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Retrouvez ci-dessous le détail des interventions et témoignages reçus :
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La résilience : force de liberté de vie !
La résilience : force de liberté de vie !
La réunion de très grands psychiatres et psychanalystes, venus de toute l’Europe, s’est tenu à Toulouse, la semaine dernière sous la houlette de Joyce Aïn, et de l’Association Carrefour & Médiations. Leur échange apporte à toute notre communauté un début d’éclaircissement pour l’avenir de nos sociétés. Nous avons besoin de mieux nous comprendre pour avancer.
L’Europe en paix a transformé nos vies
Les études faites par le Suisse Enal, font état d’une transformation très profonde de la psychologie des gens, sur la base d’un constat étonnant. Les enfants jusqu’aux années 1950 étaient pour la moitié d’entre eux, orphelins. C'est-à-dire concrètement, pas élevés, par leurs parents biologiques, « naturels » comme on dit. Ce fait révèle que les blessures psychiques souvent liées aux faits de guerre des enfants des générations précédentes étaient énormes. Enal a observé que beaucoup d’orphelins menaient le monde. Cette situation de souffrance a créé des situations de transgressions, d’innovations, de fantasmes divers, mais aussi de révoltes, d’insoumission, de processus d’adaptation ou de refus d’adaptation sociale.
Certains modes de vie favoriseraient la résilience
La paix est devenue en Europe notre mode de vie commun et ordinaire. Bien sûr, nos cultures sont différentes, partout. Bien sur, les parents se séparent parfois, se fâchent, mais ils sont vivants et l’enfant peut construire une relation affective sécure dans la durée, même dans une famille non traditionnelle. Selon Boris Cyrulnick, l’invité vedette du carrefour 2006 qui a attiré plus de 950 participants, la résilience est un processus dynamique de transformation de soi, mis en œuvre, spontanément, après un trauma affectif.
La résilience est une faculté psychique dont chacun porte en soi, la potentialité. Elle met en action une métamorphose de soi. Avec les mêmes éléments la personne va devenir autre. L’évolution adaptative qui naît du trauma, reconnaît la réalité de la situation qui blesse, la prend en compte et décide, en conscience, de vivre avec, autrement, la continuité de l’existence éprouvée. Ce concept nouveau de continuité évolutive, nous permet de nous libérer de l’idée que nous sommes programmés et conditionnés par le destin ou la génétique à une vie déterminée à l’avance. Idée qui nous écrase tous.
La résilience : Un concept de liberté de vie
Boris Cyrulnick a été reçu par Monsieur Nicolas Sarkozy, suite à l’annonce du gouvernement Français, d’une volonté de tester des enfants, sur la base des travaux d’un généticien Lesch, qui a isolé un dysfonctionnement chimique dans certaines molécules. Ilentraîne le déclenchement d’une analyse erronée des signaux sociaux par le malade. Cette difficulté génétique touche une personne sur 30.000. En conséquence de quoi, cette rareté ne peut permettre d’organiser une lecture génétique prédictive des comportements de violence d'une population. Les causes de la violence restent pour la plus grande majorité des gens, d’origine réactive à leur condition de vie sociale et environnementale. Son intervention a été entendue, partiellement.
Catherine Morzelle
Journaliste à La Dépèche du Midi
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Jeux de dents, Jeux d'enfants
Jeux de dents, Jeux d'Enfants
IL MORD SES COMPAGNONS DE CRECHE, COMMENT DOIS-JE REAGIR ?
« Mon fils Hugo, âgé de 2 ans, a fait cette année sa rentrée à la crèche. La puéricultrice m’a signalé qu’elle l’a vu à plusieurs reprises mordre les autres enfants. Cette agressivité m’inquiète. Est-ce que cela signifie qu’il n’est pas heureux là-bas ? Est-ce qu’il se venge d’être abandonné pendant la journée ? Et surtout, comment faire comprendre à un si jeune enfant qu’il ne faut pas mordre les autres ? »
Emilie, 29 ans, Paris
Réponse de Valérie Huchet-Dufetrelle
Psychologue clinicienne, Paris
Tous les enfants mordent un jour ou l’autre, ce phénomène est très courant surtout lorsqu’ils sont en collectivité. Mordre est un stade de développement normal de la petite enfance. Dans les premiers mois de la vie de votre bébé, toutes formes de plaisir sont apportées par la bouche et la succion, c’est la première zone érogène. En dehors de la satisfaction de ses besoins vitaux, l’enfant utilise sa bouche, ses lèvres, sa langue, ses dents pour découvrir le monde autour de lui, ce sont des points de contact avec l’environnement.
