Tables Rondes Générales du dernier Carrefour Résiliences |
Catherine Amoyal,
Boris CYRULNIK, Michel Delage,
Bernard Golse,
Philippe
Gutton, Gérard Pirlot,
Sylvain
Missonnier et Serge Tisseron
ainsi
qu'un certain nombre de participants…
|
I-Ean
Boris
Cyrulnik
Je
pense que Joyce Aïn a eu raison de commencer ce Carrefour en donnant la parole
à des écrivains et à des personnes qui commentent les écrivains, parce que
les écrivains sont très souvent des précurseurs de la pensée notamment
lorsqu’il s’agit de romans sociologiques : Emile Zola, Dumas, etc., du
XIXème siècle nous apprennent plus sur les structures sociologiques que les
travaux scientifiques de la même époque. Il est vrai également que Nietzsche,
Rimbaud, etc., annoncent des pensées que S. Freud va formaliser, structurer et
qui font notre culture, mais il y avait des prémisses, des frémissements chez
ces écrivains de l’avant-Freud.
Pour ce qui est des deuils précoces chez de nombreux écrivains, voire
chez de nombreux créateurs, c’est une réalité. André Haynal [2]
que nous avions invité à Toulon, a écrit Les
orphelins mènent le monde et il a eu le même étonnement que vous face à la
liste impressionnante d’orphelins [3]
qui mènent le monde. L’explication qu’il donne, c’est
que, jusqu’à l’après-guerre de 1914 et on va schématiser en disant
jusqu’à 1950, c’est à dire jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, un
enfant sur deux était orphelin. Un enfant sur deux n’avait pas été élevé
par ses parents biologiques qu’on appelle aujourd’hui parents naturels et
parmi eux, il y avait des gens comme Moïse, comme Œdipe, qui étaient
contraints à l’innovation puisqu’ils avaient moins de modèles présents,
moins de présences que d’autres. Par conséquent, ils devaient se référer
à une absence et, forcément, ils étaient innovateurs, transgresseurs, comme
Rimbaud parce que, quand on est dans une telle situation, on peut choisir d’être
soumis, de s’adapter et là, l’adaptation peut-être considérée
comme un phénomène d’anti-résilience, comme un phénomène qui empêche le
processus de résilience, exactement
comme le prisonnier s’adapte à la prison, les animaux à la cage du zoo, etc.
Au contraire, la révolte, l’insoumission déclenchent un processus comme chez
Elie Wiesel [4],
Tomkiewicz [5], Alexandre Jollien…
parce qu’ils ont été non-adaptés, transgresseurs. Alors, on peut être transgresseur parce
qu’on devient comme Rimbaud, vendeur d’armes et on cesse brutalement la
poésie qui est trop bien acceptée par la culture. On peut être transgresseur
aussi en étant scientifique et qu’on cherche à mettre dans le monde quelque
chose qui n’y était pas avant. On ne répète pas, non, on est anti-adapté
et c’est ça qui déclenche le processus de résilience.
Votre exposé était tout à fait stimulant parce qu’il pose en effet
tous les problèmes de la littérature, de la résilience et des processus qui
empêchent la résilience. Gérard
Pirlot Je ne suis pas à proprement parler un
spécialiste de la résilience. J’ai découvert vos travaux il n’y a
pas très longtemps et c’est vrai que dans mon idée, il y avait quelque chose
de l’ordre de l’adaptation dans l’idée de résilience. Et là, je suis
bien content de vous entendre dire : Non,
au contraire. Effectivement, la capacité à
transgresser, à innover, la capacité pour subvertir le « Verbe »
– car c’est quand même ça la poésie – et donc de mettre la libido dans
le Verbe et de se « récupérer », si j’ose dire, un « Verbe »
vivant parce qu’il s’agit quand même pour l’orphelin de père d’avoir
un « Verbe » vivant en lui et de l’introjecter. Mais
c’est vrai que j’avais compris la résilience comme quelque chose d’un peu
plus du côté de « l’adaptabilité » ou de l’adaptation. De là
mon titre « d'antirésilience », j’avais mal compris. Boris
Cyrulnik
Pas forcément. C’est vrai que les mécanismes de défense sont
adaptatifs. C’est un concept qui est très utile dans les théories de la résilience,
même si les psychanalystes ont du mal à définir tous les mécanismes de défense.
En réalité, nous employons les mêmes mots, mais
pour chacun d’entre nous, les mots désignent un morceau de notre mental. La définition du centre du concept est assez
claire, mais il y a un halo sémantique – j’y reviendrai certainement plus
tard – qui fait que, dès qu’on s’éloigne un peu du halo, chacun parle de
son mécanisme de défense ou de ce qu’il pense du mécanisme de défense. C’est
vrai que le concept d’adaptation ou d’adaptabilité est un concept qui dans
les théories de la résilience est très utile, même si les psychanalystes ont
du mal à définir tous les mécanismes de défense. On emploie les mêmes mots,
mais pour chacun d’entre nous, ça désigne un morceau de notre mental différent,
mais on emploie les mêmes mots.
G.E.Vaillant [6]
à Harvard et Serban Ionescu [7]
à Paris nous expliquent que certains mécanismes de défense sont régressifs
et trop adaptés. Par
exemple : Ce soir, je suis trop malheureux, je souffre trop, je ne tiens plus
le coup, c’est trop dur, alors je vais prendre un whisky et regarder un match
de foot à la télé. Mais oui bien sûr que vous pouvez prendre un verre de whisky et regarder ce que vous voulez à la télé, mais attention, pas tous les soirs,
sinon vous risquez l’atrophie cérébrale !! Parmi
les mécanismes de défense régressifs, il y a la violence qui désocialise,
l’hypocondrie ; le délire aussi :Je ne comprends plus ce monde, mon self
n’a plus aucune cohérence, le monde que je
perçois est incohérent, je m’y sens mal et je ne sais pas y répondre et puis, tout d’un coup, l’explication est là :
Je
suis mal alors que je suis merveilleux, je suis merveilleux alors que je me sens
mal. Eh bien, ça ne peut être qu’à cause de vous ! C’est votre faute !"
Je me sens nettement mieux puisque j’ai trouvé la cause,
l’ennemi, le bouc-émissaire, la victime-émissaire celle par qui tout arrive.
Voilà une adaptation qui désocialise
et qui est anti-résiliente. En
revanche, il y a d’autres mécanismes de défense qui favorisent la résilience :
c’est l’humour, même si comme l’a très joliment défini Corcos tout à
l’heure, l’effet de protection de l’humour protège, mais peut donner
aussi un Moi apparemment normal qui saigne en cachette. Mais
l’apparence est, disons, agréable. La sublimation ? C’est un mot qui a beaucoup
été employé par Freud et c’est aussi quelque chose qui permet de socialiser
et ce, quel que soit le prix : Je renonce à toute une partie de ma libido pour me rendre
acceptable à vos yeux. En échange de ce prix très élevé, je peux vous côtoyer
et puis continuer ainsi. Mais là aussi, j’y reviendrai sans
doute plus avant.
Donc l’adaptation n’est pas un
critère de résilience. En fait, les psychanalystes qui ne veulent pas faire
d’observation directe, même si beaucoup de psychanalystes ont fait des
observations : John Bowlby, René Spitz, Anna Freud ont fait des
observations directes, mais ils ont été critiqués. J’y reviendrai sûrement
plus tard. On peut faire le choix d’une autre option méthodologique et, dans ces cas-là, on voit que le mécanisme de défense a un effet interactif et que certains de ces mécanismes : Je interpelle un autre va me servir de tuteur de résilience ou, à l’inverse, d’autres mécanismes de défense sont tels, que je vais chasser l’autre, le rendre responsable de tous mes maux et je vais me couper, rendre impossible un tuteur de résilience. Gérard
Pirlot C’est
très étrange, parce qu’en vous écoutant, je me disais que finalement –
comme Monsieur Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir – j’utilise
la résilience sans le savoir, parce que c’est évident que dans le
contre-transfert ou dans le transfert des patients sur ma personne, il y a
quelque chose que je vis là aussi malgré moi, qu’ils me font vivre aussi. Je
veux dire qu’évidemment qu’il y a du transgénérationnel, de
l’intersubjectif. Tout dépend du moment de la
journée, si je suis fatigué ou pas,
tout dépend aussi de ce qui est dit dans la séance, tout dépend de tel type
de patient qui me fait revivre telle ou telle émotion pour laquelle, peut-être,
ma résilience ou ma « complience » – parfois, je confonds les
deux mots – est plus forte ou plus basse. Si
vous voulez, c’est déjà assez compliqué, pour moi en tout cas, de penser
les choses avec les concepts que j’ai, sans en rajouter un, qui – je le vois
bien – parfois peut effectivement montrer qu’il y a une forme de résistance
puisque, si j’ai bien compris, il y a quand même une idée de résistance
derrière cette idée. Non. Ah bon !
Non plus.
Mais
vous êtes bien aimable de chercher à comprendre ! Ce que vous dites là, c’est le danger des métaphores
et c’est sans doute le plus grand danger pour cette idée de résilience. Remarquez que la psychanalyse est bourrée de métaphores :
j’avais essayé de noter un jour et j’en étais à deux pages entières de métaphores !
Les métaphores hydrauliques, le quantum d’énergie…la régression, la
sublimation, la fixation….
La science n’est pas en reste !
Mais ce n’est pas grave ! Les métaphores
aident à penser mais peuvent se transformer, effectivement très vite,
en pièges de la pensée. Pour la résilience, vous avez totalement raison,
c’est une métaphore. Cela aide à penser, et si on est idolâtre, si on prend
l’image pour la chose en oubliant que l’image réfère, désigne une chose
qui n’est pas là, alors à ce moment-là, on fait un contresens sur la résilience.
La résistance, c’est le « coping » le « to go with » ou « j’affronte », je suis donc dans la synchronie, je suis dans le malheur, instantanément
je me dis : Comment vais-je affronter ? Eh bien « front à front »,
je vais faire face, je vais utiliser toutes les ressources qui sont au fond de
moi. Là,
le stress qui est une définition biologique a son mot à dire, notre passé a
son mot à dire, notre entourage a son mot à dire. Vous
avez posé la question : Quelle est la place de la résilience dans le coup
? Vous avez dit aussi que les psychanalystes travaillent dans l’après-coup.
Or, je pense que la place de la résilience a été définie par Bernard Golse
qui, en parle aussi. Je peux juste dire que Golse dit très justement : la
place de la résilience c’est juste avant l’après-coup, c’est à dire que
le coup c’est le réel : J’ai reçu un coup physique, j’ai reçu un
trauma… Le
traumatisme aussi est une métaphore, ce n’est pas Freud qui l’a inventé,
c’est Oppenheim et Janet, et Freud l’a travaillé. Le traumatisme c’est
clairement une métaphore qui vient de la chirurgie, puisqu’il y avait débat
entre les 1ers psychanalystes pour savoir si on avait le droit de parler de
trauma crânien si la voûte crânienne n’était pas cassée. Le débat était
bon : la voûte crânienne n’est pas cassée, mais les méninges sont déchirées,
et il y a donc bien un traumatisme.
Donc, le trauma, c’est le coup dans le réel : le coup, le froid,
l’abandon, la solitude, la privation d’altérité, etc.
La psychanalyse, c’est dans l’après-coup, c’est dans la représentation
du réel et beaucoup « d’attachementistes » comme on dit vilainement, travaillent
sur les représentations d’attachement et confirment d’ailleurs
l’efficacité du travail de la psychanalyse. Ils font des tests, des
questionnaires validés de représentations, et montrent que les représentations
d’attachement, après quelques années de psychanalyse, ne sont plus les mêmes
que celles du début de la psychanalyse. Après quelques années de
psychanalyse, on ne décrit pas les mêmes parents qu’au début, en fait, on
n’a pas les mêmes parents. Nous
avons là un test qui permet donc de valider le travail de la psychanalyse. Je
sais bien que c’est un mot que les psychanalystes n’aiment pas beaucoup et
que les politiciens, eux, aiment beaucoup. Mais la méthode
de l’attachement permet de préciser un peu tout cela.
Et la résilience, comme le
dit Bernard Golse, c’est juste avant l’après-coup,
c’est à dire : Je suis en agonie psychique, (Ferenczi n’est-ce pas ?), je ne suis pas stressé, je suis hébété,
en pleine hébétude, je suis mort psychiquement ou j’ai une escarre
psychique. Une partie de mon psychisme est mort, même si tout le reste vit
encore « apparemment normalement », mais je développe ce qui vit
encore parce qu’il y a une partie de mon psychisme qui est devenu comme une
escarre. A partir de là, comment vais-je faire ? Je suis mélancolique, psychotique ; la psychanalyse, je ne veux pas
en entendre parler, je pense que les psychanalystes vont prendre mon âme, vont
m’envoyer des ondes et je ne veux pas y aller, ou je suis mélancolique et je
n’ai même pas la force de quitter mon lit,
et à ce moment-là, démarre un processus facile, dont la définition et
l’enclenchement sont faciles. Plus tard, peut-être, j’irais voir un
psychanalyste, ou peut-être pas.
Georges Perec y a été, Rimbaud n’y a
pas été, et probablement, il n’aurait pas voulu y aller. Absolument ! Boris
Cyrulnik
Il a préféré la transgression de ventes d’armes, jusqu’à l’indifférence,
jusqu’à la mort psychique. Gérard
Pirlot
Inadapté jusqu ‘à la fin ! J’aime
bien l’idée de « juste avant l’après-coup » qui renvoie, je suppose, aux théories
de l’attachement et au grand rôle, on peut le supposer, de l’environnement
familial, maternel, du regard de la mère, le « holding » et le « handling » de Winicott en quelque sorte. On peut
imaginer qu’il y a toute cette structure première nécessaire pour qu’il y
ait résilience. Je
me posais aussi la question de savoir si le caractère venait en ligne de compte
dans vos questionnements sur la résilience : Est-ce que les gens qui ont
effectivement un caractère assez fort, sont plus résilients que ceux qui en
ont un moindre ? Le caractère est quand même la manière de se manifester
dans un environnement donné déjà très tôt, et quand on sait aussi les liens
avec l’analité par exemple, c’est à dire que moi j’imagine bien
effectivement dans ce que vous dites tout le lien avec l’oralité, puisque ce
sont quand même des organisateurs psychiques avec lesquels, nous
psychanalystes, nous travaillons. Donc, après l’analité qui rend un peu plus
dur la textualité – André Green emploie même le terme « d’analité
primaire », presque de « contenant psychique » – je me
disais : j’ai l’impression, effectivement, que la capacité de résilience tient sans doute d’un environnement suffisamment bon,
comme disait Winnicott, de telle sorte qu’avant l’après-coup il y ait une
texture suffisamment solide pour rebondir, puisque c’est quand même ça
l’idée de résilience, il y a du « re » comme disait Edgar Morin,
non ?
