A la Rencontre des idées et des pratiques en psychologie et psychanalyse

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Revue de la Presse Médicale, Psychiatrique, Psychologique et Psychanalytique
«La science rejoint Freud»  

Les progrès des neurosciences, et notamment de l'imagerie médicale, ne remettent pas en question les concepts freudiens. La psychanalyse trouvera-t-elle sa légitimité conceptuelle grâce au scanner 
Source Journal le Point et http://www.psy-en-mouvement.com/intra/demo.php

Peut-on vérifier scientifiquement l'existence de l'inconscient ? Pourra-t-on enfin prouver que le ça, le moi ne sont pas seulement des concepts ? Sigmund Freud, dès le départ, en était convaincu : il était possible de faire le lien entre le cerveau et la pensée. Pour être un intellectuel prompt à se prendre pour Platon, l'inventeur de la psychanalyse n'en était pas moins d'abord et surtout un médecin, suffisamment intéressé par la neurobiologie pour avoir initialement pensé en faire son métier. Et avoir commencé son étude du cerveau par l'examen des lobes du lézard et de l'anguille. En mai 1885, alors qu'il est passé au cerveau humain, il écrit à sa fiancée, Martha Bernays : « Ma précieuse chérie, [...] j'ai très envie en ce moment de résoudre l'énigme de la structure du cerveau. Je pense que l'anatomie du cerveau est la seule vraie rivale que tu aies et que tu auras jamais... » Mais la recherche ne fait pas vivre son homme (déjà) et, désireux de se marier rapidement, Sigmund se tourne vers la médecine générale afin d'ouvrir un cabinet. Il poursuit toutefois en parallèle ses réflexions sur la constitution du cerveau et, en 1895, dans son « Projet de psychologie scientifique », il expose sa conception de l'organisation mentale du cerveau, explique que le neurone en est un élément qui peut être stimulé et décrit même ceux qui, selon lui, sont responsables de la conscience et de la mémoire. 

La science du cerveau, toutefois, n'en est qu'à ses balbutiements et, faute d'outils exploratoires pour vérifier ses hypothèses, Freud abandonne son projet. Son texte, une douzaine de pages, ne sera publié qu'après sa mort (et en France pour la première fois à l'automne prochain, avec la correspondance de Fliess aux Presses universitaires de France). La doctrine freudienne, elle, donnera naissance à la psychanalyse, que Freud voudra toujours faire reconnaître comme science, même si, comme le soulignera plus tard le philosophe Karl Popper, elle ne permet pas de répéter les expériences et n'est donc pas irréfutable, défaut qui la classe, selon lui, du côté de l'idéologie. 

De fait, l'histoire de la doctrine freudienne est marquée par un bouillonnement intellectuel permanent où ses concepts et sa technique seront constamment enrichis, amendés, corrigés ou repoussés (voir schéma « l'héritage freudien »). Et un siècle après la parution de « L'interprétation des rêves », le livre qui allait révolutionner l'exploration du psychisme, jamais la psychanalyse n'a été autant sur la sellette. Si la théorie de l'inconscient et le vocabulaire freudien ont envahi le langage courant, si nous parlons couramment de « pulsion », de « refoulé », de « transfert » ou de « névrose », si même les plus réticents au divan reconnaissent avoir voulu un jour « tuer le père », la cure par la parole comme thérapie ne convainc plus ou, plus exactement, convainc moins. 

A l'heure de l'analyse transactionnelle et de l'hyperventilation, la psychanalyse, en effet, accumule les handicaps : elle est longue (plusieurs années), chère (parfois plus de 100 euros la séance) et surtout incertaine. « La psychanalyse ne guérit pas, expliquait récemment dans nos colonnes Elisabeth Roudinesco, auteur, entre autres, avec Michel Plon, d'un "Dictionnaire de la psychanalyse". Elle met au centre de l'idée de guérison la prise de conscience par le sujet de son être. Nous sommes déterminés par notre inconscient et, grâce à l'analyse, nous le savons. » Ce que Jacques Lacan, le plus grand psychanalyste français, traduisait par l'expression « la guérison de surcroît » : la cure par la parole conçue comme une ascèse du psychisme. L'« analysant » vient s'installer sur un divan une ou deux fois par semaine pendant cinq à quinze ans, sans être sûr d'aller vraiment mieux... 