Jusqu’à 6-10 mois, mordre, c’est faire connaissance et prendre conscience qu’il y a un extérieur à soi. Cela va de la rencontre avec l’objet à la rencontre de l’autre, qu’il soit enfant ou adulte, car la première victime de ces morsures est souvent la mère. Passé cette période, mordre peut devenir pour lui un mode de communication. Pour s’opposer, par jalousie ou tout simplement par affection, faute de mots, l’enfant a recours à la morsure. Dans tous les cas, ce geste ne doit pas être passé sous silence. Il est important de lui signifier votre désaccord avec conviction : « Tu ne dois pas mordre. » Il faut lui expliquer que cela fait mal, car souvent l’enfant n’a pas conscience de la gravité de son acte. Montrez-lui les conséquences de son geste et consolez le petit mordu tout en mettant des mots sur ce qui vient de se passer. Il est essentiel que votre enfant comprenne que pour accéder à ses désirs, il doit aussi prendre en compte ceux des autres.
Évitez de le traiter de « méchant » ou de le punir car cela reviendrait à le renfermer dans son acte. Lui donner une petite tape sur la main serait un geste en symétrie de la morsure, il serait donc également préférable de ne pas y avoir recours. Ne mordez jamais votre enfant par mesure de représailles car cette épreuve de force entre vous et lui ne résoudrait en rien son comportement, mais risquerait plutôt de le cristalliser. Malgré une surveillance vigilante, ce type d’« agression » fait partie des accidents de la crèche. Tous les enfants finissent par apprendre à ne pas mordre, il faut parfois plus de temps à certains. Montrez-vous simplement patiente mais ferme. Cependant, si ce comportement perdure ou qu’il devient son seul moyen de communication, il sera alors préférable d’en parler à un professionnel de la petite enfance.
A lire :
- Paroles de tout-petits – À l’écoute des enfants en crèche, de Graciela C. Crespin (éd. Albin Michel), 2006, 14 €.
- La Vie émotionnelle du tout-petit, d’Alicia Lieberman (éd. Odile Jacob), 2001, 9 €. |
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Le vide affectif
Le vide afectif
Par Richard Thibodeau Québec, Canada. Voir ma page Psycho-Ressources
Lorsqu’une personne ressent un vide affectif il est important de réaliser que quelque chose à l’intérieur de cette personne créé ce vide pour de bonnes raisons. Pour beaucoup de gens le vide affectif est l’outil qu’il utilise pour être aimé et plus le vide est grand, plus le besoin d’amour est grand. D’autres créent un vide affectif dans leur vie comme moyen de protection contre un amour qui a été trop souvent blessé. Les gens qui ont été blessé en amour peuvent à leur tour devenir blessant. Le vide est alors utilisé comme une sorte de tampon qui maintien une distance entre eux et l’amour. Le vide affectif maintien une distance afin de protéger celui ou celle qui ressent ce vide.
J’ai constaté à maintes et une reprise que les gens qui souffrent de vide affectif n’obtiennent pas plus d’amour dans leur vie, car le vide affectif provoque des situations ou le vide se perpétue au fil des ans. Lorsque le vide affectif est utilisé comme moyen pour obtenir de l’amour, celui-ci en bout de route n’apporte pas plus d’amour dans la vie d’une personne mais bien plus de vide! Le vide affectif agit comme un tonneau avec un trou dans le fond. Vous avez beau mettre de l’eau dans le tonneau, celui-ci restera toujours vide.