Eh bien non ! Parce
qu’après un traumatisme, on est contraint à la métamorphose, donc, on ne
peut pas redevenir comme avant. Il est là le danger des métaphores, c’est à
dire qu’effectivement, la définition en Physique c’est : la barre
reprend sa forme, mais c’est une métaphore et le linguiste Alain Rey [8]
a dit que les travaux des « attachementistes » sur la résilience ont modifié la définition de
l’inconscient. J’y reviendrai plus avant. Gérard
Pirlot
Oui, mais cela dit, quand vous parlez de métamorphose, de l’évolution
de l’œuvre de Freud, je crois savoir quand même que dans les métamorphoses
animales, par exemple de la
chrysalide en papillon, certaines molécules, en tout cas transmetteurs « neuro-hormones », qui étaient
au niveau de la chrysalide, se retrouvent au niveau du papillon, mais servent à
autre chose. C’est
ça qui est fabuleux ! La même molécule, dans un autre contexte – le
contexte est terriblement important – on l’oublie toujours et il peut
servir. Et
là, dans l’œuvre de Freud, vous voyez effectivement que la sexualité était
là au départ et se retrouve à l’arrivée, par conséquent on voit bien
qu’il y a transformation, mais continuation quand même. Boris
Cyrulnik
Exactement ! Voilà, ça pourrait être une définition de la résilience ! Gérard
Pirlot Ah!
J’y suis arrivé ! Merci ! Boris
Cyrulnik
Ça pourrait être une contrainte à la métamorphose, et qu’est-ce
qu’on fait de ce qui nous est arrivé là où on vit ? C’est une
transaction entre ce qu’on est et ce qui est. Donc, ça implique des
connaissances intégratives et non pas des causalités linéaires, cela empêche
toute causalité linéaire, c’est à dire qu’on s’entraîne, et c’est
pour cela que les systémiciens sont précieux, parce qu’ils nous invitent à
raisonner en termes de « constellations de déterminants ». Dans cette constellation de déterminants,
il y a des étoiles majeures : ma mère, mon père quand ils sont là ou quand ils se sont éteints : le père de Georges Perec éteint,
sa mère disparue, le père
d’Arthur Rimbaud qui brillait mal, Baudelaire dont le beau-père brillait
douloureusement… Il y a donc des étoiles majeures, mais il y a aussi
d’autres étoiles, et c’est bien cette constellation de déterminants qui
convergent pour provoquer une métamorphose.
Je dois dire que je ne suis pas psychanalyste et dans mon esprit un peu rétrograde,
ce que vous appelez résilience, pour moi ça s’appelle refus. J’en veux
pour preuve la Résistance telle que je l’ai pratiquée en 1943. Boris
Cyrulnik
Les gens qui ont fait de la Résistance pendant la guerre ne sont pas
tous devenus résilients, c’est à dire que la Résistance, c’est de la
synchronie dans l’interaction, dans l’affrontement, et la résilience se
situe dans la reprise évolutive, juste après la guerre. On n’est pas encore,
comme le dit Bernard Golse, dans l’après-coup. On est dans « les
starters », dans le redémarrage, la reprise évolutive et, effectivement, beaucoup
de Résistants sont devenus résilients parce qu’ils ont constitué des
groupes d’anciens Résistants, parce qu’ils ont publié…
Ceux qui ont fait la guerre de 14, leurs propres enfants les ont fait
taire et il y a eu une tentative de « négationnisme » de cette guerre-là, parce que les décideurs,
les politiciens de l’époque disaient : Si on parle de ce qui s’est
passé, on va désespérer tout le monde. C’est Louis Marin [9],
le député de Nancy qui a dit : On ne peut pas taire un million de morts,
il faut absolument qu’on en parle ! Et c’est cet homme qui a déclenché
cette jolie épidémie des monuments aux morts qui embellissent toutes les
places des fêtes des villages français. Il
y a bien eu une tentative des poilus de 14, mais leurs enfants leur disaient :
Arrête un peu papa avec tes histoires de poilus, de tranchées !
Il n’y a pas eu du tout le même mouvement pour les Résistants dans
l’après-guerre : ils ont parlé et ils ont déclenché un processus de résilience.
Ce qui n’a pas été du tout le cas des déportés de la Shoah qui ont parlé,
mais personne ne les a entendus ou même, on les a fait taire, et donc là on a
été dans un processus d’anti-résilience. Participante
Je voudrais qu’on revienne sur la définition du mot résilience parce
que je crois que je n’ai toujours pas compris d’où vient ce mot, quelle est
son histoire.
Est-ce que vous diriez que la résilience c’est très proche de la
capacité du travail du deuil ou est-ce différent ? Boris
Cyrulnik
Pour ce qui est du mot résilience, il y a une définition qui,
effectivement, vient des matériaux, mais les matériaux sont dits résilients
quand, après un coup, ils reprennent une forme et non pas leur forme. La
preuve, c’est que les marins à Toulon, mettent « des résilients »
quand ils fabriquent des pièces de tôle. « Le résilient » en
question, c’est une pièce carrée qui empêche les deux pièces de se taper
et c’est « le résilient » qui prend le coup et, au bout d’un certain temps,
il faut jeter « le résilient » parce qu’il est déformé par les
coups. Donc on s’est servi – enfin ce n’est pas moi – c’est Emmy
Werner, mais avant elle, il y en a eu d’autres comme Solnit par exemple.
C’est Colette Chiland qui avoue qu’elle a fait traduire le mot « résilience »
par le mot « résistance » ce qui est un contresens qu’elle a
reconnu, parce qu’on n’avait pas de mot en français pour désigner
correctement cette notion, mais à force de travail, cette notion est en train
de se préciser. En fait, comme tous les concepts, au départ ils ont été plus
proches de l’intuition, puis de la notion et évoluent vers un concept de plus
en plus précis.
Freud a fait la même chose avec la « sublimation ». Lorsque vous dites : Cette pièce de théâtre
est sublime ! Est-ce que vous pensez que ce mot désigne le passage d’un corps
directement de l’état solide à l’état gazeux ? Freud a complètement
redéfini le mot sublimation qui est aujourd’hui imprégné de psychanalyse,
alors qu’au départ il était imprégné de chimie. Même
raisonnement pour « inconscient », « quantum d’énergie »… Ne jamais oublier que Freud a travaillé
au laboratoire de Brück, laboratoire de psychophysiologie où on calculait la
vitesse de transmission des influx nerveux, etc. Les mots sont des organismes
vivants qu’on met au monde et qui évoluent selon la manière dont on les fait
vivre en faisant de la culture et en parlant. Puis, un jour, ils sont usés, on
a perdu leur sens et il faut très souvent inventer un autre mot pour redéfinir
le même concept, mais on lui redonne ainsi de la confiance.
Pour ce qui est de votre question sur le travail du deuil, là aussi,
pendant un moment, cette expression était complètement galvaudée, c’est à
dire qu’on entendait sans arrêt ce type de discours : Il faut que je vois son corps pour faire mon travail de deuil. Implicitement,
cela voulait dire :
Si je vois son
corps, je pourrais me remettre à vivre, alors
que si je ne vois pas son corps, je vais toujours
souffrir.
C’est un contresens total, je ne pense pas que les psychanalystes défendent
cette idée, en fait je pense que la perte dans le réel, elle est irrémédiable
et qu’il n’y a pas de remède possible à la perte. : C’est perdu, il
est mort, il ne reviendra jamais, mais il vit encore dans ma mémoire et dans
l’affect que j’avais pour lui quand il était vivant et que j’éprouve
encore aujourd’hui, alors que je sais qu’il ou elle est mort. Je le sais
dans le réel et pourtant, en moi, dans sa représentation, il ou elle vit
encore en moi, donc je vais devoir apprendre à vivre avec sa représentation
dans ma mémoire et dans mon sentiment alors que je sais consciemment qu’il ou
elle n’est plus là. Cela
n’a rien à voir avec la manière dont les journalistes emploient ce concept :
c’est devenu « une boursouflure sémantique » comme tous les
concepts qui entrent trop vite dans la culture, y compris les concepts de la
psychanalyse qui ont tellement marqué notre culture qu’on entend, en effet,
des âneries : travail de deuil, faire son Œdipe, etc., on entend même
parfois : Oh ! le pauvre ! Il n’a pas fait son Œdipe ! Et
ceci est valable pour tous les concepts. Quand Nietzsche a proposé son concept
de « surhomme », il ne voulait absolument pas que ça mène au
nazisme, et pourtant ce concept a été récupéré par le nazisme parce que
c’était une « boursouflure sémantique » qui a fait que
l’expression a complètement dérivé pour être récupérée idéologiquement.
Idem pour la découverte des « gènes » des « chromosomes » : on a là des dérives idéologiques très
faciles.
Les psychanalystes sont-ils capables de résilience ? Je me demande
si le modèle explicatif de la psychanalyse n’est pas insuffisant pour
expliquer la résilience dans la mesure où il s’agit d’un phénomène qui
n’est pas purement intrapsychique et qui est en interaction continuelle avec
la vie de l’individu, mais aussi avec la société dans laquelle il vit, le
milieu, la culture… Donc, il me semble que c’est un modèle insuffisant et
que les psychanalystes, pour comprendre la résilience, pour ne pas être dans
le flou de cette définition, comme on le ressent aujourd’hui, devraient
passer plutôt à un langage de la psychologie sociale. Boris
Cyrulnik
Gérard Pirlot va vous répondre. On a eu des réunions avec René
Roussillon, psychanalyste, et il dit que toute la psychanalyse ne s’occupe que
de résilience, ce qui ne veut pas dire que toute la résilience ne soit que
psychanalytique : Toutes les vaches sont des mammifères
ne veut pas dire que tous les mammifères sont des vaches. Gérard
Pirlot
C’est exactement ce que je disais tout à l’heure, j’ai
l’impression, comme M. Jourdain faisant de la prose sans le savoir, j’ai le
sentiment de faire de la résilience dans mon travail, de m’occuper de cela. Boris
Cyrulnik
Exactement !
Mais les psychanalystes ne font pas toute la résilience. Nous, nous disons que
la psychanalyse est un « tuteur
de résilience », mais il y en a beaucoup d’autres.
Tout à fait ! Il y en a beaucoup d’autres et on l’a bien vu
dans la littérature et ça dépasse largement le strict cadre intime du cabinet
de l’analyste. Il est évident que – et dieu, merci ! – les gens
peuvent trouver dans la réalité sociale
extérieure, dans leurs amours, dans la
créativité, et que sais-je encore !, de quoi étayer, renforcer la résilience.
Bien évidemment que cela déborde sur le champ de la psychologie sociale, mais
de toutes façons, si vous dites ça, moi je n’ai plus rien à dire : je
ne suis pas psychologue social. Boris Cyrulnik
Non, mais la question est quand même tout à fait passionnante, parce
qu’effectivement, chez les Québécois, au Proche-Orient et en Amérique du
Sud où je travaille beaucoup, la résilience
est comprise comme une pensée intégrative, comme la constellation des déterminants
que j’ai évoquée tout à l’heure. Les
psychanalystes ont une part importante du discours à tenir, parce que ce sont
des idées qui ont été quand même lancées par des psychanalystes qui ont
d’ailleurs été critiquées au début, mais qui ont été réintégrées par
la suite. Maintenant,
la psychanalyse ne peut pas tenir tous les discours, il faut donner la parole à
d’autres personnes qui travaillent aussi sur ce processus intégratif. Pendant
5 ans, j’ai participé à un groupe qui s’appelle «Biologie de l’attachement » où, quand on a prouvé avec les scanners que les
enfants avaient une atrophie fronto-limbique très facile à voir , eh bien
maintenant, on a toutes les étapes intermédiaires, c’est à dire que
lorsqu’on réorganise une société, une culture, une famille avec les
interactions banales autour de l’enfant,
les scanners de contrôle montrent, après un an de famille d’accueil,
que l’atrophie a disparu et on a toutes les étapes intermédiaires de
neurochimie et de neurosciences. Bien sûr, là, ce n’est pas le discours des
psychanalystes et il faut donc écouter les psychanalystes, mais il ne faut pas
leur laisser tout le discours. Participant
( Psychothérapeute et principalement systémicien)
Je voudrais savoir, Boris Cyrulnik, si, de votre point de vue, vous et
moi sommes cousins, cousins issus de germains. Est-ce que nous sommes de la même
famille, c’est à dire est-ce que l’approche systémique, les théories systémiques
qui existent dans note pays, sont proches de ce que vous développez autour de
la résilience ? Et puis, question subsidiaire, si c’est totalement « oui » ou « en partie oui » ou « en partie non » ou « totalement non », qu’est-ce que la résilience peut apporter à
l’approche systémique ? Bref,
qu’est-ce que ensemble, les concepts auxquels nous nous référons, peuvent
apporter en l’occurrence à nos patients ? Boris
Cyrulnik
Ma réponse va être très claire : c’est oui et non. Nous
sommes cousins, c’est sûr. On est tous issus de M. et Mme Cro-Magnon, tous
puisqu’on a le même ADN, alors que, et c’est une mauvaise nouvelle, on
n’est pas issu de M. et Mme Néandertal, on n’a pas le même ADN. Et
pourtant, on partage les concepts clefs lorsqu’il nous arrive un malheur,
quelle que soit notre culture. Il y a deux mots nécessaires juste avant l’après-coup,
entre la mort psychique et le retour à la vie : il y a l’affection qui,
pour nous, est une forme de biologie périphérique ; et puis, il y a le
sens et là, les psychanalystes ont leur mot à dire, ou les poètes, ou la
culture. Il
y a donc des invariants, quelle que soit notre culture, dès l’instant où on
est « être
humain descendant de M. et Mme Cro-Magnon »; on a besoin de ces deux mots-là pour
revenir en vie après une agonie psychique. Et pourtant, nous sommes aussi des
êtres de culture comme dirait Rachid Bennegadi, puisque nos cultures nous pétrissent
– et ça pétrit même notre cerveau – puisque avec Virginie Pape nous avons
fait un travail dans un groupe qui s’appelle « Neuromusicologie », travail qui montre que le cerveau
temporal gauche des instrumentistes est 4 fois plus gros que le cerveau temporal
gauche qui aiment la musique, mais qui ne sont pas instrumentistes, qui se
contentent de l’écouter. Bien sûr,
il y a les invariants puisqu’on est tous des êtres humains et puis, il y a
des variables puisque chacun d’entre nous
n’a pas les mêmes empreintes, n’a pas les mêmes parents, n’a pas la même
représentation de parents, n’a pas la même famille, n’a pas la même
culture. Donc,
chacun d’entre nous a un cerveau et une personnalité uniques ou à nuls
autres pareils, et pourtant, nous sommes tous des êtres humains, voilà
pourquoi ma réponse est claire : c’est oui et non. Participant
Est-ce que la résilience est dépendante
du « caractère
fort » ?
