la Société britannique, et les recherches de Melanie Klein influencèrent la pensée de tous.6 » Les deux femmes, parmi les premières psychanalystes de premier plan, défrichant le terrain de la psychanalyse des enfants, chacune figure de proue d'un groupe de psychanalystes (les annafreudiens et les kleiniens), vont polariser un affrontement aux enjeux théoriques et institutionnels (influence relative des deux courants, formation des nouveaux analystes, etc.). Le conflit avait débuté alors que aucune des deux femmes n'était au Royaume-Uni, il s'amplifia à l'arrivée de Mélanie Klein à Londres et atteignit son paroxysme lorsqu'à son retour A. Freud quitta le continent pour l'île. |