Comme je l’ai mentionné dans le livre « Votre vie… reflet de vos croyances » Ce n’est pas la fin qui justifie les moyens mais bien les moyens qui déterminent la fin. Le vide n’apporte pas plus d’amour, il apporte plus de vide; la colère ne produit pas la paix elle produit plus de colère; la critique n’apporte pas plus de valorisation elle apporte plus de critiques. Si vous semez des carottes, vous n’allez pas récolter des patates, vous allez récolter des carottes. Si une personne utilise le vide comme moyen pour être aimé, c’est du vide qu’elle va récolter, pas plus d’amour dans sa vie. Étant donné que l’amour ne reste pas dans la vie d’une personne qui souffre de vide affectif, celle-ci croît que son besoin d’amour ne sera jamais comblé. En fait c’est le maintien du vide affectif qui empêche l’amour d’être présent dans la vie d’une personne. Lorsque cette personne apprend à s’aimer ou redécouvre l’amour d’elle-même, le vide disparaît. Le maintien du vide affectif provient de la croyance que l’amour ne peut provenir que des autres.
Dès le moment où une personne réalise que l’amour est une énergie naturelle au cœur même de son être et qu’elle peut accéder à cet amour de l’intérieur d’elle-même, le vide affectif alors n’a plus sa raison d’être. Lorsque vous aimez une personne vous utilisez cet amour qui vient de vous-même. Lorsqu’une personne, vous aime elle éveille ce même amour qui vient de vous-même. Autrement dit, que vous soyez dans une situation d’aimer ou d’être aimé c’est votre amour de vous-même qui est alors activé. Nous venons au monde avec un potentiel illimité d’amour, cependant ce potentiel peut être limité par des croyances restrictives en provenance de la famille, de l’éducation, de la religion et de la culture. Des croyances telles que : aimer c’est subir; être aimé c’est de contrôler ou d’être contrôlé par les autres; aimer c’est perdre sa liberté; l’amour est éphémère; l’amour rend aveugle; s’aimer soi-même est égocentrique; l’amour est une illusion; plus tu aime plus tu souffre; qui aime bien châtie bien; les conflits sont un gage d’amour; l’amour véritable n’existe pas; etc…
Imaginez pour un instant que l’amour est une eau cristalline et que les croyances restrictives sont comme de l’encre. Plus il y a de croyances restrictives, plus l’eau sera noire. Pour certaines personnes l’eau est devenue tellement noire qu’elles ne croient plus à l’amour! Si vous retirez l’encre autrement dit si vous enlevez les croyances restrictives qui ont assombri l’amour, vous allez découvrir que l’eau reste de l’eau et que l’amour reste de l’amour. Lorsque vous enlevez ces croyances restrictives vous retrouvez un amour libre et sans limitations. Il a toujours été là dans votre cœur et dans votre âme. L’amour ne vous a jamais abandonné. Il ne vous a jamais quitté. Vous en avez tout simplement été séparé par des croyances restrictives.Les croyances restrictives que vous avez reçu concernant l’amour ne font qu’assombrir celui-ci, elles n’ont pas changé sa nature véritable car l’amour reste de l’amour quelque soit les conditions qui lui ont été imposées. La phrase je m’aime est une façon de reconnaître l’amour qui est en soi et la phrase je t’aime est une façon de reconnaître l’amour qui est en soi et dans les autres. Si vous vous aimez librement et si vous vous appréciez vraiment pour l’être merveilleux que vous êtes, vous n’aurez plus besoin du vide affectif et vous pourrez aussi aimer les autres et les apprécier pour ce qu’ils sont vraiment. L’amour est une rivière qui habite tout être humain, lorsque cette rivière coule librement, il n’y a pas de barrières entre donner et recevoir l’amour. Le geste de donner inclus celui de recevoir et le geste de recevoir inclus celui de donner. Dans un tel contexte la personne qui aime une autre personne ressent aussi cet amour à l’intérieur d’elle-même.