Boris
Cyrulnik Alors
là, ma réponse est claire : c’est non ! D’abord
ce concept de « caractère », on ne l’emploie plus. La « caractérologie », c’est fini ! On n’a pas besoin
de ce concept, de ces notions, d’autant que ce qu’on propose comme idée,
c’est que la résilience est un processus, c’est à dire que c’est une
transaction constante entre ce qu’on est et ce qui est. Il
n’y a pas très longtemps, Monsieur Jack Lesch et le professeur William Nyhan,
généticiens, ont décrit la maladie de Lesch-Nyhan. C’est une maladie qui ne
dégrade pas l’acide urique et du coup, l’acide urique s’accumule
tellement qu’il stimule les agmydales rhinencéphaliques [1]
comme le ferait un électrode. Il y a là un déterminant génétique de la
violence incontestable ; ces enfants interprètent biologiquement toute
information comme une agression à laquelle ils répondent par une agression. Il
existe aussi chez ces enfants des automutilations qui peuvent être graves.
Ayant dit ça, ça ne fait quand même qu’une naissance sur 30 ou 40
000, le reste de la violence n’est pas génétique, elle est affective,
sociale et culturelle, mais de temps en temps, il y a ce cas, et la démarche idéologique,
c’est de dire : Puisqu’il y a un cas où
j’ai vu et j’ai démontré facilement que l’acide urique provoque
une stimulation de l’acide urique, donc j’explique la violence par un déterminant
génétique. Ce qui est absurde ! C’est l’exemple des vaches de tout à
l’heure, ça n’a pas de sens ! Malheureusement, on a facilement
tendance à raisonner de cette manière.
Alors, M. Lesch montre que certains parmi nous, sont de gros
transporteurs de sérotonine et la sérotonine c’est ce qui est stimulé par
le Prozac [2]et
donc, certains parmi nous, sécrètent
un « Prozac
naturel ». Si on s’en tient là, il y aurait parmi nous des gens invulnérables
et qui ne feront jamais de dépression et d’autres, au contraire, petits
porteurs de sérotonine, qui vont faire des dépressions pour un oui ou pour un
non. Mais comme on a une discipline intégrative, on va poursuivre notre
raisonnement et on se rend compte qu’un petit transporteur de sérotonine peut
avoir une vie parfaitement équilibrée, parfaitement épanouie s’il en prend conscience :
Maman n’est pas là,
je suis désespéré ; mon copain de classe est méchant avec moi ou j’ai
raté un but au football, je suis désespéré ; je ne supporte pas la perte
parce que émotivement – on ne
parle pas de caractère fort ou faible – mais émotivement, je suis très sensible. Etant très sensible, que va faire ce petit porteur
de sérotonine ? Il
va simplement faire très attention, il va « se routiniser », il
va aller à l’école régulièrement pour plaire à ses parents et à la maîtresse ;
il va être moyen + et il va grimper et devenir Professeur d’Université…
Donc, il grimpe pace que la routinisation est un facteur privilégié par notre
culture, c’est à dire que si on est un élève régulier, si on travaille
bien, on peut monter et même aller très haut. Dans ce cas-là, on voit qu’un
facteur, dit de vulnérabilité, peut mener à un épanouissement.
L’inverse est aussi vrai. On voit que de gros transporteurs de sérotonine
sont des preneurs de risques. Dans la routine, ils meurent d’ennui, ils dépriment,
il leur faut toujours des stimulations intenses et en prenant des risque, ils
prennent des coups. On trouve beaucoup de dépressifs parmi les gros
transporteurs de sérotonine. Voilà pourquoi on ne se pose plus de questions
avec des expressions comme « caractère
fort ». Gérard Pirlot
Alors, c’est très intéressant parce que ce que Boris Cyrulnik ne sait
pas, c’est que pendant des années j’ai lu vos chroniques dans la recherche
et je pense que nous partageons le goût de la Biologie, de la vie… Enfin, je
trouve tout cela passionnant, mais là, sur ce point précis – évidemment, on
voit même la psychiatrie s’orienter de plus en plus vers les neurosciences
– mais là, vous dites que les gens qui cherchent les risques, addictés aux
risques d’une certaine manière, sont des producteurs de sérotonine. On peut
quand même se poser la question de savoir s’il n’y a pas là, pour le coup,
une espèce – je précise tout de suite que ce n’est qu’une hypothèse –
mais on peut se demander si ce n’est pas une sorte de contre-investissement
chimique à quelque chose qui serait de l’ordre effectivement de la dépression.
C’est tout le problème de l’usage de la Ritaline [3]
chez les enfants déprimés. A
ce propos, quand on donne, larga manu, en ce moment aux enfants, – ce qui est un
scandale absolu ! – Je le dis en passant parce que je suis très, très
en colère contre tout ce qui se passe actuellement ! (Applaudissements !) Donc,
il est évident que les gens secrètent, mais ça rejoint ce que vous disiez
tout à l’heure, à savoir que Freud était neurobiologiste, on l’oublie
trop souvent, et on trouve à la fois dans une lettre à Fliess de 1898 et dans L’Interprétation des rêves, page 345 – Eh bien oui ! Un psychanalyste
se doit de connaître son Freud ! – on trouve l’hypothèse que fait
Freud à l’époque qui est celle de neurones sécréteurs donc, on est en 1900
et Freud fait l’hypothèse qu’il y a des neurones sécréteurs. Cette hypothèse,
sachez-le, sera vérifiée en 1940 par Rolf Magun [4] avec
la découverte du diencéphale. Alors,
heureusement qu’il y a cette métamorphose chez Freud ! Heureusement
qu’il y a cette continuité d’un biologiste qui s’intéresse à la
biologie et à l’appareil psychique à travers son regard de biologiste
qu’il n’a jamais cessé d’être ! Je ferme là, la parenthèse sur
Freud mais ce que je ne voudrais pas qu’on oublie c’est, qu’effectivement
– vous avez raison aussi, quand les psychiatres, et j’en suis un, parlent de
neurochimie et de génétique parce que, bien sûr, ça dérive très vite vers
la génétique – mais mon dieu, qu’ils n’oublient pas, les psychiatres,
que le cerveau fonctionne aussi avec un appareil, « un Web psychique et que tout ce qui va se passer au niveau du Web psychique , ce que vous disiez d’ailleurs à
propos de la sculpture du cerveau, qu’ils n’oublient pas que cela dépend de
l’environnement !
Ce qui est très amusant d’ailleurs, c’est que des chercheurs anglais
ont montré aussi que la circulation sanguine du lobe frontal des amoureux était
nettement diminué. Comme quoi l’amour est aveugle ! Voilà,
qu’on n’oublie pas cette part psychique qui, évidemment, est assez énigmatique
pour qu’on ne puisse avancer qu’en termes d’hypothèses. Le
problème, aujourd’hui, c’est qu’en Sciences comme ailleurs, il faut des
images, des preuves, il faut de la validation. Et la pensée spéculative, celle
qui fait des hypothèses, n’a plus lieu d’être et ça, c’est quand même
très, très pénible, parce que croyez-moi le psychanalyste fonctionne
quotidiennement, en faisant des hypothèses sur ce qui s’est passé, sur ce
qui va se passer, etc. C’est
ce va-et-vient avec lui-même et le patient qui fait avancer les choses. En ce
sens-là, je pense que je travaille dans la résilience. Je voulais d’ailleurs
vous poser une question : Est-ce que le psychanalyste travaille pour la résilience ?
Est ce que vous pensez que quelqu’un qui est passé par la psychothérapie
analytique est plus résilient ? Il me semble que oui, mais je préfère
quand même vous poser la question. Participante
Peut-on considérer que la résilience est un processus dynamique de
reprise, de redémarrage de la pensée ? Boris
Cyrulnik
Mot à mot, ça peut être une définition tout à fait pertinente de la
résilience. Dans
le traumatisme, pas dans le trauma qui lui est dans le réel alors que le
traumatisme est dans la représentation du réel, la résilience se trouve entre
les
deux et il y a presque toujours une
impossibilité de penser, une hébétude :
je
suis hébété,
je ne comprends pas, ce n’est plus mon monde ! Gérard
Pirlot Sidéré ?
Boris
Cyrulnik
Exactement : Je suis sidéré ! C’est
pourquoi le stress n’est pas le mot qui convient dans la résilience, parce
qu’il n’y a pas, il n’y a plus de
stress quand on est mort psychiquement. Winnicott emploie l’expression « d’agonie
psychique ». Participante
(Psychologue)
Deux questions : Vous
précisez que l’adaptation n’est pas un critère de résilience. Y-a-t-il
des critères de résilience et lesquels ? Vous
précisez que la psychanalyse est un tuteur de résilience, est-ce qu’on peut
aller jusqu’à affirmer que tout étayage est résilience, y compris
l’alcool ou toute autre forme d’addiction ? Boris
Cyrulnik
Ah ! La psychanalyse est un breuvage dangereux parfois ! Non,
parce que l’alcool peut être considéré comme un mécanisme de défense,
notamment un excellent tranquillisant ou parfois un désinhibiteur, mais le prix
de ce mécanisme de défense mène à la désocialisation ou à la mort.
Par exemple, il y a des mécanismes d’adaptation. Je travaille beaucoup
en Amérique du Sud et particulièrement en Colombie où il y a beaucoup
d’enfants des rues. Il y en a moins maintenant grâce à la réflexion sur la
résilience qui a permis un engagement des décideurs politiques en Colombie, en
Argentine, à Mexico et en Roumanie aussi. Théories de l’attachement et résilience
ont convaincu beaucoup de ces gens-là. Comme
vous l’a dit G. Pirlot, aujourd’hui la pensée n’est plus suffisante :
il faut des démonstrations, des preuves, des images puisqu’on vit dans
une culture d’images et que la science est grande productrice d’images. Lorsque
ces enfants-là, sont mis dans la rue – essentiellement en Colombie et en
particulier des petits garçons ; en Roumanie, on trouve des garçons et
des filles ; en Colombie, les filles dansent aux feux rouges et rentrent
chez elles le soir, alors que les garçons restent dans la rue – eh bien, on
s’est rendu compte que les garçons, qui n’étaient pas délinquants,
avaient une espérance de vie de 10 ou 15 jours. La violence, la délinquance
seraient des mécanismes d’adaptation puisqu’ils permettent la survie, non,
ça ne peut en aucun cas être considéré comme un processus, un facteur de résilience
puisque ça empêche la reprise évolutive, la relation à l’autre et la
socialisation. Donc, c’est une adaptation destructive, comme l’alcool, et
comme beaucoup d’autres choses, le déni par exemple. On peut tenir le même
raisonnement avec bien d’autres mécanismes de défense. Participante
Je voulais poser à Boris Cyrulnik une question importante pour moi, pour
mon métier. Je suis en effet « art-thérapeute »
et je
voudrais savoir si, en matière d’art, quand on provoque le hasard d’une
manière ludique avec le patient, est-ce qu’on touche à quelque chose de la résilience
à ce moment-là pour que la personne ait une déviation de pensée, qu’elle
puisse aller chercher ailleurs, qu’elle imagine en quelque sorte ? Bref,
est-ce que ça peut être un support de résilience à, disons, récupérer ? Boris
Cyrulnik
Dans ce domaine, les psychanalystes qui ont réfléchi à la naissance de
l’art, nous proposent beaucoup d’hypothèses explicatives. La
naissance de l’art est probablement attribuable à la lutte contre
l’angoisse de mort. Ce qui fait dire ça, c’est que les 1ères créations
artistiques sont des peintures rupestres où on donne la mort : la chasse
ou des hommes morts à côté de bisons éventrés ou surtout les 1ères sépultures.
Les
peintures rupestres ont 30 à 40 000 ans, les premières sépultures ont entre
300 à 400 000 ans et là, dans les 1ères sépultures, les cailloux sont
peints, il y a des pétales de fleurs ; les squelettes ne sont pas jetés,
ils sont disposés de manière qui veut dire quelque chose, c’est à dire que
la mise en scène de la sépulture permet justement de faire une représentation
artistique de quelque chose qui, sans cette représentation artistique, serait
insupportable. Donc
là, probablement, l’art a une fonction importante, sans doute est-ce un
facteur de résilience parce que c’est vrai que beaucoup d’artistes blessés,
par exemple le poète Hölderlin [5] disait : L’art et la philosophie, c’est l’hôpital des âmes blessées. Et effectivement, cette contrainte à
comprendre, à remplir le vide : J’ai perdu mon père, ma mère, mon pays – l’immigration est une déchirure
traumatique – et je ne peux pas rester avec ce trou en moi, il faut que je le remplisse et que j’y mette des
représentations. Ces représentations peuvent être des représentations de peinture, de
mots, des représentations musicales… Il faut que je comble ce trou sinon je vais être angoissé, je
vais être très mal.
Et quand on travaillait au Rwanda, il y avait des écrivains publics,
beaucoup de Tutsis étaient cultivés mais pas tous, et ces écrivains publics
écrivaient les horreurs que leur racontaient hommes et femmes et ces derniers
partaient avec leur manuscrit comme quelque chose de très précieux. On
leur disait : Mais vous ne savez pas lire, à quoi va vous servir ce manuscrit ? Et ils nous répondaient : Notre
histoire est là-dedans, nos enfants, nos petits- enfants sauront lire et il y
aura ainsi une continuité : Eux, comprendront ce qui s’est passé. Je
suppose que pour eux, ces manuscrits étaient des œuvres d’art, œuvres
d’art qui, comme les squelettes de tout à l’heure, voulaient dire quelque
chose, œuvres d’art qui étaient transmises à ceux qu’on aime. Oui,
bien sûr, l’art est un facteur de résilience précieux. Participante :
Nathalie Loutre du Pasquier [6]
Moi, je voudrais faire remarquer qu’on n’a peut-être pas répondu
complètement à la question du collègue psychothérapeute dans le cadre systémique.
Je pense qu’il posait aussi la question au niveau des concepts, à savoir :
Qu’est-ce qu’apporte la résilience quand on est thérapeute dans le cadre
des thérapies systémiques ? Une
autre question que je voudrais poser : Vous avez réagi assez vivement
lorsqu’on vous a parlé de caractère. Est-ce qu’il ne serait pas intéressant
quand même de réintroduire la notion de tempérament ou d’équipement de
base ? Et
moi qui ai pas mal travaillé justement sur l’attachement avec René Zazoo [7]
et sur la création des liens d’attachement, je pense qu’il faut dire peut-être
combien on ne sait pas trop ce que l’équipement de base du petit bébé ou
son style réactionnel précoce recouvre. Qu’est-ce qu’il y a d’inné ?
Qu’est-ce qu’il y a de génétique ? Qu’est-ce qui s’est mis en
place au cours de la grossesse ? Cet
équipement de base en tout cas, va influencer la façon dont l’enfant crée
le lien d’attachement et il aura besoin de rencontrer un certain milieu. Et
là aussi, lorsqu’on parle de « milieu », il y a presque une idée
de création réciproque et il serait donc également intéressant de parler de
Wallon [8].
