A la Rencontre des idées et des pratiques en psychologie et psychanalyse

Livres et Revues

La lettre de l'enfance et de l'adolescence, « L'enfant et son corps. »
Source http://www.oedipe.org/fr/revues/groupe_des_revues

Cette revue a trouvé le titre juste, « L'enfant et son corps. » Comme très souvent en conséquence d'actualités plus ou moins bruyantes, des débats surgissent, faisant apparaître des radicalités, des évidences, du tout ou rien.

Il n'y a certainement pas que la pédophilie dénoncée plus que jamais (et à très juste titre) pour avoir déclenché un (re)questionnement sur l'enfant et son corps. Les droits de l'enfant (le texte établi), l'enfant et son utilisation dans la publicité sont d'autres exemples. Corps idéalisé, totémisé ou fétichisé, objet ? Et la sexualité ?

On appréciera la forme du numéro avec les rubriques « Problématiques » et « Cliniques, pratiques ». Car même si théorie et pratique ne vont pas l'un sans l'autre (encore que !), la partition proposée est louable par l'effort fourni pour la rigueur de l'équipe éditoriale.

Nous retenons « Quand le corps souffre du langage » de Bernard Nominé. L'auteur tire judicieusement, avec la théorisation exposée de façon un peu complexe – mais est-ce possible de faire autrement ? –, ce qu'une pathologie peut nous apprendre d'un enfant « sain ». Comment concevoir le rapport « du sujet à son corps, à la jouissance et à l'Autre ? » Il propose « d'utiliser la dialectique du maître et de l'esclave mais en la tordant quelque peu ». Après cette étude, B. Nominé étudie de manière féconde la distinction entre autisme et schizophrénie. Débat toujours difficile dans la clinique avec les enfants. Pour ce psychanalyste, l'enfant autiste ne connaît pas la douleur du corps, il peut s'automutiler. L'enfant schizophrène souffre, il a un corps douloureux mais il a un corps.

« De la difficulté à se représenter l'enfant sexué » de Nicolas Murcier nous a semblé être au plus près du titre. Aujourd'hui, ceux et celles qui travaillent avec les enfants ont-ils au corps de l'enfant, quels rapports un père, une mère ont–ils au corps de leur enfant ? L'auteur a délimité son écrit par l'abord de deux thématiques : la pudeur et les soins du corps. Entre la mise à distance, pour éviter d'être suspecté de pédophilie, et la « fétichisation » du corps de l'enfant (« l'image fantasmatique d'un enfant idéal »), la voie est étroite. Son expérience professionnelle est un admirable témoignage que le bon sens ne va pas de soi.

Corps et langages sont liés. « Lors du goûter en crèche, les enfants étaient assis autour de la table avec un éducateur de jeunes enfants. Une stagiaire « malaxait » les cheveux d'un petit garçon de trois ans qui visiblement n'appréciait guère. La stagiaire étant debout dans son dos ne pouvait voir son visage. À un moment, l'éducateur de jeunes enfants lui a demandé d'arrêter puisque cela ne semblait pas convenir à l'enfant et n'avait pas de raison d'être. À sa demande d'arrêter, la stagiaire eut une réponse vive disant que « si ça ne lui plaisait pas il l'aurait dit puisqu'il sait parler ».

Enfin, nous avons une attention particulière pour l'article de Stanis Perez, « La fabrique du corps royal : les maximes d'éducation pour le jeune Louis XIV ». Un peu d'histoire, quel que soit le sujet ne fait pas de mal !

Comment le soin du corps d'un sujet est-il lié à l'avenir qui lui est promis ? Même s'il s'agit d'un futur bien spécifique (être roi), n'y a-t-il pas là à en retenir quelque chose ?