J’ai réalisé au fil des ans que la meilleure façon au monde d’être aimé, c’est en fait d’aimer. Aimer nourrit autant celui ou celle qui donne cet amour que celui ou celle qui reçoit cet amour! Comment survivre au vide affectif? Réaliser qu’il est le fruit de croyances et si vous faites le choix de changer vos croyances vous pouvez alors devenir une rivière d’amour qui coule dans votre vie et dans celle des autres. Le vide affectif est maintenu par la croyance que l’amour ne peut provenir que des autres alors qu’en fait il provient de soi. Devenez tellement rempli d’amour qu’il jaillit tout naturellement dans la vie des autres.
Avec amour © Par Richard Thibodeau, auteur, novembre 03 Pour en savoir davantage lisez le livre « Votre vie… reflet de vos croyances » Éditions Quebecor 1996 -- 2000 et le livre « Au-delà des croyances » Éditions Quebecor 2002 Par Richard Thibodeau Québec, Canada. Voir ma page Psycho-Ressources
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Compte Rendu du Carrefour Résiliences
Compte Rendu du Carrefour Résiliences
organisé les 13 et 14 octobre 2006 à Toulouse par
"Carrefours & Médiations"
Depuis un peu plus de vingt ans, Joyce Aïn, Psychanalyste, Membre de la Société Psychanalytique de Paris, Présidente de l’Association Carrefours & Médiations (www.carmed.org), propose des rencontres sur des thèmes de psychologie et de psychanalyse. Elle invite des professionnels d’horizons différents à croiser leurs réflexions lors du « Carrefour » annuel.
Cette année 2006, elle a une nouvelle fois réussi le pari de rassembler au Centre de Congrès Pierre Baudis à Toulouse un très large public autour d’un aréopage de conférenciers venus débattre sur un thème qui en est à l’aube de sa conceptualisation: la résilience.
Le terme regroupe un large spectre de notions. A partir du registre sémantique dans lequel ils puisent la définition, les intervenants ont confronté les différentes assertions et tenté d’éclairer le concept et ses contradictions.
Boris Cyrulnik a précisé l’évolution du mot : aujourd’hui, la "boursouflure" sémantique qui entoure le mot résilience est la trace de son succès dans le public. Récupéré par la culture qui se l’est approprié en le transformant, le concept a évolué dans le temps. Dans le registre psychologique, l’évolution de la définition vers celle de processus porte l’empreinte du travail des équipes. D’abord qualifiant une capacité d’adaptation, en passant par la caractérisation d’une personnalité, la résilience se définit actuellement en tant que processus qui pourrait se dire ainsi : « comment reprendre un type de développement après une agonie psychique» ?
Au cour du congrès, un élargissement de la définition a été envisagé du côté de la clinique du quotidien.
Sylvain Missonnier a envisagé la résilience autour des aménagements développementaux. L’intensité de la confrontation dans le registre de l’intrapsychique avec notre propre pulsionnalité, notre destructivité, notre finitude, contraint à des aménagements psychiques. Dans le registre de l’intersubjectif, autant de crises que de rencontres avec la pulsionnalité des pourvoyeurs de soins, leur libido et son refoulé. Les microtraumatismes qui ponctuent la vie et contraignent au développement psychique en nous éprouvant, nous obligent à mettre en œuvre constamment ce processus. Par ailleurs, les évènements de la vie, banales séquences d’épreuves, constituent des crises qui nous contraignent à des transformations psychiques.
Entre l’aménagement catastrophique de survie après le traumatisme et la réponse à une crise tempérée, le travail de la résilience trouve sa légitimité conceptuelle, qui n’est pas celle d’un concept métapsychologique, mais qui a son utilité pour penser de manière optimiste le processus de transformation à l’oeuvre.
A l’usage du concept, Serge Tisseron a attiré notre attention sur plusieurs pièges : si la résilience caractérise une capacité, ou une personnalité, (une capacité attribuée ou non à une personne), alors, la notion devient prédictive. Le concept pourrait être détourné vers une dérive normative s’il devenait un outil se proposant d’évaluer les facteurs de risques et les conditions pour en sortir.
Par ailleurs, une causalité linéaire risquerait de fixer une représentation du processus :tel évènement traumatique produirait tel effet, et telle réalité douloureuse aboutirait de façon invariable à tel type de comportement résilient !