Boris
Cyrulnik
Mot à mot, je suis d’accord, c’est à dire qu’on n’emploie pas
le mot de caractère, mais celui de tempérament. Beaucoup de gens réagissent
au mot tempérament sans savoir ce qu’il désigne, ce qui est classique, cela
fait partie de « la boursouflure sémantique » des concepts qui ont
trop de succès. Alors,
tempérament, pour nous, ce n’est pas inné : c’est déjà un
apprentissage précoce dans les dernières semaines de la grossesse et dans les
premiers mois de la vie, au cours des interactions précoces. Déjà, toute une
partie du cerveau est pétrie, façonnée, circuitée, « frayée » aurait dit qui vous savez [9]
. La
notion de frayage est totalement confirmée aujourd’hui par la neuro-imagerie :
on la voit cette notion de frayage, on voit les circuits s’allumer à une
information. Est-ce
que c’est un apprentissage précoce ou une acquisition précoce ? Là,
je ne pourrais pas vous répondre très clairement, mais par contre, la notion
de tempérament n’a rien avoir avec l’inné : c’est un pétrissage précoce
au cours des interactions elles-mêmes précoces, c’est à dire des débuts de
l’interaction du fœtus avec sa mère à partir de la 27ème semaine de
grossesse et qui se continuent jusqu’au 10ème mois. Au
10ème mois, on peut rendre observable par des situations standardisées, mises
au point par Mary Ainsworth, que les enfants ont déjà acquis une manière
d’aimer et que deux enfants sur trois, ont acquis une manière d’aimer, qui
en cas de malheur, facilite la socialisation. Ils sont pré-verbaux à 10 mois,
eh bien à 10 mois, un enfant qui a acquis l’attachement sécure, c’est à
dire qui est capable de quitter sa mère parce qu’il se sent aimé, il est
capable de s’en éloigner si un malheur arrive, il est capable de transformer
n’importe qui dans la salle en bonne mère en 30 secondes : il va
s’approcher, il va babiller, il va faire une offrande alimentaire… Gérard Pirlot C’est
aussi le moment de l’angoisse du 8ème mois ? Boris
Cyrulnik
Oui, tout à fait ! D’ailleurs
quand on travaille sur l’empathie, on utilise beaucoup le concept
d’individuation/séparation, concept qui n’a pas été inventé par ceux qui
travaillent sur l’attachement et la résilience, mais qui sont bien pratiques
parce que ce sont des concepts bien pensés et qui nous proposent un outil de
pensée tout à fait agréable et pertinent. Alors,
oui vous avez totalement raison, cette notion de tempérament provoque parfois
des réactions épidermiques agressives parce que beaucoup de gens n’ont pas
cherché à savoir la définition qu’on propose du mot « tempérament ». - Participante
Moi, je me demande si le tuteur nécessaire pour la résilience doit forcément
être une personne. Est-ce que ça ne peut pas être le projet de création ?
-Boris
Cyrulnik
Vous posez la question de l’anticipation, c’est à dire que le
sentiment c’est une forme de biologie, c’est une émotion provoquée par une
représentation qu’on éprouve dans le corps. Cette représentation peut être
une représentation d’images ou une représentation de mots ou un récit
familial, récit de quartier, récit culturel et, lorsqu’un enfant est blessé
et qu’on lui propose quelque chose à rêver – pas la rêverie de la nuit
– mais plutôt une utopie, une aspiration, une rêverie comprise comme
anticipation de soi, alors John Bowlby parle « d’internal working model », c’est à dire la représentation de
soi en interaction avec des sillons d’attachement. Exemples : Je ne suis jamais seul,
je ne peux que être avec un autre… Un être seul n’a en
effet aucune chance, une espérance de vie zéro, même biologiquement. C’est
pourquoi la célèbre phrase de Rimbaud « Je est un autre », qui fait l’intitulé de la communication de G.
Pirlot, phrase avec laquelle nous avons tous vécu, est pour moi un véritable problème.
Pourquoi ? Parce que, pour moi, « Je » ne peut être qu’un
autre, c’est à dire lorsqu’on a fait les travaux avec les enfants en
Roumanie, puisque notre aventure est partie de là, ces enfants étaient totalement privés d’altérité : il
n’y avait pas d’autres, pas d’humains, pas de mots, pas de sourires, pas
de gronderies, etc.
Il y avait une situation d’isolement
sensoriel total qui est la pire des cruautés, et ces enfants ne
pouvaient pas être « Je ». « Je »
ne peut pas être rempli de moi, « Je » ne peut avoir un monde
intime que s’il y a un autre, que si je le vois, si je le renifle, si je le
touche, si je l’entends. Mon monde intime dépend de la présence d’un autre
et cela même sur le plan neurologique : si un autre n’est pas près de
moi, j’atrophie mon lobe frontal, mes circuits limbiques. Donc, la présence
de l’autre est biologiquement et psychologiquement nécessaire pour créer mon
monde intime. D’ailleurs, « je » ne
peut écrire son autobiographie que s’il a des jalons sociaux, des rituels
d’anniversaires, d’événements… Sans cela, « je » ne peut même pas temporaliser son
autobiographie. Quand
on propose donc, une anticipation, un récit, quelque chose à construire plus
tard, à ce moment-là, le processus neurologique, affectif, psychologique se
met en place, mais ce récit est proposé par la famille, la culture et il y a
des cultures qui empêchent la résilience avec des récits désespérés et
puis d’autres cultures qui facilitent la résilience. Demain, je pense que
Michel Delage évoquera tout cela, il y a des familles qui empêchent la résilience
et d’autres familles au contraire qui la facilitent soit qu’on soit blessé
dans sa famille, soit que la famille elle-même soit blessée. Qui
font des récits ? Ce sont les poètes, les écrivains, les romanciers, les
cinéastes, les philosophes, les essayistes aussi, voire même les psychologues
et lorsqu’on a un récit
d’anticipation, on met en place un travail de résilience possible. -Gérard
Pirlot
Ce qui est intéressant en vous écoutant, ce sont tous les systèmes de
redondance en même temps que ça met en marche. Or, on sait bien aujourd’hui
qu’il y a des « neurones-miroirs », on sait très bien que le fonctionnement du système
nerveux central du cerveau fonctionne en particulier de façon redondante.
Il faut penser aussi aux théories de Peter Fonagy, au niveau de la
psychanalyse, qui voit la
subjectivation comme quelque chose qui vient de la réflexion évidemment. Je
dis redondance, on pourrait parler aussi de démultiplication, le pli est extrêmement
important et notre cortex en est plein. Les
dames qui repassent le savent : lorsque c’est mal plié, c’est comme
dans l’esprit humain, c’est très difficile à déplier – et c’est même
pour cela qu’une
psychanalyse peut prendre beaucoup de temps – il faut déplier les
choses en prenant tout son temps. Quoi
qu’il en soit, sachez-le, le système immunitaire également fonctionne de
manière redondante. C’est fou de voir comment les anti-corps fonctionnent
avec des images-miroirs ! On a l’impression que l’être humain est fait
d’auras, un peu comme l’aura du Christ qui l’entoure, aussi bien vers
l’extérieur, vers le psychisme où il y a des redondances que vers l’intérieur
du corps.
Le deuxième point que je voulais souligner c’est que, tout à
l’heure, par rapport à la création, il me revenait le mot de Jean Guillaumin
[10] qui parle, au sujet de la
création, « d’ectopie [11]
psychique » . Je pense en effet, que lorsque quelqu’un a un trou dans le
psychisme, quand il a, comme dit LeDoux [12],
une « relation d’absence » avec quelqu’un qui ne peut être présent
que dans l’absence et qu’il « re-duplique » tout le temps dans sa vie – l’amour des livres
c’est aussi ça, l’écriture a à voir avec la
trace, et la trace donc avec le signe, et donc le signe d’un absent,
de quelqu’un qui est là mais qui n’y est plus – par conséquent,
quand on est dans cette situation-là, on peut se demande effectivement, si
l’art, la chose artistique n’est pas une forme « d’ectopie psychique », c’est à dire qu’elle met du
psychisme là où il y a justement un trou dans le psychisme. Mais je pense que
pour vous c’est un phénomène que vous pourriez encore rattacher, si j’ai
bien compris, à la capacité de résilience.
Dernier point au sujet du caractère, sachez quand même qu’en
psychanalyse, il y a des névroses de caractère, il y a même des psychoses de
caractère, des pathologies de caractère. Le caractère est comme tout le reste :
la meilleure et la pire des choses ! Evidemment qu’il en faut dans la vie !
Le problème, c’est qu’en général, quand vous avez du caractère, on vous
dit que c’est du mauvais caractère ou « un caractère de chien » et il
est évident qu’il y a des gens qui ne peuvent pas changer au cours de la
psychothérapie ou de l’analyse, parce que précisément, il y a une
pathologie de caractère qui vient massivement masquer des blessures. C’est
terrible d’ailleurs, parce qu’on voit bien qu’on ne peut pas bouger les
choses et si on ne bouge pas les choses, alors là, pour le coup, oui il n’y a
pas de résilience, pas de possibilité. -Participante
J’ai beaucoup de mal à comprendre quand on se retrouve en
post-traumatique avec une inconnue psychique, qu’on puisse avoir le ressort,
la capacité à investir dans une relation ou dans un projet artistique ou quoi
que ce soit d’autre. Cela me semble extrêmement difficile quand on est dans
un tel état ! Et j’aurais voulu savoir si vous aviez « le
truc »
qui puisse me permettre de comprendre comment on fait. -Boris
Cyrulnik
Au début de votre phrase, j’ai été un peu désorienté et là, je
pense à Vingt ans de recherches sur la résilience [13]
qui a été écrit par Viviane Green, une psychanalyste anglaise qui travaille
à la « Tavistock
Clinic » et elle dit que l’étonnement, c’est ce qui déclenche un processus
de résilience. C’est souvent une banalité pour un enfant ou un adulte qui
est entouré, qui a une famille. L’oxygène est une banalité aussi, mais
essayez d’arrêter de respirer 3 minutes, vous allez voir si c’est banal !
Or, ces enfants, ces blessés sont bien privés d’oxygène, ils sont privés
d’altérité, privés de sensorialité, privés d’émotions, privés de mots :
bref, ils sont privés ! Pour
nous, être bien entourés, c’est une banalité ; pour eux, c’est un événement
vital et ce qui nous permet de défendre cette idée, ce sont les travaux
qu’on a faits et qui montrent un enfant qui souffre : l’affect pour
nous, c’est toucher, parler, gronder, jouer, nourrir, c’est une forme de
biologie périphérique. C’est une enveloppe de signifiants, une enveloppe
sensorielle, et le signifiant c’est le versant perceptible du signe, c’est
à dire quelque chose qu’on peut analyser, manipuler expérimentalement. Eh
bien, on s’est rendu compte que les enfants privés de cette enveloppe de
signifiants – on va vite appeler ça « la carence affective » – ces enfants ont presque tous, je
vous le disais tout à l’heure, une
atrophie limbique.
Qu’est ce qui va faire que ce cerveau se « regonfle » ? C’est
une famille d’accueil. Dès l’instant où on a rendu observable cette
enveloppe de signifiants, on a convaincu les décideurs, les politiciens – qui
au départ étaient d’une très grande agressivité – c’est ce qu’ont
fait mes amis colombiens. Moi,
j’ai été agressé en Colombie et en France aussi par une « Jupette
[14] », Ministre de la Famille, qui très
gentiment – c’est une dame très bien élevée –
m’a déclaré : Mais ces
enfants sont voués à la prison ! Il
est bien évident que lorsqu’il y a un stéréotype comme celui-là dans la
culture, un processus de résilience ne pourra pas se mettre en place. En
revanche, les Roumains ont très vite réagi et ont rapidement changé leur mode
de prise en charge. C’est quand les décideurs ont accepté les psychothérapies
dans la rue et non pas dans les Institutions où les enfants refusaient de
venir, manquaient les R.V. fixés ou s’enfuyaient des Instituions parce
qu’il y avait plus de vie dans la rue où leur vie était pourtant en danger,
où ils mouraient, où ils étaient souvent blessés, mais au moins, il y avait
de la vie, alors que dans les Institutions il y avait un lit, de la nourriture,
mais aucune vie et ils regagnaient tous la rue. Il y a eu des Institutions très
efficaces, très généreuses qui ont récupéré un grand nombre d’enfants.
En France, on a exactement la même chose : un enfant qui est en
carence affective, sensorielle fait une atrophie fronto-limbique et ce qui a déclenché
le processus de résilience, Ce qui a donc déclenché le processus de résilience,
ce sont les familles d’accueil, c’est à dire que la banalité de l’oxygène
pour nous, était vitale pour eux. La famille d’accueil les a touchés, parlés,
grondés… ce qu’on fait tous avec nos enfants. Après un an, quelques
scanners de contrôle, ont montré que la plasticité cérébrale était telle
que Hervé Allain, Philippe Robert, et beaucoup d’Américains avec qui on a eu
une réunion il y a 15 jours, parlent de « résilience
neuronale », c’est à dire de la reprise d’un type de développement après une
agonie qui là, était une « agonie neuronale ». -Gérard
Pirlot
Oui, on voit bien la plasticité dont on parlait tout à l’heure, mais
je trouve surtout qu’il y a quelque chose d’éminemment optimiste dans
ce que vous avouez à propos de cette notion de résilience. En effet, en
vous écoutant, je me disais : C’est une manière de dire que des enfants
qui vivent dans des conditions quand même épouvantables peuvent aussi, grâce
à ce concept, recouvrer – si on les prend en charge,
évidemment – une vie psychique normale. Je pensais également au
rapport INSERM [15]
sur les troubles du comportement de l’enfant, comme si un enfant de 5 ans
allait faire forcément un délinquant !, et je pensais : Mais en fin
de compte, il y a un concept qui est là et qu’on peut utiliser ! Parce
qu’enfin, ce concept est assez vulgarisé et vous avez assez de renommée pour
pouvoir peut-être l’utiliser contre l’idée qu’il y a un déterminisme.
Puisque, si je vous comprends bien, il y a dans cette idée de résilience un
non-déterminisme, une grande liberté et je crois qu’il faudrait peut-être
mettre ça plus en avant, y compris à l’INSERM ! -Boris
Cyrulnik
Nous
avons été reçus par Monsieur Sarkozy [16]
et Bernard Golse participait, lui aussi, à cette réunion ; on s’est
expliqué et on a obtenu quelque petites améliorations mais rien sur le
principe de fond. III- Les
autres échanges importants au cours de ce Carrefour: Après les interventions
de Michel Delage, de Sylvain Missonnier et de Bernard Golse -Catherine Amoyal
Ce concept de résilience nous ouvre à nous médecins, thérapeutes,
soignants le champ de l’optimisme alors qu’il faut bien le reconnaître,
nous avons été pétris par la maladie, la souffrance, les difficultés de
la réparation des traumatismes, le pessimisme… Toutefois,
je pense qu’il faudrait, peut-être, mieux cerner le concept d’anticipation
au sein des familles. -Michel Delage
Je souscris tout à fait à l’importance de ce concept et c’est dans
cette direction que j’évoquais l’espoir, le futur… J’ai dit que les
capacités résilientes se mesuraient à la capacité des parents à prendre
soin, à porter attention à leurs enfants et à se soucier de leur avenir.