On notera, aussi la présence éclairante de scansions par quelques encadrés : respiration différente des exergues ou des notes bibliographiques habituelles. Invitations à se reporter à des textes ou des auteurs (Carson MacCullers, Christophe Donner, Trois essais sur la théorie sexuelle, …)
Récit, attachement et psychanalyse, Pour une clinique de la narrativité
Bernard Golse (ed) - Sylvain Missonnier (ed)

Co-Auteurs : Jacques Angelergues - Christelle Bénony - Ayala Borghini - Drina Candilis-Huisman - Dominique Charlier-Mikolajczak - Laurent Danon-Boileau - Pierre Delion - Alberto Konicheckis - Sophie Marinopoulos - Denis Mellier - Raphaële Miljkovitch - Roger Perron - Blaise Pierrehumbert - Arlette Seghers - Michel Soulé - Daniel Stern -

©2005 Vie de l'enfant -La - collection dirigée par Sylvain Missonnier (syl@carnetpsy.com)

ISBN : 2-7492-0393-7
14 x 22, 216 pages
23.00 €

Le récit des origines est fondateur de la communauté humaine et sa commémoration accompagne la naissance de ses nouveaux membres. Chemin faisant, l’individu formule le récit de sa vie pour revendiquer l’unicité de son existence. La récurrence de ce double travail de composition sur soi-même et de présentation mutuelle à autrui est le ferment permanent de son « identité narrative » individuelle et groupale.
À l’évidence, l’espace du récit est au cœur de la psychanalyse où la parole est matière première. Mais, curieusement, la théorie psychanalytique est restée timide à l’égard de la « narrativité » qui s’est développée avec créativité à l’entrecroisement de la philosophie, de la linguistique, de la littérature et de l’anthropologie.
Aujourd’hui, en périnatalité, les conditions favorables sont réunies pour dépasser ce rendez-vous manqué et dynamiser cette rencontre. De fait, autour de la naissance, l’exploration de la genèse interactive du récit chez l’infans et du récit des origines des adultes met singulièrement en exergue les promesses heuristiques de la narrativité.
C’est ce qu’illustrent les diverses contributions de cet ouvrage collectif rédigé par des linguistes, des spécialistes de l’attachement, des psychiatres, des psychologues et des psychanalystes. Au-delà de la diversité de leur point de vue, ils convergent vers un objectif commun, essentiel pour tous les cliniciens : la construction d’une sémiologie et d’une psycho(patho)logie psychanalytique de la narrativité.

Bernard Golse est pédopsychiatre-psychanalyste, chef du service de pédopsychiatrie de l’hôpital Necker-Enfants Malades, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’université René Descartes (Paris V), président du groupe WAIMH-Francophone.

Sylvain Missonnier est psychologue, maître de conférences en psychologie clinique à Paris X-Nanterre, membre du laboratoire du LASI, attaché à la maternité et au CAMSP de l’hôpital de Versailles.
« Freud, un anniversaire marqué par la polémique » par Martine Perez

06 mai 2006, (Rubrique Sciences & Médecine) Cent cinquante ans après la naissance du médecin autrichien, l’analyse s’inscrit largement dans la vie culturelle, mais partage le champ de la souffrance mentale avec d’autres disciplines.

SIGMUND Schlomo Freud, fils du marchand de laine Jacob Freud et d’Amalia son épouse, est né le six mai 1856 en Moravie. Cent cinquante ans après sa naissance, les théories du maître de la psychanalyse enflamment toujours le monde intellectuel et médical, tout particulièrement en France. Le génie de Freud a été de conceptualiser le psychisme humain autour de l’inconscient, ce monde difficilement explorable, sauf à aller, selon lui, analyser avec acuité les rêves, les lapsus, les névroses, les mots d’esprit... Pour Freud, la psychanalyse vise à résoudre les troubles psychiques, en débusquant les conflits et les frustrations tapis dans l’inconscient. La psychanalyse comme cure
thérapeutique, a connu des hauts et des bas, au cours du XXe siècle dans le monde occidental, même si l’oeuvre de Freud a toujours été défendue par des élèves brillants prêts à en découdre pour imposer sa théorie, la faire évoluer, l’adapter, la développer, l’appliquer. Il a aussi toujours eu des détracteurs, contestant sa méthode, estimant qu’il était trop facile de spéculer à l’infini sur ce qui se trame dans cet inconscient inaccessible.

En France, la polémique autour de la psychanalyse gronde tout particulièrement depuis février 2004, date à laquelle a été publié un rapport de l’Inserm évaluant l’efficacité des différentes psychothérapies et faisant la part belle aux thérapies cognitivo-comportementales ( TTC), plutôt qu’aux cures analytiques. Les tenants de ces TTC ont pour eux d’avoir publié un nombre important d’articles scientifiques pour évaluer leurs pratiques. Alors que les psychanalystes estiment que l’Evidence Based Medicine (la médecine basée sur les preuves) n’est pas adaptée à l’objet étudié. La guerre entre les plus sectaires des psychanalystes et les plus sectaires des comportementalistes flambe alors par le biais d’articles, de débats et d’opinions publiés dans la presse spécialisée et grand public. La charge est relancée en septembre 2005 avec la publication d’un livre noir de la psychanalyse, véritable brûlot contre les partisans de Freud.