Si on peut questionner la vocation à devenir thérapeute au regard du concept de résilience, Bernard Golse nous interpelle avec humour "tous les bébés de mère déprimée ne deviennent pas Sigmund Freud ! ». Nous savons qu’il plaide par ailleurs pour une prévention qui n’est pas une prédiction.
Tout rapport de cause à effet fige la représention et s’oppose à l’idée d’accompagner le travail d’élaboration et de transformation qui est l’objet du travail psychanalytique. La résilience devrait donc rester du côté du vivant de l’interrelation, permettant aux thérapeutes de penser en terme d’accompagnement du processus thérapeutique.
Si la résilience est un processus de reprise post-traumatique, où la situer ?
Boris Cyrulnik a fait un rappel conceptuel pour situer la résilience par rapport au traumatisme : le trauma est dans le réel, le lieu du traumatisme est le psychisme, le traumatisme est la cause de l’agonie psychique, de la sidération, de la pétrification de la pensée. La résilience n’est pas synchrone avec le trauma. C’est une reprise des processus psychiques, un premier mouvement pour sortir de l’agonie psychique.
Puisque le traumatisme contraint à la transformation par le travail d’élaboration, alors la résilience peut figurer le travail de la métamorphose. Comme dans la transformation de la chenille en papillon, tous les éléments y sont, mais agencés différemment.
Elle se situe juste avant l’après-coup et le permet. Dans l’après-coup, le temps peut à nouveau se conjuguer, ce qui n’est pas encore le cas dans la résilience qui l’amorce seulement.
La psychanalyse avait-elle besoin de ce concept ? Cette question a fait débat.
Certains intervenants ont rappelé que nous avons des outils conceptuels pour penser en terme de mécanismes de défense : idéalisation, sublimation. (Notons au passage qu’il s’agit là des mécanismes à l’œuvre dans la création…) La régression peut aussi durant un temps permettre un repli protecteur.
Le clivage, qui s’opère après un traumatisme, en maintenant les éléments traumatiques à distance peut s’avérer un temps protecteur (Jorges Semprun n’a pu écrire que 15 ans après la shoah).
Par ailleurs, les personnalités en faux self, ou narcissiques, ne sont pas des résiliences réussies.
L’adaptation n’est pas non plus un critère de résilience.
La résilience serait réussie quand elle oeuvre à une socialisation apaisée : Georges Perec dont nous Maurice Corcos a revisité pour nous l’œuvre et la vie, Arthur Rimbaud dont Gérard Pierlot retrace les écueils de l’existence, Pablo Picasso qui malgré son géni est resté un tyran pour son entourage, ont-ils réussi leur résilience ? Leur œuvre témoigne du travail psychique pour tenter d’élaborer les traumatismes irreprésentables de leurs vies mais leur vie intime et affective indique un certain échec (à l’instar de la pulsion de mort, il a été question de résilience de mort).
Les thérapeutes familiaux qu’ils soient systémiciens tel que Michel Delage, ou psychanalyste, tel que Serge Tisseron savent que les ricochets des traumatismes non élaborés ressurgissent dans les générations suivantes.
Philippe Gutton s’est questionné quant à la nature métapsychologique de ce concept.
La résilience, qui appartient à la clinique du post-traumatique, permet de croire qu’il existe « un plus » après le traumatisme. S’agit-il de croyance ? Dans la co-croyance mère-bébé se conjuguent la croyance et le doute dont les partitions varient selon les périodes de la vie. La résilience serait alors l’art de faire confiance à l’objet afin de lui adresser sa propre originalité de sujet. Comme Prométhée, il faut croire avec une conviction bien dosée à soi-même, pour se reconstruire jour après jour.
L’objet de la résilience se définit en tant que processus d’autocréation ; résilier c’est se créer au regard de l’autre : « Me voici ». La cassure épistémologique individuel/collectif n’a pas lieu d’être ici. La résilience ne peut avoir lieu sans l’étayage sur les autres et sans l’intériorisation de leur regard.
Si le contexte est un facteur de la résilience, il peut aussi être le lieu du traumatisme.