C’est une capacité essentielle, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants qui
n’ont pas été directement victimes, mais que c’est la famille qui vit
quelque chose de dramatique et que malgré cela, on a le souci de créer un
environnement intéressant, enrichissant et qu’on fait des projets pour les
enfants. -Catherine Amoyal
Pouvez-vous nous parler des « objets
médiateurs » susceptibles de mettre en place les offres à la résilience ? -Michel
Delage
Lorsqu’il y a des enfants, cela peut être un dessin, un jeu…. Mais
il y a beaucoup « d’objets médiateurs ou de l’aire de la transitionnalité ou
objets flottants» qui peuvent être proposés par le thérapeute systémicien.
Exemple : Recevoir une famille dans laquelle il y a eu une perte
traumatique avec la présence d’une chaise supplémentaire
ou en trop. -Catherine Amoyal
Je m’adresse à Sylvain Missonnier et je reviens sur le cas de cette
patiente, Mme F., et surtout sur la mise en écho de ses propres capacités de résilience
avec celles de l’échographiste. Comment se met en œuvre cette intuition ?
Comment se passe cette spirale inter réactionnelle ? -Sylvain Missonnier
Vous pointez là cette idée de résonance croisée ou mutuelle entre ce
que j’appellerai « le potentiel de résilience » du soignant et celui du soigné. Il
y a là un « tennis » de la mutualité. Et plus le
contenu médical de la consultation, est informatif, objectif, cognitif de l’échange
« tennistique », chargé, sinon saturé, plus
l’association des mécanismes de défense, et je dirai anticipatoires entre le
soignant et le soigné, seront déterminants.
Prenons un exemple « rabat-joie », un exemple triste que j’appelle « l’association
de malfaiteurs », c’est à dire qu’on est dans une situation où
les mécanismes de défense du soigné tirent vers le bas, mais aussi ceux du
soignant, « les
malfaiteurs », ce sont les mécanismes de défense du soignant et
du soigné pour tirer vers le bas, exemple : imaginons qu’il y ait eu de
la part
de l’échographiste une lassitude
parce qu’il n’a pas envie ce jour-là d’écouter Mme F. On
peut imaginer aussi, par bonheur, et c’est là l’espoir dans la notion de résilience :
une convergence, une harmonisation au profit de la narrativité partagée
intrasubjective entre le soigné et le soignant. Après,
la sémiologie qui fait qu’un humain sent que l’autre, sans en avoir
l’air, dépose « en vitrine » du tragique et espère que l’autre
le verra, il y aurait là, beaucoup à dire, et nous avons beaucoup à
travailler cette sémiologie au quotidien du soin chez le généraliste ou dans
le diagnostic anténatal. -Catherine
Amoyal
Dans les questions écrites : Qu’est-ce
que la résilience de vie et de mort ? S’agit-il de résilience lorsque
vous parlez de mort ? Comment se situe le traumatisme de la naissance dans
ce processus de résilience de vie/résilience de mort ? -Sylvain Missonnier
Soit d’un côté, on considère que la résilience c’est le « petit
plus » dont B. Golse a très bien parlé et on raisonne sur les spécificités
de ces « petits plus ». Soit,
on parlera de psychologie et de psychopathologie de la résilience et du coup,
on va avoir de la résilience de vie et de mort. Je
m’explique : La résilience de vie, ce sont effectivement les réaménagements
défensifs de métamorphoses, c’est à dire qu’à l’arrivée, vous êtes
parents d’un enfant handicapé et, après 15 ans de bons et loyaux services,
vous pensez : J’ai conquis un certain nombre de choses que je n’aurais jamais
conquises si je n’avais pas eu un enfant handicapé. Ça, c’est la résilience de vie, c’est la résilience
de métamorphose en termes d’anticipation : on a une anticipation ouverte
aux possibles, qui sait qu’il est
impossible de tout prévoir et qu’on doit chaque jour faire face à l’imprévisible ;
on sait que ça existe et on n’est pas surpris quand ça arrive. En termes
freudiens, je dirai que c’est « l’angoisse signal ».
La résilience de mort s’inscrit, dans mon schéma, dans l’idée
qu’il y a une psychopathologie de la résilience. C’est très précisément
ce que nous disait Serge Tisseron hier, quand il disait qu’il fallait faire très
attention avec la « vitrine » du résilient, parce qu’en vitrine, quelqu’un
peut paraître tout à fait bien et puis, à la maison, c’est un véritable
tyran. -Serge Tisseron
C’est pourquoi je disais que les aménagements psychopathologiques ne
me paraissent pas du côté de la résilience, même s’ils peuvent faire
illusion. -Sylvain Missonnier
Moi je parle de « répétition de mort » dans le sens de la tradition
psychanalytique, de la répétition traumatique, du « disque rayé » : ça se répète, mais ça ne
fait pas avancer.
On est aussi, c’est essentiel pour ce rapport de l’INSERM qui nous
tient à cœur, dans la prédiction qui est aussi une pathologie de
l’anticipation. On est dans la névrose, ou dans bien d’autres pathologies
de la maîtrise et de l’emprise et je pense qu’il y a bon nombre de
personnes qui bâtissent un certain nombre de mécanismes
post-traumatiques qui sont extrêmement muselants et destructeurs. Pour nous, thérapeutes
accueillant la complexité d’un humain, c’est d’accueillir la totalité de
la personne qui nous fait face. Je plaide donc en faveur d’une psychologie et
d’une psychopathologie de la résilience et non pas simplement en faveur
d’une résilience qui ne catégoriserait que les spécificités du « petit
plus ». -Catherine Amoyal
Et le traumatisme de la naissance ? -Bernard
Golse
Le traumatisme de la naissance, c’est un peu vite dit, parce que évidemment
c’est le travail d’Otto Rank [17]
en 1924 et puis après, Freud lui répond en 1926 avec Inhibitions, symptômes,
angoisses [18].
Freud avait d’abord adhéré à cette idée et le traumatisme de la
naissance état resté comme un prototype de toutes nos angoisses ultérieures.
Dans cet ouvrage, il y a une phrase très importante et qui dit, je cite de mémoire,
que le moment de la naissance n’est finalement pas aussi spectaculaire pour le
bébé que l’impressionnante césure de la naissance ne le donnerait à croire
pour l’observateur extérieur. Donc, déjà en 1926, Freud se demande :
Est-ce que le pour le bébé, c’est aussi discontinu que ça ?
Cinquante ans plus tard, Bion, dans un Colloque à Topéka [19]
sur les états-limites – l’accouchement est bien le franchissement d’une
limite – Bion reprend cette phrase de Freud et il dit finalement que pour le bébé,
il y a quelque chose qui passe « en pont » par-dessus la naissance.
Déjà, en fin de grossesse, il y a des inscriptions psychiques, même s’il
n’y a pas de réflexivité, il y a des ébauches de processus psychique, un registre originaire qui se met en
place et, pour le bébé, ça passe « en pont ». Quand
certains accouchements se passent bien « l’EEG [20] » rappelle le sommeil de l’adulte[21].
Le traumatisme de la naissance, ce n’est donc pas évident et je crois qu’on
a plutôt intérêt à voir les choses en termes de continuité, de
fluctuations, mais pas en termes de rupture. -Sylvain Missonnier
Le traumatisme de la naissance est totalement aléatoire. Il faut voir au
cas par cas, comme le pensait Winnicott, c’est à dire qu’il y a une
potentialité traumatique dans chaque naissance et même dans chaque périnatalité,
mais l’actualisation traumatique est parfaitement aléatoire. Laissons tomber
les visions tout ou rien binaires, poussiéreuses où on a une naissance
traumatique systématiquement ou pas. On est dans le cas par cas et, en périnatalité
comme ailleurs, c’est l’éloge du « sur-mesure »,
quelquefois
ce sera traumatique pour la mère ou seulement pour le père et pas du tout pour
le bébé. -Participant: Jean Bégoin [22]
Il me semble que ce traumatisme de la naissance existe toujours dans le
sens du changement énorme de milieu entre la vie prénatale et la vie
post-natale. Cela
me ramène à ce que je voulais dire au sujet des interventions précédentes
qui m’ont paru très riches et avec lesquelles je suis tout à fait
d’accord. Je crois, en particulier, que la notion d’espoir et la notion
d’anticipation sont très importantes.
La notion d’anticipation, je l’ai étudiée à travers les rêves.
J’ai pensé que la fonction principale du rêve est une fonction
d’anticipation. Autrement dit, ce n’est pas seulement des souvenirs du passé,
c’est même tout le contraire : c’est plutôt une anticipation des événements
à venir et le sujet, pour pouvoir s’y préparer émotionnellement, fait appel
aux souvenirs de sa vie émotionnelle passée pour essayer de comprendre une
situation dans laquelle il peut élaborer une solution pour les événements à
venir. C’est une extrapolation de ce que Freud avait appelé « la
réalisation d’un désir », mais il y a des rêves traumatiques qui ne sont pas
des réalisations de désir. L’anticipation,
est-ce qu’on peut appeler ça un mécanisme de défense ? Il
me semble que non. Ceux qu’on peut appeler « mécanismes de défense », ce sont les mécanismes de défense
contre les états de souffrance psychique excessifs que le sujet ne peut pas élaborer
et pour lesquels il a besoin, en effet, d’un apport extérieur pour pouvoir les élaborer.
Dans un certain sens, le seul mécanisme de défense qui soit vraiment efficace,
c’est le développement lui-même et si c’est le développement, ce n’est
plus une défense, mais c’est la vie. -Bernard Golse
Quand on dit « traumatisme de la naissance », on est un peu piégé par le mot, parce
que dans le langage courant, le traumatisme ça évoque le négatif, la
catastrophe, le pathologique, le déliant, le destructeur… Or, « traumatisme », ça peut aussi être du côté de la
vie. On pourrait également dire : Traumatisme de vie/traumatisme de mort.
Le traumatisme est du côté de la catastrophe au sens de René Thom [23]
.
Si vous tenez absolument à parler de traumatisme de la naissance, alors
très bien, mais le traumatisme là, il est du côté du structurant, il n’est
pas du côté du déliant ou du destructeur.
Ensuite, je voudrais revenir sur l’anticipation car même dans
l’anticipation on peut retrouver la dialectique présent-passé. En
français, on a un très beau temps qui est le futur antérieur. Le futur antérieur,
c’est une anticipation au sens que aujourd’hui, dans mon présent, je sais
qu’un jour qui est aujourd’hui mon avenir et qui sera ce jour-là mon présent,
je pourrai regarder mon présent d’aujourd’hui et il sera devenu mon passé :
c’est ça le futur antérieur ! Eh bien, dans cette anticipation, il y a
l’anticipation du passé qui est en train de se construire, du présent qui échappe
et qui devient en permanence du passé. C’est magnifique, non ? -Intervenant
Je suis psychothérapeute en individuel, en couple et en famille et
j’interviens toujours en tant que systémicien. J’aimerais savoir si l’idée
ou le concept de résilience peut apporter ce fameux « petit
plus »,
voire un « plus
grand plus » à une intervention systémique. J’ai en effet envie, dans ma
pratique, de me servir d’outils au service de mes patients et de mes plus âgés,
qui en l’occurrence, ne sont pas dans le secteur hospitalier, mais souvent
dans la rue : ce sont des exclus, des alcooliques, des toxicomanes, des
gens en grande souffrance psychique et sociale qui ont vraiment besoin de nous. Peut-être
que M. Delage pourrait apporter, non pas le « truc » ou la solution, mais quelques éléments
qui m’aideront peut-être plus dans ma pratique. -Michel Delage
Alors, comment répondre à votre question ? Parce que depuis un
moment on manie un certain nombre d’idées et de concepts généraux et que là,
vous me demandez d’entrer dans des choses plus fouillées, y compris dans des
techniques. Je
vais quand même essayer de répondre à vos préoccupations et peut-être
d’abord, en évoquant mon processus personnel, parce que depuis un certain
nombre d’années, nous avions travaillé sur la notion de ressources et de
compétences. Quand le concept de résilience est arrivé, en tant que systémiciens,
nous l’avons trouvé « utile », parce qu’il nous a aidé à changer
notre regard sur la souffrance et à essayer, justement, avec des personnes qui
vivent de très grandes et de très
graves difficultés de les amener à travailler sur des ressources, des compétences,
des potentialités qui demeurent chez eux ou qu’ils font émerger chez
d’autres.
J’ai dit qu’il y avait trois dimensions : attitude, action et
ensuite des capacités de penser. Nous, thérapeutes systémiciens qui sommes
toujours centrés sur les interrelations, nous avons un message à faire passer
à tous les soignants qui nous entourent pour leur dire : Tenez compte des autres, tenez compte de l’environnement, intéressez-vous à
ce qui se passe chez le mari, la femme, les enfants, etc. Dans ce temps du moyen-terme sur lequel je me suis
centré, on est dans un temps extrêmement délicat, j’ai parlé en effet de « piège traumatique » de quelque chose qui « enserre », c’est à dire que c’est un temps où
on souffre, mais où on ne consulte pas. Ce n’est
pas encore entré dans la culture française, et très peu dans la
culture soignante, que d’aller proposer à une famille, encore moins à tout
un groupe, dans les quelques mois ou les années qui suivent un drame, d’aller
consulter un thérapeute.
Donc, il y a là, un effort particulier à faire et, je soutiens l’idée
que par rapport à l’attitude habituelle du thérapeute qui travaille beaucoup
dans la problématique du désir, que nous sommes dans « la nécessité de travailler des problématiques du besoin ».
Autre point qui peut vous aider, c’est que les systémiciens ont
beaucoup travaillé en termes d’interactions et se sont centrés, bien évidemment,
sur des approches qui concernent les relations. Il me semble que nous sommes
obligés d’intégrer maintenant, ce que nos ancêtres avaient exclu, c’est
à dire la dimension intrapsychique. Ce qui m’intéresse dans la résilience,
en tant que systémicien, c’est que précisément elle m’oblige à tenter
d’être sur deux faces. D’un
côté, ce qui se joue là dans les relations, dans les interactions, mais en même
temps ce qui se joue dans les représentations et donc dans les psychismes
individuels. J’essaye,
s’agissant de traumatismes, de remettre un peu en connexion ce qui est de
l’ordre des sensations, des émotions, de la pensée et de travailler –
comme je l’ai déjà dit tout à l’heure – avec les partenaires, avec les
familles sur leurs émotions et sur comment ils peuvent sur ces émotions mettre
des pensées, faire des récits qui soient à la fois dans ce tissage, dans ce
va-et-vient de l’individu et de son groupe d’appartenance.