Dans une société consumériste obsédée par le retour sur investissement, cette conception passe évidemment mal. A l'hôpital comme en ville, dans de nombreux pays, on lui préfère dorénavant pour soigner le psychisme les médicaments ou l'une des quelque 700 cures thérapeutiques du marché, plus courtes et souvent plus quantifiables. Ainsi les fameuses TCC, les thérapies cognitives et comportementales, fondées sur la disparition des symptômes, par exemple la phobie. Même en France, qui est, avec l'Argentine, le Brésil et la Suisse, le pays qui compte le plus d'accros à Freud, la cure par la parole souffre d'un discrédit certain, en particulier auprès des autorités sanitaires. Les pouvoirs publics n'ont-ils pas envisagé début 2006 de rendre obligatoire pour tous les thérapeutes un diplôme de psychopathologie où la psychanalyse serait étudiée au même titre que d'autres thérapies, notamment les TCC ? 

Pragmatiques, soucieux de résultats, les Américains ont été les premiers à tester « scientifiquement » ses concepts. L'existence de l'inconscient ? Une expérience a été menée à l'université Columbia, à New York. On a projeté à des étudiants à un rythme très rapide des bandes passantes de photos représentant des visages déformés par la peur. Les participants n'ont pas vu les images. Pourtant, les chercheurs qui observaient en même temps leur cerveau grâce à l'imagerie par résonance magnétique (IRM) ont vu la partie correspondant au centre de la peur s'y allumer. Preuve pour ces scientifiques que l'inconscient existe... Mais ce n'est pas tout : l'IRM permet aussi de suivre le circuit neurologique du conflit entre la recherche de plaisir et la pulsion d'inhibition, de vérifier l'effet du stress sur les neurotransmetteurs, de constater les séquelles du traumatisme de la naissance... 

Alors, les neurosciences au secours de la psychanalyse ? Ce serait plutôt l'inverse, si l'on en croit Gérard Pommier, professeur de psychopathologie à l'université de Nantes et auteur de « Comment les neurosciences démontrent la psychanalyse » (Flammarion, 2004). Selon lui, les neurosciences ont besoin des concepts de la doctrine freudienne pour expliquer certains de leurs résultats. Ainsi, si les scientifiques peuvent expliquer la conscience automatique, celle qui permet d'acquérir des réflexes pour jouer du piano ou conduire une voiture, ils ne savent pas ce qui produit les lapsus. « C'est là qu'ils ont besoin de l'inconscient », assure-t-il. De même, le fait que les neurones soient en surnombre à la naissance et disparaissent s'ils ne sont pas sollicités par les soins et la voix de la mère, par exemple, serait la preuve de l'importance fondamentale de l'affect dans le développement de l'être humain. Simple hypothèse ? Ce qui est sûr, c'est que, d'ores et déjà, certains psychanalystes travaillent étroitement avec les neuroscientifiques et les biologistes pour essayer de faire avancer l'exploration de la pensée. Avec l'espoir de mieux guérir leurs patients... ou, une fois pour toutes, de sauver Freud 

Petit lexique freudien 

Affect. Organisé autour de deux notions primitives de plaisir et de déplaisir, ce concept désigne la façon dont s'expriment les pulsions. Les affects jouent un rôle essentiel dans l'ensemble du fonctionnement mental, en particulier dans l'organisation défensive du moi. 

Ça. Siège des pulsions, le ça correspond à l'inconscient et constitue la base de l'appareil psychique, puisque le moi se forme par différenciation d'avec le ça.

Complexe d'Oedipe. Concept fondamental du freudisme. Inspiré du mythe grec d'Œdipe, qui tua son père et épousa sa mère, il désigne la représentation inconsciente du désir amoureux de l'enfant pour le parent du sexe opposé et son hostilité envers le parent du même sexe, représentation qui apparaît vers 3-5 ans et se résout après la puberté. 

Fantasme. Désigne la vie imaginaire du sujet et la manière par exemple dont celui-ci se représente à lui-même son histoire ou l'histoire de ses origines. 

Moi (ego). Ce terme désigne d'abord chez Freud le siège de la conscience, mais à partir de 1920 il le conçoit comme étant en partie inconscient. Le moi s'efforce alors de satisfaire les revendications du ça et du monde extérieur (schéma p.73). 

Pulsion. Concept majeur de la psychanalyse, défini comme la charge énergétique qui est à la source de l'activité motrice de l'organisme et du fonctionnement psychique inconscient.

Refoulé. Notion fondamentale de la théorie freudienne. Le sujet maintient dans l'inconscient des représentations (souvenirs, images...) jugées inconciliables avec son moi. Pour Freud, le refoulé peut être connu de façon indirecte par des actes manqués, des lapsus...

Transfert.
Processus par lequel le patient reporte sur son analyste des désirs inconscients qu'il éprouvait auparavant pour d'autres personnes. 

Traumatisme. Fondamental dans la théorie freudienne, ce terme désigne un événement déclenchant chez un sujet un afflux d'excitation trop important, que son appareil psychique n'est pas à même de supporter. Le traumatisme entraîne à plus ou moins long terme un dérèglement psychique de l'individu. 
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