Michel Delage nous a rappellé que nous connaissons l’importance des psychés maternelle et familiale comme berceau psychique de l’enfant mais que nous devons prendre en considération en tant que thérapeute les traumatismes non élaborés qui attaquent les capacités de penser dans la famille et détruisent les liens.
Rachid Bennegadi a évoqué les conséquences de l’environnement culturel qui peut être aliénant parce qu’il structure un champ de valeurs et exerce une pression. Certains évènements de la vie en acquièrent une tonalité traumatique (problématiques liées au déracinement par exemple). Le contexte culturel constitue néanmoins une trame précieuse pour accueillir les formes de la création individuelle de la résilience.
Le retour de la narrativité signe la reprise élaborative, c’est un travail de remaniement du passé, projection dans l’avenir, le temps se ranime. « Présent qui conjugue le passé, futur antérieur qui dit au présent ce que le futur sera quand le présent sera devenu le passé » a conjugué pour nous Bernard Golse…
Françoise Boudou-Orliac
Psychothérapeute familiale psychanalytique
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Synthèse du Carrefour Résiliences
Synthèse du Carrefour Résiliences
organisé les 13 et 14 octobre 2006 à Toulouse par
"Carrefours & Médiations"
RESILIENCES,
Réparation, élaboration ou création ?
Il y a des mots qui marquent une époque ; des concepts qui déclenchent les passions intellectuelles, parce qu’ils s’inscrivent dans un besoin collectif, et non seulement un besoin de chercheurs, de voir reconnue une dimension ignorée socialement jusqu’alors, ou alors oubliée.
Comme nous l’a rappelé Boris Cyrulnik lors de ce colloque, les mots sont des organismes vivants. Un jour ils sont usés. Un autre mot surgit alors pour décrire peut-être la même réalité. Car les mots ont une vie qui leur est propre, et, à certains moments, soit qu’ils aient été salis par les hommes qui font l’Histoire, soit qu’ils aient naturellement atteint le bout de leur temps, ils ne sont plus utilisables.
Et naissent alors de nouveaux mots, s’appuyant sur la science, sur l’art, sur la philosophie ou la religion, ou venant directement du « peuple ». Les médias, tels des tam-tams sauvages, les propagent à l’infini, leur donnant une ampleur qui déborde le découvreur du mot, ou alors les laissent tomber dans l’oubli. Combien de mots utiles ont-ils ainsi avorté ? Mais d’autres existent et exigent leur place.
L’inflation médiatique du terme « Résilience » , concept phare du Carrefour, laisse deviner ce que Boris Cyrulnik a appelé une « boursouflure sémantique », cette obésité linguistique qui guette un mot trop rapidement injecté dans une culture. Peut-être cette appropriation souvent approximative du mot choque-t-il les puristes. Je trouve pourtant que c’est un tout petit prix à payer pour que ce concept soit utile en dehors des temples du savoir. Et encore, si nous utilisons mal le mot, peut-être vivons-nous très bien l’affect qui lui correspond, car l’intelligence ne se réduit pas à l’intellect, faut-il encore le rappeler ?
Deux risques menacent donc les nouveaux-nés parmi les mots et les symboles : ne pas survivre à cause de ceux qui veulent rester attachés à la lettre des mots usés, ou alors, pour ceux qui les utilisent, oublier que les mêmes réalités, profondément humaines, ont déjà été dites autrement. C’est tout le défi du mot « Résilience ».
Dans le champ de la psychologie, les mots dénoncent fortement la vision anthropologique que porte le praticien et le chercheur qui les emploient. La psychanalyse a transformé durablement les mentalités, donnant une place inexplorée jusqu’alors, ce qui ne veut pas dire inexistante, au sujet, à l’intime, à l’intrapsychique, cantonnés jusque là aux femmes, aux enfants, aux poètes et aux fous. Depuis les années 50, la théorie de l’attachement, s’appuyant sur l’éthologie, a mis en avant la relation, et cette réalité d’un monde intime qui ne peut se construire qu’avec l’autre. La résilience, elle, est une théorie de l’entre-deux, pour citer l’expression reprise par Serge Tisseron. Voici donc, avec ce terme, résumé le parcours des idées dans le champ bio-socio-psychologique : un parcours qui va de l’intrapsychique à l’intersubjectif pour aboutir à la complexité non seulement de "l’entre-deux", mais sûrement de "l’entre-trois" : car un sujet se construit au minimum dans l’ontologique, qui inclut mais ne se réduit pas au biologique, l’intersubjectif et le social. Au minimum.