Pouvoir vous en dire plus maintenant, me paraît difficile ; on
pourra en discuter à part, tout à l’heure. -Sylvain Missonnier
Je voudrais répondre aussi au « camarade » systémicien en essayant d ‘être
concret. J’anime des groupes de préparation à la naissance et je suis très
sensible au fait que, comme par hasard avant ce Carrefour, un certain nombre de
devenant mère et de devenant père, ont utilisé devant moi cette idée de résilience.
Alors,
à votre question : Qu’est-ce qu’on peut en faire de positif ? Moi,
je dirai qu’on peut s’appuyer sur cette « niche sémantique »
qui apparaît, qui est en train de devenir un bien public, un bien commun, parce
que tout un chacun va mettre la résilience à sa sauce et tant mieux ! Les
mots ont leur vie, mais nous, acteurs des transformations, nous pouvons y puiser
de l’énergie pour inviter à la réforme et, il est certain, qu’à chaque
fois que j’ai à souligner le fait que la période de la crise de la grossesse
– comme d’autres périodes de
crises d’ailleurs – est source de résurgences d’un certain nombre de
souffrances, mais qu’elle est aussi source d’amplification de la créativité,
eh bien je vais pouvoir désormais travailler au quotidien de mes consultations,
au quotidien des préparations à la naissance, en m’appuyant là-dessus. Dans
le parler populaire, pour défendre cette idée, on dirait que lorsqu’on
est assailli par des fantômes du passé, c’est aussi une période où on peut
se retrousser les manches pour les affronter. -Catherine Amoyal Une question écrite que je vous lis :
Est-ce que la résilience positive ou résilience
de vie n’est pas l’apologie de la violence faite aux personnes ? Est-ce
que cette violence n’est pas déplacée
sur la petite enfance ?
Alors écoutez, moi je pense que vous êtes très
nombreux ici à connaître plein de choses sur la résilience de mort. Si par
exemple, je vous dis « faux self », « état limite », « troubles narcissiques », je pense que là, vous allez mettre
ensemble des choses que « vous avez déjà en magasin », si vous me permettez l’expression. L’adaptation
en faux self, c’est – on pourrait le dire en convoquant Piera-Aulagnier –
je m’adapte à un tyran qui ne me laisse pas revendiquer mon libre-arbitre. Il
y a une seule place où il m’attend et où je peux être aimé et donc, je
m’y mets. Au bout du compte, je vais grandir comme ça, je suis « à côté
de mes baskets » et on peut imaginer aussi que ça, c’est une
psychopathologie de la survie. Effectivement, là, on n’est pas dans le « petit plus », on est dans quelque chose qui est plutôt
de l’ordre d’une répétition traumatique. A
la question : "Quels peuvent être les tuteurs de résilience ?" J’aimerais convoquer le végétal, le
monde animal, parce qu’on a beaucoup parlé des humains, de la mise en récit
comme tuteurs de résilience, mais
je pense qu’on sait aussi que dans un certain nombre de psychothérapies, les
relations que nous avons avec le monde végétal et animal peuvent être des
tuteurs de résilience. Serge Tisseron et moi, avons en commun un goût immodéré
pour le livre génial de Harold Searles [24]
« L’environnement
non-humain ».
Je voudrais faire un petit détour pour dire qu’après avoir entendu
intervenants, salle, questions écrites, etc., qu’on pourrait dire – c’est
pour répondre à la question du « sur
mesure » – que la résilience est beaucoup plus du côté du « destin »
que du développement, tout comme Freud était beaucoup plus « destinal »
que « développemental ». Prenez son chapitre sur les pulsions, il
ne l’a pas appelé « Pulsions et développement des
pulsions », il l’a appelé « Pulsions et destins des pulsions », eh bien je crois qu’on pourrait dire :
« Résilience et destin de la résilience », parce que dans la notion de développement,
en tout cas dans le français courant, ça va trop dans l’endogène comme si
on allait répondre à la question de la résilience en trouvant tous les
facteurs internes qui permettent d’être résilient.
Il y en a, il y en aura de plus en plus, mais je pense qu’il ne faudra
jamais écarter les effets de rencontre qui sont imprévisibles, imprédictibles
et, la rencontre avec le travail psychique d’autrui, c’est du côté du
destin et non du développement. Alors, le « sur mesure », le cas par cas, c’est essentiel. Mais
il n’est pas essentiel que pour la résilience et, en ce moment, le modèle
psychiatrique est toujours en train d’hésiter entre un modèle somatique avec
un temps linéaire de la déduction, de la rapidité, du médical et le modèle
psychanalytique avec, au contraire, son temps réversible, l’après-coup, le
polyfactoriel, etc.
En ce qui concerne le modèle pédopsychiatrique, il oscille entre les
deux. Il y a ici Sylvain Missonnier et d’autres évidemment comme Boris
Cyrulnik, Philippe Gutton, bref beaucoup de gens ici, qui plaident pour
le polyfactoriel avec des facteurs endogènes, des facteurs exogènes. C’est
pour cela qu’on ne peut pas être d’accord avec le PMSI [25]
qui veut tout codifier à l’avance, où il n’y a plus d’après-coup, où
il faut que les après-coups des autres servent aux avant-coups qui vont venir,
et ainsi on a une recette alors que justement le cas par cas, c’est sans
recette et c’est chaque cas clinique qui nous permet d’avoir bon, en quelque
sorte.
Alors moi, je pense tout à fait de la même manière que cette personne
qui a eu une très belle formulation : La capacité d’être résilient ne
ferait-elle pas partie d’un équipement de base qui ne serait mis en œuvre
que lors de la survenue de certains traumatismes ? Pour moi, c’est
parfait ! En 2006, c’est cela qu’on peut dire. Il y a peut-être un équipement
de base, une susceptibilité, une prédisposition génétique qui rend les uns
potentiellement plus résilients que d’autres, certains qui seront des « héros » et d’autres non… Mais encore
faut-il que certains éléments viennent activer peut-être ces programmes
internes. C’était
très bien dit et même si on ne peut pas le prouver, je pense qu’on peut
travailler dans ce sens-là : tenir à la fois « la branche du dedans et « la branche du dehors ». La résilience, et c’est sa fécondité,
ouvre beaucoup de questions pour lesquelles nous n’avons pas de réponses. Est-ce
que le déclenchement d’une maladie grave pourrait être évitée par un
travail de résilience ? Je n’en sais rien. Peut-être qu’un jour on
dira oui, peut-être aussi qu’on dira non. Un
fonctionnement résilient individuel augmente-t-il le seuil de tolérance à la
douleur et à la souffrance psychique ? Je ne sais pas parce que là, on
serait dans une théorie d’évaluation des seuils et je ne sais pas.
Nous ne savons pas, mais toutes ces questions sont stimulées par le
concept de résilience et ce n’est pas rien !
Est-ce qu’on ne pourrait pas décider un peu plus – maintenant,
pourquoi pas ?– si la résilience qualifie une capacité de l’individu
ou du collectif à produire de la pensée ?
Une réponse rapide, parce qu’en effet, c’est les deux, c’est
l’individuel et le collectif, mais dans la mesure où l’individuel se
soutient du collectif, tout mon travail est de dire que le traumatisme n’est
pas intra psychique, c’est aussi une attaque et une destruction des liens. Par
conséquent, la résilience comporte un travail de restauration, de rétablissement
des liens à partir desquels une pensée collective qui soutient la pensée
individuelle peut se développer.
-Sylvain Missonnier
Votre question me paraît, comme disait Serge Tisseron hier, une question
du XXème siècle. C’est évidemment les deux et ceux qui persistent à
imaginer que c’est « fromage
ou dessert », sont dans le faux, c’est évidemment « fromage et dessert ». -Bernard
Golse
Il y a bien sûr les deux facteurs, individuels et collectifs, pas
seulement l’un à côté de l’autre en dialectique, je crois que sur ce
point, on est d’accord. J’ajouterai
que sous le fond de tout cela, il y a une résilience collective – un peu
comme il y a une langue – résilience collective beaucoup plus générale qui
fait que l’espèce humaine continue d’exister et que dans l’évolution,
elle a été bien résiliente un jour, puisqu’on n’a pas eu le même sort
que les dinosaures. -Michel Delage
J’ai été très intéressé par la communication de Philippe Gutton et
en particulier par ce développement autour de la croyance, parce que précisément,
la résilience nous indique qu’il est possible de croire qu’on peut s’en
sortir malgré le fait qu’on soit fracassé.
Quand P. Gutton dit que dans son travail de psychanalyste, il ne voit pas
très bien ce que ce concept peut rajouter, sauf que la façon dont le thérapeute
travaille est directement tributaire de ses croyances justement. Evidemment,
cela pose un problème de fond, à savoir : Est-ce
que concernant la résilience, il s’agit d’y croire ou de ne pas y croire ?
C’est
un peu embêtant pour une notion à laquelle on aimerait donner un statut
scientifique.
En même temps, il est vrai que la croyance est première dans notre vie,
on ne peut pas lui échapper même quand on est un scientifique pur et dur. On
sait très bien que l’objet de savoirs ou de connaissances qu’on construit
est tributaire des croyances que l’on a par ailleurs. Je
pense que la résilience nous confronte bien à cette fameuse proposition de
St-Thomas qui disait : Je ne crois que ce que je vois, alors qu’avec la résilience et la croyance on
est précisément dans l’envers de cette proposition : Je ne vois que ce
que je crois.
Je voudrais aussi revenir sur l’intervention de Rachid Bennegadi. Je
disais tout à l’heure que j’aimais bien l’image de « trajectoire » qu’il a utilisée et qu’il y avait
là, potentiellement, quelque chose d’éminemment traumatique dès lors
qu’il est question de rupture de contextes. Il est question d’une rupture
des enveloppes, à commencer par la plus primitive de ces enveloppes, à savoir
l’enveloppe sensorielle. Quand on va dans un autre pays et que non seulement
on perd (ou quitte) un certain
nombre de choses de son histoire, de ses racines culturelles, etc. , mais que
l’on est confronté à une sensorialité qui nous est étrangère : les
sons, les mots si on ne maîtrise pas la langue, les odeurs, etc., ça me semble
en effet quelque chose de très fort, de très important et je crois que
l’enjeu des migrants est tout à fait considérable : Est-ce
qu’il s’agit de laisser de côté sa culture d’origine pour « s’assimiler » à nos nouvelles cultures ? Est-ce
qu’il s’agit, au contraire, de garder sa culture ? Mais
comment fait-on coexister sa culture d’origine et la nouvelle culture ? Il
y a là des processus auxquels on n’a pas encore assez réfléchi bien qu’un
certain nombre de personnes en parlent, mais est-ce qu’on a assez approfondi
le processus en cours ? Je crois que les réflexions de Rachid nous y
invitent. -Participant : Jean Bégoin
J’ai beaucoup aimé la dialectique habile et vigoureuse de Philippe
Gutton sur la croyance. Il a pris un détour en effet assez habile en nous
faisant nous demander si cette notion de résilience était un concept métapsychologique
. Je ne le crois pas. De même que la croyance non plus, n’est pas un concept
de la métapsychologie psychanalytique. J’aurais tendance à penser que
c’est plutôt un concept descriptif, c’est à dire très phénoménologique.
Quand
il nous parle de croire, j’ai envie de dire : Croire en quoi ? Eh
bien, en l’objet, finalement il a fini par le dire après nous avoir tenu en
suspens, et c’est croire en soi tout simplement. En effet, pour pouvoir se
lancer dans un processus de résilience, il faut croire suffisamment en soi-même,
c’est à dire dans son « devenir soi » ce qui est effectivement une description plus phénoménologique
que psychanalytique.
Ce que je voudrais ajouter, c’est que je ne pense pas que cette
croyance en soi soit innée, je crois que c’est quelque chose qui se construit
et qui se construit dans les tous premiers temps de la vie, dans le sens du développement
et de la vie psychique à proprement parler chez le tout petit enfant, dans les
inter- relations précoces entre le nouveau-né et son environnement, comme la
seule manière de surmonter la naissance avec son aspect traumatique et d’en
faire quelque chose qui soit le développement de soi. C’est donc cette
croyance en soi qui est fondamentale dans la capacité de la résilience et qui
retrouve par conséquent les tous premiers mécanismes de la naissance à soi-même.
-Participante : Violetta Stan
Je viens de Roumanie, je suis une professionnelle et je voudrais
participer à ma manière en témoignant de quelque chose. Nous sommes en train,
aujourd’hui, de rejoindre l’Europe, mais en même temps, nous avons vécu
dans les années 70, avec cette idée propre à la dictature, que la psychologie
ça n’existe pas, ni comme métier, ni comme problématique. Psychiatrie, oui, car
adhérente à une certaine idéologie qui détruit toute individualité. Les concepts qui sont discutés ici sur la
psychologie ou la psychopathologie de la résilience dans une dimension d'interculturalité
du migration – parce que ce n'est pas seulement les Roumains qui vont migrer
comme une force de travail qui n'est pas très chère – mais ce sont aussi
des professionnels Européens
qui vont venir comme force d'adaptation réciproque. Je ne veux pas parler
des enfants qui sont nés et abandonnés dans des institutions, sans identité
familiale, juridique ou culturelle – c'est une question aussi de migration et
d'exploitation à travers une affaire de commerce de viande, commerce
d'exploitation sexuelle – Nous sommes confrontés, maintenant, au Carrefour
des idéologies qui vont et viennent,
à des problèmes d'identité personnelle, d'identité culturelle. Il y a 15 ans que j'ai
proposé pour les enfants sans identité, un projet de donner une identité
cultuelle, des racines culturelles pour pouvoir s'accrocher à la culture comme
à un tuteur de résilience. Et je voudrais témoigner que, au moment où mes
grands parents out été confrontés à la culture russe qui a imposé une idéologie,
– d’ailleurs, ce n'est pas tant la
culture que l'idéologie, qui nous a éloignés de la culture russe –
eh bien, à ce moment-là, les Roumains se sont accrochés à un rêve :
Ils ont fait confiance à la culture française – nous sommes des
francophones d'origine latine – et latinité et francophonie, c'est l'idéal
et le piédestal que nous avons donné à la culture française. Je vous propose donc, à
tous, un exercice de créativité
qui consiste à penser à une identité, en même temps roumaine, en même temps
européenne, en même temps internationale, en respectant l'un et l'autre nos
croyances. Par conséquent, je
crois que pour les psychanalystes, les psychiatres
à l'approche systémique, à l'approche phénoménologique ou
comportementale…. Il faut rester très concret : Recherches- Action-
Formation, tout en respectant migrations et cultures, d’autant que maintenant,
nous pouvons vérifier les hypothèses dans le domaine des stratégies
concernant la santé mentale. Et maintenant que je
deviens grand mère avec des enfant
émigrés aux Etats- Unis qui parlent français, se marient avec des Italiens et
cherchent une « norme » propre pour leurs enfants, je me dis :
A quel prix cette résilience ? Donc
je vous propose, dans une dimension européenne,
une démarche d'une organisation de quelque chose qui serait :
action, recherche et formation. Appliquer les théories des « monstres
sacrés » que nous avons écoutés aujourd'hui, en respectant migrations
et cultures. (Applaudissements) -Michel
Delage Merci à Violetta Stan
pour cette intervention. Violetta Stan enseigne la psychiatrie à Timisoara. On pourrait peut-être
continuer sur le thème de la migration avec Rachid Bennegadi et puis, ensuite,
passer la parole à Philippe Gutton ? Maintenant, oui, il
me semble à moi indispensable de croire au processus de la résilience parce
que, non seulement je me « fiche » complètement du phénomène
médiatique, mais en plus, j’affirme que c’est quelque chose qu’on voit
dans la clinique, dans le soutien et dans la médiation interculturels tous les
jours. Alors, d’accord, ce
processus il faut le nommer, il faut l’évaluer, il faut le valider, je crois
qu’on est tous d’accord là dessus, mais il s’agit d’un
processus qui , probablement, va être instrumentalisé dans le bon sens
pour un certain nombre de sociologues, psychologues, éducateurs et pédagogues.
