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Pourquoi? La psychanalyse, qui est à la fois une
technique particulière de psychothérapie et une réflexion sur la structure de
l'esprit humain, a été découverte par Freud il y a un siècle, au cours de
nombreux tâtonnements avec ses patients. Elle a été mise au point lentement
à la suite de découvertes
cliniques, d'erreurs, de théorisations
successives, de remises en question. Les découvertes principales qui nous
servent encore sont : l'existence d'un inconscient actif en nous, la puissance
de la parole comme élément thérapeutique, l'importance du rappel des
souvenirs, les "résistances"
à parler, et l'existence du "transfert"
et du "contre-transfert".
Ces deux noms barbares ont été donnés par Freud aux deux faces d'un des phénomènes
les plus déroutants qu'il ait découverts avant qu'il n'en comprenne sa
signification au cours de son travail. C'est en réalité un des principaux outils du psychanalyste:
le psy, au cours des séances de psychothérapie, devient le support de
projections inconscientes de son patient. (Le mot projection inconsciente
recouvre le fait d'attribuer à un autre, sans le savoir, les pensées qu'on a
éprouvées soi-même). Par exemple si le patient devient jaloux des autres
clients de son analyste, il reproduit inconsciemment une situation déjà vécue
par lui dans son enfance, lorsqu'il était jaloux d'un frère ou d'une soeur. Il
ressentait de la rancune contre son père et sa mère qui "aimait
mieux" l'autre... Il "transfère" sur son analyste des sentiments
déjà éprouvés, il lui en veut comme il en voulait à ses parents sans se
rendre compte d'où lui vient ce sentiment. Il attribue à son analyste
l'injustice qu'il a attribuée à ses parents. Selon la règle "de dire
tout ce qui vous passe en tête" énoncée au début du traitement (règle
d'ailleurs terriblement difficile à suivre) il va faire part de ce qu'il
ressent à son analyste qui va pouvoir travailler cette souffrance avec lui. Il
va l'aider à reconnaître cette jalousie qui le fait souffrir et qui a réapparu
grâce à la situation analytique.. Mais à l'inverse le psy peut être lui
aussi remué par ce que dit son patient, et s'il n'y prend pas garde, il peut
retrouver des impressions anciennes et réagir à celles-ci et non pas à ce que
son patient lui dit. C'est pour cela que pour devenir psychanalyste, c'est une
obligation absolue d'avoir suivi une psychanalyse, pour être capable de repérer
ses propres mouvements "transférentiels", (ou
"contre-transfert") sinon vous allez projeter inconsciemment vos
propres problèmes sur le dos de votre patient. Mais il y a plus que cela : le
contre-transfert ressenti par l'analyste, qui met en branle ses propres
sentiments, le renseigne non seulement sur lui-même, mais aussi sur son
patient. Searles, un psychanalyste américain, a même écrit "le
contre-transfert" est le "symptôme" du patient". Il vous
renseigne sur le problème du patient : ce que vous fait éprouver votre
patient, il doit le faire éprouver aussi à d'autres et c'est l'occasion rêvée
de comprendre pourquoi. La relation analysant-analyste est comme une sorte de
relation artificielle, bien que très réelle, qu'on peut se permettre
d'analyser, de comprendre sans vexer personne, c'est un peu comme un laboratoire
vivant. Vous voyez que dans ce métier
nous engageons nos "tripes" pour ainsi dire. Le matériau que nous
travaillons est un matériau vivant, celui du patient et celui du psy. Nous
travaillons sur la "résonance" entre deux êtres humains, comme
dirait Mony Elkaïm , thérapeute familial à Bruxelles. Un exemple : une patiente vient me voir pour un mal-être
profond, dit-elle. Je ne sais pourquoi, plus elle parle, plus elle m'énerve, ce
qui ne manque pas de me surprendre. Que faire? Je ne peux bien entendu le lui
dire! Pourtant cet énervement inexpliqué a un sens, c'est certain. Je finis
par dire :"Vous savez, pendant que vous parlez, je sens comme une sorte de
colère en moi que je ne m'explique pas." - "Ah! vous aussi, c'est mon
premier problème, j'énerve tout le monde et je ne sais pas pourquoi!" Grâce
au fait que j'ai pu dire ce que j'ai ressenti, cette femme a pu travailler sur ce
problème sans crainte de me mettre vraiment en colère et a pu comprendre ce
qui se passait en elle. Etre psy c'est
écouter, trouver du sens à ce qui est dit, ressenti, ou parfois caché lorsque
la personne a de fortes résistances à parler. Les techniques peuvent être différentes, la
psychanalyse classique se pratique entre le patient, qui est étendu sur le
divan, et son analyste assis derrière. Ceci leur permet de parler plus
librement, de pouvoir se taire, de ne pas être obligés de composer leur visage
etc... Les séances ont lieu plusieurs fois par semaines, cela prend du temps et
de l'argent (bien qu'il existe des psychanalyses gratuites en dispensaire). Les
indications sont précises et limitées. En revanche la psychothérapie
analytique se pratique plus facilement, dure moins longtemps, se passe
en face à face, en général une fois par semaine, mais parfois moins fréquemment.
Elle peut se faire à deux, en couple, en famille ou même en groupe. Mais les
concepts psychanalytiques sont les mêmes. Le phénomène de "résonance"
est le même, le pouvoir de la parole est le même, les souvenirs inconscients
ont la même importance, l'implication du thérapeute est la même. Donc vous voyez, c'est un drôle de métier! Mais
c'est un métier si passionnant que ça vaut la peine de s'y préparer pendant
des années et de l'exercer le plus longtemps possible. |