Aujourd’hui, l’abord thérapeutique de la santé mentale s’est considérablement étendu, avec des approches médicamenteuses, biologiques, comportementales, et plus seulement analytiques. Les concepts freudiens ont cependant imprimé une marque indélébile en psychiatrie – même chez les opposants à la psychanalyse – en donnant du sens aux symptômes, en caractérisant la relation thérapeutique, en mettant de l’humain dans le soin. Tout un courant en neurosciences en France,
mais aussi aux États-Unis, travaille à donner un substrat biologique aux théories freudiennes et notamment à l’inconscient.

La psychanalyse s’inscrit aussi dans la vie culturelle au sens le plus large possible, représente une approche de la connaissance de soi, inspire de nombreuses techniques en psychothérapie, mais doit désormais partager le champ de la prise en charge de la souffrance mentale, avec d’autres disciplines. Cent cinquante ans après la naissance du médecin autrichien, l’analyse s’inscrit largement dans la vie culturelle, mais partage le champ de la souffrance mentale avec d’autres disciplines.
Savoir et clinique, « Clinique du suicide - Mourir… un peu… beaucoup ».
Erès Octobre 2004

Le thème proposé par la revue Savoir et clinique ne peut que retenir l'attention du psychanalyste tant la question du suicide le concerne au quotidien de sa pratique. Ce numéro vient accompagner et compléter un ouvrage collectif coordonné par Geneviève Morel Clinique du suicide paru récemment chez le même éditeur et apporte au lecteur un certain nombre de réflexions principalement centrées sur l'exposé de cas cliniques ou s'appuyant sur des textes littéraires. Le sujet est vaste, les situations très différentes les unes des autres. Les auteurs nous font partager les réflexions qui ont accompagné leur parcours de clinicien ou de lecteur.

Si les tendances suicidaires accompagnant la dépression peuvent donner au psychanalyste l'impression de disposer du temps nécessaire pour explorer les tenants et aboutissants d'une problématique forcément complexe, il n'en est pas de même des situations de détresse extrême ou la seule parole audible du patient s'exprime sous la forme nette d'un « j'veux mourir » répété sans cesse et accompagné de gestes d'auto-destruction qui font chaque jour monter d'un cran l'angoisse de tout l'entourage, soignants y compris. Cette situation d'urgence ressentie par tous laisse peu de place au temps nécessaire pour tenter d'y voir clair. Raison de plus pour tâcher d'y réfléchir en prenant quelques distances comme la lecture de la revue nous y invite.

À ce titre le travail de Lucie Charliac à propos du livre récemment paru en poche Le Fusil de chasse de Yasushi Inoué nous a paru particulièrement bien venu. L'auteur souligne en effet, en suivant pas à pas le récit, comment Inoué loin de se perdre dans des méandres de raisons psychologiques repère dans le passage à l'acte du personnage principal « un moment de rupture provoqué par (un) événement contingent ».

Le texte de Monique Vanneufville relégué, on ne sait trop pourquoi hors du dossier thématique, aborde quant à lui l'aspect mélancolique de la question du suicide. La présentation que l'auteur nous donne de l'histoire de sa patiente est émaillée de remarques justes et qui mettent bien l'accent sur la nécessité qu'il y a de faire la distinction entre la dépression névrotique et la mélancolie. C'est d'ailleurs la même finesse clinique que l'on retrouve dans le texte hors dossier de Brigitte Lehaque « manger est facultatif » qui opère justement la nécessaire distinction entre l'anorexie hystérique et l'anorexie, symptôme d'une structure psychotique. C'est sans doute à cette constante nécessité du repérage de la structure que l'on reconnaît le mieux le travail effectué par Geneviève Morel et Franz Kaltenbeck avec les auteurs de la revue. Cette juxtaposition conjoncturelle avec les textes concernant le suicide rappelle aussi combien l'anorexie peut aussi être considérée souvent comme une des modalités possibles de l'acte suicidaire. On l'oublie trop souvent : les anorexiques meurent aussi…
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