C’est sûr et certain parce que le phénomène est là et ce n’est pas la médiatisation
qui fait qu’il soit là, pas du tout ! C’est parce qu’il y a une manière
de porter une souffrance psychique ou une douleur morale ou un inconfort
personnel auquel cette approche répond
par la reconnaissance. Je voudrais recentrer
mes propos sur cette question de la création qui me semble centrale dans le débat,
car ce n’est pas pour rien que Joyce l’a mis dans son titre à côté « d’ élaboration ».
Les mécanismes de la création
sont : l’idéalisation, c’est la sublimation. La conception
psychanalytique de la création est une façon de concevoir les cures, les thérapies,
etc. Ce n’est pas la seule, bien entendu. Ce n’est pas pour autant un
« isolat » de création, encore qu’on pourrait le dire : Il
y a une partie de nous-mêmes qui est en création et qui a besoin de se créer.
Quand je vois
l’adolescent qui vient me voir, une fois sur deux, il va me dire : Je suis toujours le même, je souffre
parce que je ne bouge plus ; j’ai les mêmes amis, les mêmes parents, je
redouble ma classe, je suis figé ! Par quoi ? On peut
répondre par « l’automatisme de répétition ».
Alors oui, c’est la création de soi – le terme d’auto création me
paraît assez horrible – et je me construis quel que soit l’âge. Bien sûr,
à l’adolescence ou à l’enfance, on se construit davantage et le bébé se
construit à une vitesse prodigieuse.
Est-ce une création de soi ? Je dirai que c’est plutôt une
construction du JE, parce que n’entrent pas dans la création les enjeux du
narcissisme, du surmoi, tous ces mécanismes qui sont ceux de la névrose en général.
La créativité est une
« échappe » à ces mécanismes de défense et c’est pour cela
qu’elle est tellement risquée dans une société. Les gens qui créent sans
arrêt, sont des gens à risque,
c’est pourquoi, en général, lorsque je travaille la créativité à
l’adolescence, j’ajoute le terme de « créativité partagée »
ou au moins « partageable » : Je suis original, mais je pense partager ma créativité.
Déjà, le mouvement de création ne se perçoit plus comme une espèce de
narcissisme qui va exploser, mais se perçoit comme une aventure partagée, une
ouverture vers l’autre d’abord et puis vers les autres, un peu comme on
disait hier « l’ouverture de l’inconscient », même si un
inconscient, ça ne s’ouvre jamais. Intervenant
Je suis psychologue psychothérapeute, thérapeute familial et j’ai
sursauté quand P. Gutton a dit qu’il valait mieux rester dans le secret parce
qu’il y a un vrai danger à sortir du secret parce qu’on s’expose. C’est
ce qui se passe aujourd’hui autour du concept de résilience : il y a des
mots, des concepts qui sont lancés et qui, tout d’un coup, vont rejoindre
d’autres acceptions. Quand on expose des concepts, il faut aussi entendre
qu’on puisse tirer des choses de ce qui vient de personnes qui manient les mêmes
mots, mais avec d’autres acceptions. Par exemple, en thérapie
familiale, on parle plutôt de postulats qui permettent à quelqu’un de se
positionner en face d’un sujet ou d’une famille. Un des postulats
fondamentaux c’est qu’un sujet, une famille ou un système, est thérapeute
de lui-même. C’est la personne qui construit elle-même sa thérapie et ce
n’est pas en contradiction avec ce qu’on peut dire d l’analyse ou
d’autres types de thérapies où c’est quand même
le sujet qui est agissant. Cela veut dire que, nous
thérapeutes, dans un 1er temps, on a d’abord à entendre ce que le
sujet est en train d’élaborer comme thérapie, y compris dans sa « mauvaise
thérapie », c’est à dire la mise en route de plein de symptômes, de
plein de malaises et de souffrances, en sachant que c’est déjà pour lui une
manière de se soigner. Il ne s’agit pas d’arriver, dans un 1er
temps, en disant : Ah, vous êtes malade, vous venez me
voir ! Moi, je vais vous dire comment faire. La 2ème réflexion
que je voudrais dire, et cela suit plutôt la journée d’hier,
c’est qu’après un traumatisme, il y a rupture, cassure, fêlure,
mais je n’ai pas le sentiment, même si le mot a été et répété, que ces
personnes étaient hébétées, qu »elles ne pouvaient plus fonctionner,
qu’elles étaient complètement inertes. Je veux dire qu’il y a
des mécanismes de survie qui font que là aussi, ces personnes sont thérapeutes
d’elles mêmes e qu’elles engagent quelque chose pour essayer de sortir de
la situation dans laquelle elles sont. Petit à petit, et on
rejoint la croyance, elles sont dans la croyance : soit ça marche et on va
l’accentuer, soit ça ne marche pas et ces personnes sont dans l’attente
d’autre chose. Et nous, dans notre
travail de thérapeute, c’est d’être plutôt dans une position décalée,
c’est à dire d’accepter de ne plus être le thérapeute que l’autre croit
qu’on est, pour intervenir sur un autre champ, de manière à ce que cette
croyance se décale, que le doute puisse s’installer et, tout d’un coup, de
pouvoir faire émerger un autre type de création : dans le vide, dans le
doute, une autre création va s’installer. -Michel Delage
A propos de la création, elle nous place au cœur d’une technique,
puisque, depuis ce matin, il y a un certain nombre d’échanges entre
psychanalystes et thérapeutes familiaux, systémiciens, etc. La position du thérapeute,
vous avez évoqué le décalage à l’instant, dès lors qu’on est dans un
modèle d’intervention systémique, , la position du thérapeute est
fondamentalement différente de celle d’un psychanalyste qui est, lui, dans
une thérapie individuelle avec quelqu’un et que, précisément, en matière
de création ou de créativité, le thérapeute vise à être utilisé et à
s’utiliser comme élément susceptible de favoriser, de catalyser quelque
chose qui va, en effet, à un moment, se décaler et permettre cette créativité.
C’est important, car même si on utilise quelquefois des concepts assez
voisins dans certains de leurs aspects, la position du thérapeute est
fondamentalement différente, c’est important de le préciser. Intervenante
Ma question s’adresserait plutôt à M. Bennegadi dans le cadre de l’interculturalité.
Est-ce que, dans
certaines cultures, on peut dire que certains rituels et certaines initiations
sont des offres de résilience ou des tuteurs de résilience ? Alors que lorsque ces
personnes arrivent chez nous, elles se retrouvent dans une société qui est ce
qu’elle est, mais qui n’offre pas grand chose en termes de rituels et
d’initiations, d’où, à mon sens, beaucoup de problèmes à
l’adolescence. Voilà, comment intégrez-vous ce changement d’offres de résilience ?
Je voudrais vous mettre en garde contre deux erreurs classiques qui,
malheureusement, nous pénalisent énormément parce qu’elles retardent le
travail que font les gens sur eux-mêmes pour trouver des solutions au cas par
cas à leurs problèmes, parce que nous sommes imprégnés de réponses
globales, groupales qui sont peu efficaces. Je vais distinguer les
deux aspects : L’aspect d’un
accueil et l’aspect d’une thérapie,
ce n’est pas la même chose. La flexibilité, la
non-cruauté du surmoi, ne sont pas les mêmes et, en même temps, l’emprunt
culturel est beaucoup plus fluide dans des situations d’accueil, même si
elles paraissent bloquées, que dans la situation thérapeutique où là, les
rituels initiatiques thérapeutiques sont encore beaucoup plus verrouillés et
s’entrechoquent vraiment avec ce que nous proposons dans le système de soins
en France, systèmes de soins basés sur une certaine idée de la santé, en
tout cas de la santé mentale, une certaine idée des réponses que l’on peut
faire.
Si, je peux le dire en termes systémiques, je m’intéresse à
l’autre avec une vision purement ethnologique, je vais avoir de grandes
difficultés à être en inter-face lorsque je devrais « challenger »
mes modèles explicatoires avec ceux des gens qui sont en face de moi.
Si, j’ai une vision explicative trop simpliste de la façon avec
laquelle l’autre recrute ses codes culturels, c’est extrêmement dur !
Non seulement c’est dur, mais ça génère systématiquement des stratégies négatives
des deux côtés. On « se plombe » : celui qui veut
aider et celui qui demande de l’aide parce que la culture devient un fardeau
et non pas un lieu d’échanges. Moi, je dis toujours,
dans tout le travail que je fais depuis une vingtaine d’années auprès des
professionnels, je leur dis qu’il n’y a de véritables rencontres
interculturelles que si les deux cultures sont « challengées »
à un niveau loyal. Si on me demande –
comme on me le demande souvent – Comment ça se fait
que toi tu te sentes Français ? on
pourrait se demander pourquoi ils me posent cette question. Quand je me regarde,
je comprends pourquoi ils la posent, mais moi, je me regarde et je sais comment
je suis, je sais ce que je « trimbale » comme éléments
culturels des deux côtés et, à cette question-là, j’ai de quoi répondre,
en tout cas à un niveau plus ou moins conscient, je formalise des réponses où
les codes culturels peuvent se « challenger », je ne
verrouille rien, tout comme je ne laisse personne verrouillée en face.
Les positionnements que certains jeunes
me donnent sur la République française, je les déverrouille en disant : Mais
quelle est cette culture à laquelle tu me dis que tu te réfères ? Celle
de tes parents ? Ce n’est même pas la tienne. Je dégage le sujet de
la culture, je lui rappelle qu’il est libre d’y souscrire ou pas.
J’adore une formule d’un de mes collègues africains qui dit : Je ne
comprends pas ce que les gens ont avec leurs histoires de « mauvais
sort ». Si on leur jette des mauvais sorts, ils ne sont pas
obligés de les prendre ! Je trouve que cette
liberté de propos sur : Qu’est-ce qu’on fait de la culture de
l’autre ? est saine et utile autant pour celui qui accueille que pour
celui que pour celui qui soutient en psychothérapie. -Philippe Gutton Juste quelques mots sur ce
que Michel Delage a dit avant Rachid. Nous avons un séminaire ensemble depuis
quelques années sur la pratique familiale et M. Delage vient de dire que la
position, la réaction, le statut de thérapeute familial, analytique ou pas,
est fondamentalement différente. Notre modalité de
travail c’est, en général, de se mettre devant un écran pour regarder une séquence
de thérapie familiale et se demander : Qu’est-ce que j’aurais dit à ta place ? On
fait ça depuis pas mal de temps et on a invité tout récemment, Evelyne
Granjon [1]
qui est une thérapeute familiale analytique bien « féroce » sur le
plan de la méthodologie et du cadre, eh bien il a fallu quand même constater
qu’à chaque fois qu’il n’y avait pas de divergences entre nous. Alors je
le dis d’une façon un peu grossière, parce qu’elle est rapide, mais ces
grandes divergences entre certaines théories actuelles systémiques et
certaines positions analytiques, ne sont pas si éloignées, au niveau de la
clinique, que le disent les sociétés de psychothérapies familiales le disent.
Deuxième remarque :
je voudrais quand même rappeler les réticences théoriques et cliniques du
monde psychanalytique à l’égard du concept de « traumatisme ».
Ce concept est pour les psychanalystes un concept à
risques. Chaque fois que nous utilisons le terme d’événement ou de
traumatisme, il y a toujours un risque
d’en faire une causalité, de faire une relation de cause à effet et c’est
justement un des fonctionnements sur lequel le psychanalyste bute de
temps en temps. Nous allons essayer
de répondre aux questions écrites puis, de reprendre celles de la salle. –« Si la vocation thérapeutique est une solution résiliente,
comme il a été dit ce matin, pourriez-vous expliciter la différence entre la
résilience et processus de sublimation ? « –« Dans notre société où la souffrance psychique, le symptôme
est instrumentalisé, le concept de résilience n’est-il pas une forme de résistance
au déterminisme idéologique, à la notion de handicap socialement défini
comme irréversible, figé ? La résilience, n’implique-elle pas
l’humain comme sujet et non comme objet ? -Rachid
Bennegadi Je veux bien faire
une ouverture anthropologique parce que, effectivement, là de quoi s’agit-il ?
S’agit-il d’une position humaniste ? S’agit-il de placer le
sujet dans son monde ? Là, ça ne peut pas se résoudre autrement que par une approche
philosophique. On est obligé d’aller chercher les grands modèles de la place de
l’humain dans une société, de la place du sujet dans une famille et de la
souffrance… Moi, j’associe assez rapidement aux grandes spiritualités, aux grandes
réponses données autant par les monothéistes que les polythéistes, sur le
besoin de croire, de s’inscrire… Tout ça, ce n’était pas en filigrane de
que disait M. Gutton tout à l’heure, parce que ce n’était pas par là
qu’il passait, mais je ne cessais de me dire : Est-ce qu’il ne
limite pas la croyance à la laïcité et est-ce qu’il accepte que ce besoin
de croire, de rentrer en résilience, ça serait aussi, même si cela
s’inscrit dans un mode analytique, d’inclure toutes ces réponses qui sont
données à beaucoup de gens que nous ne voyons pas et qui voient des compétiteurs ?