Je résumerai, dans cet article synthétique, les positions et les questions actuelles sur la résilience, en m’appuyant sur Boris Cyrulnik et sur son principal contradicteur, Serge Tisseron. J’espère que vous prendrez la peine de découvrir les autres interventions remarquables dans les actes du colloque.
Les conférenciers dansaient autour du mot comme des indiens autour d’un totem. C’était une danse virile, peu de femmes ayant posé leurs mots sur ce mot.
Mais l’une d’elles nous a de suite nommé l’essentiel: Joyce Aïn a en effet démarré le colloque en rappelant le statut du trauma, qu’elle a illustré par l’exemple de "Perle", ainsi nommée en écho à la blessure de l’huître d’où naît ce bijou. Car avant la résilience possible, il y a le trauma réel, c’est-à-dire l’acte ou l’évènement qui fait effraction dans le psychisme, et le traumatisme, c’est-à-dire la blessure ressentie, allant parfois jusqu’à la sensation d’amputation, qui débouche sur ce que Boris Cyrulnik (après Winnicott) appelle l’agonie psychique. Dans le cas de "Perle", il fallu apparemment passer par un cancer de l’utérus, bien après une première analyse, pour pouvoir se reconstruire en renouant, lors de son second parcours thérapeutique, avec la sensation de protection primaire, archaïque du nourrisson, l’appui d’avant le premier trauma, et ainsi vivre ce que l’on peut comparer à une nouvelle naissance.
Deux questions restent donc déjà en suspens après l’intervention de Joyce Aïn :
- Y-a-t-il besoin de passer près de la mort pour se reconstruire, voire pour se transformer ? C’est un thème que l’on retrouve fréquemment dans l’anthropologie à travers les rituels initiatiques, ainsi que chez les philosophes et sages de toutes les époques.
- La faille psychosomatique marque-t-elle le manque de résilience? Je crois pour ma part qu’il serait exagéré de l’affirmer, tant les chemins d’évolution sont propres à chaque individu. C’est aussi ce que nous trouvons dans l’opposition posée entre le pervers et le résilient : le pervers résiste au choc, le résilient le transforme et le traverse. La perversion serait le négatif de la résilience. J’oserai proposer, dans une optique éthologique et non morale, que nous avons chacun, face à un traumatisme, des aménagements pervers et d’autres résilients.
Dans tous les cas, le rôle du traumatisme apparaît essentiel dans la dynamique de la résilience. Comme le montrait Rank, en parlant d’un traumatisme de la naissance, le traumatisme accompagne la vie. Encore faut-il sûrement différencier les traumatismes vitaux que sont la naissance, les passages de la vie, la perte, le vieillissement, la mort, voire les cataclysmes naturels, des traumatismes brutaux qui nous font affronter le pire de l’homme ; ou comme le dit Serge Tisseron, ceux qui nous font perdre confiance dans l’être humain.
Mais qu’est-ce que donc que la résilience ?
Boris Cyrulnik nous a expliqué que la résilience s’appuie sur la physique des matériaux, comme Freud, avec son concept de sublimation, s’était appuyé sur la chimie. Dans la résilience, les matériaux reprennent une forme après un choc, car ils ne font pas résistance. Il faut préciser que c’est « une » forme, et non pas leur forme d’origine. Ainsi la théorie de la résilience nous propose d’envisager non seulement que l’on peut survivre et même bien vivre après un traumatisme, mais encore que le trauma peut avoir un rôle transformateur et évolutif si il est traversé.