Je pense à tous ceux qui accompagnent des groupes sectaires ou
non-sectaires. Mettez dans le mot « secte » simplement
l’explication sociologique et pas un jugement de valeur quelconque. Il y a de multiples réponses et je crois ici à une dimension politique,
sociale fantastique, mais c’est d’abord, un questionnement éthique et
philosophique. Il faut passer par là pour avoir une réponse. -Mich
-Philippe Gutton
Oui, c’est important cette idée que vous venez d’énoncer : à
savoir, la relation entre le besoin de croire et l’objet de la croyance. La
dynamique que je n’ai peut-être pas assez développée, c’est que nous
sommes tous porteurs d’un besoin de croire pour vivre. 2ème
proposition : A chaque fois qu’on m’offre un objet de croyance, mon
besoin de croire est étouffé, il n’est guère satisfait. Et je dirai, qu’à
chaque fois que mon besoin de croire est totalement satisfait par l’objet –
c’est le principe de la secte – eh bien, à ce moment-là, mon besoin de
croire est étouffé. Or, l’étouffement du besoin de croire, c’est l’étouffement
du besoin de vivre. Il y a donc bien une antinomie entre le besoin de croire et
la réponse à ce besoin. Cette antinomie, qui est assez paradoxale,
car bien sûr qu’on que nous avons tous envie quand on a besoin de
quelque chose que ça se réalise, mais, en fait, quand ça se réalise,
l’affaire est plus aliénante que satisfaisante. -Michel
Delage On
ne peut pas évaluer et mesurer le processus de résilience bien que des efforts
soient faits par certains chercheurs anglo-saxons pour aller dans cette
direction. Ces chercheurs mettent au point des questionnaires d’évaluation,
ce sont certains questionnaires d’auto évaluation qu’il m’arrive
personnellement d’utiliser et qui font partie à ce moment-là, de ces « objets
médiateurs » que j’évoquais ce matin, c’est à dire qu’en réalité,
le questionnaire n’est qu’un prétexte, n’est qu’un support à une mise
en réflexion « autrement » de la famille autour de ses problèmes.
Elle vient avec un certain nombre de souffrances, de discours négatifs sur son
existence et on cherche, avec ces éléments auto évaluateurs, à savoir à
quel point malgré tout, il existe encore des capacités, des potentialités,
des possibilités d’humour, des possibilités d’espoir, etc. , etc. C’est
un prétexte pour aider cette famille à faire un petit pas de côté vers autre
chose que le malheur dans lequel elle se trouve. 2ème
question : A l’écoute de
votre exposé et de celui de M. Serge Tisseron hier, on peut penser que le
processus de résilience ne peut se mettre en place que lorsque les relations précoces
mère-enfant sont assez sécures. Et pour les autres ? Il y a peut-être
tout de même « du possible » qui aurait à voir avec la pulsion de
vie, qu’en pensez-vous M. Gutton ? -Philippe
Gutton
Oui, sur la dernière partie de la question. Mon regard sur la résilience
se rapproche en effet de la pulsion de vie. C’est pour cela que lorsque
Missonnier parlait ce matin de « pulsions de résiliences de vie
et de mort », pour moi, ça m’était assez étranger. En effet, la résilience
se rapproche de la position philosophique que constitue la pulsion de vie, parce
que Freud a utilisé ce terme. -Michel Delage Je vais répondre à
une autre partie de la question. Est-ce que la résilience est un
processus qui ne se met en place que si les relations précoces mère-enfant
sont assez sécures ? Non, ce pas ça qui a été dit. Il a été dit qu’un attachement sécure
constitue un facteur de protection et c’est un facteur de protection plus
important que si l’enfant a construit de attachements insécures. Cela dit,
celui qui a construit un attachement sécure, n’est absolument pas à l’abri
du traumatisme et, à l’inverse, celui qui a construit un attachement insécure
peut fort bien développer – fort heureusement d’ailleurs, parce que sinon
on serait en plein déterminisme ! – cet enfant-là, peut développer un
processus de résilience, moyennant certaines conditions, et là, il y a de
multiples déterminants qui entrent en ligne
de compte. Donc, il est important de ne pas faire cette adéquation entre
attachement sécure = résilience. Pas du tout ! -
Philipe Gutton
Dans le domaine de l’attachement, les travaux de Peter Fonagy qui
montrent « sécure- insécure et
évitement » doivent être corrigés par d’autre point de vue, au
moins aussi importants, qui sont les capacités réflexives du bébé, c’est
à dire la capacité qu’il peut avoir d’utiliser l’autre, d’interroger
l’autre, en général la mère. Et la capacité qu’il va développer durant toute son enfance, de pouvoir se servir de l’autre,
c’est aussi au moins important que d’être sécure ou insécure. Je crois que c’est très intéressant de mettre en parallèle ces 2
notions. Bernard Golse l’a fait très souvent. Concernant « la
sublimation », une définition qui normalement est à la fois
psychanalytique dans son inspiration et correspond à peu près à ce que
Cyrulnik a écrit sur ce mot, c’est à dire que c’est donner des images et
des mots à des ressentis sans perdre le lien entre ces images et le ressenti.
Sans perdre le lien, c’est à dire que le mot que je dis est un mot ressenti,
c’est un mot avec une image et un ressenti, c’est une sorte d’ensemble qui
se constitue : Là, on s’approche au plus près de ce qu’est « la
sublimation ». Alors, vous voyez, la résilience qu part du traumatisme et, dans le
traumatisme, c’est la toute puissance du ressenti, la toute puissance du
perceptif, au risque de l’effacement des mots. Donc, d’une certaine façon, ce qu’on appellerait traumatisme,
c’est vraiment une expérience « anti-sublimatoire » et on
comprend en même temps que l’expérience de la cure des sujets traumatisés,
c’est une expérience d’abord sublimatoire, je veux bien dire créatrice également,
mais sublimatoire.
[1]/
Evelyne Granjon : Pédopsychiatre. Présidente de la Société française
de thérapie familiale psychanalytique (SFTFP) [1]/
Ces
amygdales sont deus petits noyaux situés à la
base du système limbique. [2]/ Le Prozac est l’un des anti-dépresseurs les plus connus. [3]
/ Ritaline :
Médicament très controversé pour traiter l’hyperactivité chez
l’enfant. [4]/
Rolf Magun :
Neuropsychiatre (1916-1960) ? [5]/
F.
Hölderlin ( 1770-1843 ) : poète lyrique,
romantique allemand ( orphelin de père à 2 ans ! ). Etudie la théologie
mais devient précepteur. Grand
admirateur de l’hellénisme comme Goethe et Schiller. Après un long
voyage à pied en Europe( il a séjourné à Bordeaux), rentre chez lui
totalement épuisé et sombre dans la folie. [6]/
Loutre
Du Pasquier Nathalie : Devenir des enfants
abandonnés. Le tissage du lien. PUF, 1981. [7]/
René Zazzo ( 1910-1995 ) : Psychologue français
de l’enfance, très connu pour ses travaux sur les jumeaux,
l’intelligence, l’attachement. [8]/
Henri
Wallon ( 1879-1962 ) : médecin,
philosophe… S’est spécialisé dans la psychologie de l’enfant. A
proposé successivement un système de stades de développement psychomoteur
puis un système de stades de la personnalité. On lui doit aussi la mise en
place de la psychologie scolaire. [9]/ Cette notion de frayage a été introduite très tôt, dès 1888, par Freud lui-même. [10]/
Jean
Guillaumin : Psychanalyste, membre de la SPP,
Professeur émérite de Psychologie à l’Université Lumière-Lyon II.
Nombreux ouvrages parmi lesquels on peut citer : Le rêve et le Moi,
PUF, 1979 ; Corps, création : entre lettres et psychanalyse,
PUL, 1980 ; La Psychanalyse : un nouveau modèle pour la
science, Esprit du Temps, coll. Perspectives psychanalytiques,
2003…. [11]/ Ectopie : du grec ek = hors de et topos = lieu. [12]/
LeDoux
Joseph : Pionnier de la neurologie des émotions.
Exerce aux Etats-Unis. A écrit Neurobiologie de la personnalité, O.
Jacob, coll. Sciences, 2003. [13]/
Viviane
Green : de cet auteur « Emotional
Development in psychoanalysis, attachment theory and neurosciences »
Ed. Viviane Green. [14]/
Nom
donné aux ministres femmes sous le gouvernement d’Alain Juppé. [15]/
L’Institut
National de la Santé
et de la Recherche Médicale
a remis un rapport sur les Troubles de conduite des enfants et des
adolescents proposant de dépister dès la grossesse, les signes
avant-coureurs de risques de « troubles de conduite » des
enfants définis comme TOP « troubles oppositionnels avec provocation »,
et autres « atteintes aux droits et aux normes sociales ». Tollé
général bien compréhensible chez tous ceux qui, de loin ou de près,
s’occupent des enfants et des adolescents. [16]/
Au
moment où cette rencontre a eu lieu, M. Nicolas Sarkozy était
Ministre de l’Intérieur. Lorsque ce texte a été retranscrit (février
2006) M. Sarkozy était toujours Ministre de l’Intérieur mais aussi prétendant
à l’élection présidentielle 2007. [17]/ Otto Rank (1884-1939) Psychologue, psychanalyste. Premier secrétaire de la Société Psychanalytique de Vienne. Son compagnonnage personnel avec Freud dura deux décennies, mais l’orthodoxie freudienne le considéra comme un dissident lorsqu’il fut amené à modifier le processus analytique mis au point par Freud. Œuvre très prolixe, Le traumatisme de la naissance fut publié en 1924. Dans cet ouvrage, « il cherche à rendre compte à partir du seul traumatisme de la naissance de tous les processus d’hominisation et de tous les développements culturels peuvent rendre perplexe. » Didier Houzel, in Dictionnaire International de la Psychanalyse sous la Direction de Alain de Mijolla, Calman-Lévy, 2002 [19]/
Topéka :
Aux Etats-Unis (Kansas) ou « Topeka Institute for Psychoanalysis »
fondé en 1925 par le Dr Charles Frederick Menninger et ses fils.
Aujourd’hui, cet Institut a une renommée internationale. Elle procède à
des bilans complets sur des patients venus des Etats-Unis et de l’étranger.
Cette clinique assure aussi des traitements spécialisés pour les victimes
de traumatismes ( entre autres) [20]/ EEG : ElectroEncéphaloGramme. EC: ElectroCardiogramme [21]/
Voir à ce sujet la dernière intervention de Boris Cyrulnik intitulée :
« Conclusions et perspectives », p. [22]/
Jean Bégoin,
psychiatre, psychanalyste. A participé à de nombreux Carrefours
toulousains. [23]/
René Thom :
Paraboles et catastrophes, Flammarion, coll. « Champs », 1983.
La théorie des catastrophes, in Apologie du Logos, Hachette,
coll. Histoire et philosophie des sciences, 1990. [24]/
Harold Searles :
Psychanalyste américain renommé né en 1918. L’environnement non-humain,
Gallimard, 1986. [25]/
Programme
de Médicalisation des Systèmes
d’Information. [26]/
Lin Grimaud :
Psychologue clinicien, intervenant en formation pour l’analyse des
pratiques institutionnelles. [1]/
NOTES IMPORTANTES : - Cette table ronde correspond à
la communication orale qu’a faite Gérard Pirlot le jour du Carrefour
et non au texte écrit qu’il a communiqué par la suite. Nous avons décidé
de la garder, en l’état, tant les échanges entre Boris Cyrulnik, Gérard
Pirlot et la salle nous ont paru très intéressants et constructifs. 2/
Le thème très ouvert de ce Carrefour, le nombre important d’invités,
n’a certainement pas pu empêcher des redondances ici ou là. Mais comme
le dit Bernard Golse dans sa communication ( Début p.2, ) : « Sur
un sujet fécond (la résilience) qui est en train de se préciser, de se
forger, c’est important qu’on puisse chacun dire des choses avec son
style, sa manière, et il sera peut-être difficile d’éviter toute
redondance. » [2]/
André
Haynal : Psychiatre, psychanalyste,
Professeur à Genève, il est d’origine hongroise et il a écrit (entres
autres), Dépression et créativité :Le sens du désespoir, Césura
Lyon, 1987. Préface du Professeur Serge Lebovici. [3]/
André Haynal
s’est intéressé, avec Jean-Michel Porret Orphelinage et créativité,
thèse, Genève, 1977), à la situation familiale des créateurs du XIXéme
et il cite : Balzac, Nerval, Hugo, Renan, Rimbaud, Sainte-Beuve, George
Sand, Zola, Baudelaire, Dumas père, Dumas fils, Benjamin Constant,
Stendhal, Huysmans, Vigny, Voir la liste encore plus exhaustive donnée par
Gérard Pirlot à la page 10 de sa communication ( Note de bas de page N°
30. [4]
/
Elie Wiesel est né en Roumanie en 1928. Il est déporté,
avec toute sa famille à Auschwitz alors qu’il n’a que 15 ans. Après la
guerre, il sera étudiant en France à la Sorbonne. Aujourd’hui, il est
citoyen américain. Œuvre très riche et variée ( romans, récits, essais,
témoignages..) En 1968, il obtient le Prix Médicis pour Le mendiant de Jérusalem
puis le prix Inter et le prix des Bibliothécaires pour Le
Testament d’un juif assassiné…. Il a obtenu, en 1986,
le Prix Nobel de la Paix pour l’ensemble de son œuvre. [5]/
Stanislas Tomkiewicz (1925-2003) : Né en
Pologne, déporté à Bergen-Belsen où disparaît toute sa famille. A la
fin de la guerre, il vient s’installer en France pour y faire ses études
de médecine. Familièrement appelé « Tom » par ses amis, il
deviendra une figure marquante de la psychiatrie française et il n’aura
de cesse de lutter contre toutes les formes de pression et de s’occuper
des enfants et des ados rejetés par tous. Dans L’adolescence volée chez
Calman-Lévy, 1999, il racontera son parcours. [6]/
Vaillant
George est psychiatre à Harvard. A écrit de
nombreux ouvrages mais qui ne semblent pas pour l’instant traduits en français :
Ego Mechanisms of Defense. A
Guide for Clinicians and Researchers, 1992…. [7]/
Serban Ionescu : Psychiatre et psychologue. Professeur à
l’Université Paris-VIII. Professeur émérite de l’Université du Québec.
[8]/ Alain Rey est né en 1928. Etudes à la Sorbonne à Paris. Il sera le maître d’œuvre du dictionnaire Le Robert, 1964. Il tenait une chronique matinale( « Le Mot du Jour » ) sur France Inter mais a été « remercié » pour des raisons « linguistiques » : sa définition du mot « colonisation » a trop remué « les foules ». Alain Rey a écrit pour la 1ère fois un ouvrage pour les enfants intitulé « Des mots magiques » avec des illustrations de Elisem. Son tout dernier ouvrage : « Mille ans de langue française : Histoire d’une passion », avec G. Siouffi et F. Duval, Ed. Librairie Académique Perrin, février 2007. [9]/
Louis
Marin a été député de Nancy de 1871 à
1960. |