Il ne s’agit pas comme l’a également souligné Maurice Corcos, d’enlever la souffrance, dans une sorte de pensée chirurgicale bien éloignée de la psychothérapie. Cela ne résoudrait rien car la personne ne serait plus la même. La question est de savoir comment déminer le système pour éviter qu’il n’explose ou implose. Et aussi comment sortir de l’encryptement, c’est-à-dire de l’incorporation mélancolique de la perte ou du trauma, crypte masquée par une vie « normale », en fait pseudo normale. Dans la résilience, nous dit Boris Cyrulnik, « je » interpelle un autre, à l’inverse de la projection paranoïaque. La résilience est un concept complexe, opposé à la causalité linéaire. Elle s’appuie sur une constellation de déterminants. C’est une pensée et une discipline intégratives, qui ne fait pas de séparation idéologique entre l’âme et le corps. Mais cette complexité même permet de la définir simplement : il s’agit de reprendre un type de développement après une mort psychique.
Personne ne peut être "résilient" dans tous les cas et pour toutes les situations.
Trois approches permettent d’approfondir la réflexion :
- Comment le sujet a-t-il acquis ou non des ressources internes. C’est ainsi, par exemple, que le concept de résilience est intimement lié aux théories de l’attachement, car les représentations parentales et les styles d’attachement permettent de comprendre comment un style affectif s’acquiert, et donc une certaine qualité de réponse à l’intrusion traumatique.
- Comment se fait l’attribution d’un sens à l’évènement, qu’il soit ou non traumatique. Dans ce cas l’exploration du monde intime par la psychanalyse - et par la psychothérapie - est pertinente. L’emploi des mots modifie l’anatomie cérébrale. Remanier le vécu du trauma par l’écriture, l’art, la psychothérapie, le partage avec les proches ou la société, est donc un élément essentiel du processus de résilience. L’écriture, par exemple, est certes un risque. Mais elle peut permettre un remaniement du passé. Laisser revenir les souvenirs sans les remanier, voilà ce qui est insupportable.
Encore faut-il préciser à mon sens ce qu’est ce remaniement. Il ne s’agit pas de réécrire l’histoire dans une sorte de négationnisme qui rejoindrait le déni, mais de se réapproprier l’évènement traumatique en se positionnant différemment par rapport à lui, ce qui permet de transformer les conséquences psychiques et organiques du trauma. Quand un patient me dit, en parlant d’un trauma majeur de sa vie, « comme c’est loin tout ça », en prenant l’air attendri de quelqu’un qui découvre un vieux nounours pelé au fond d’un placard, je sens que c’est gagné pour lui. L’évènement a été réintégré différemment dans le psychisme et le corps.
Ceci étant précisé, l’imagination créatrice serait-elle alors une des clés essentielles de la résilience ? Contrairement au fantasme, l’imaginaire est liberté car il permet de se dégager du traumatisme. Mais c’est aussi là que l’on court le risque le plus grand, vital, car on accepte alors un lien en dehors de l’objet disparu, ou que l’on s’autorise à lâcher le trauma comme unique définition de soi-même . L’écrivain Georges Perrec, dont nous parlait Maurice Corcos, est mort à 46 ans car il commençait à vivre. Serge Tisseron nous a donné le même exemple avec Hergé, mort d’une leucémie quand tout commençait à « aller bien ». Il me semble inutile et arbitraire de poser un regard analytique sur ce fait, tant nous sommes démunis face au mystère de la mort.
- Comment sont disposées les ressources externes, intimes et sociales, pendant et après le trauma. Par exemple, dans l’adoption transculturelle, on se rend compte que dans certaines cultures, comme au Libéria, c’est une fierté d’être donné en tant qu’aîné à une autre famille pour y être adopté. Au Japon, par contre, c’est une honte, et l’enfant adopté le découvre souvent au moment de l’héritage, en apprenant qu’il n’a droit à rien. C’est évident que ces représentations culturelles si opposées auront un profond impact sur le vécu de l’évènement par la personne adoptée. Qu’est-ce que la culture transmet donc autour de l’évènement traumatique ?
Sylvain Missonnier, en plus d’avoir approfondi l’importance de l’anticipation, qui rejoint l’imagination créatrice, a insisté sur le fait que la résilience nous renvoie à une éthique de la sollicitude, c’est-à-dire comment prendre soin de l’autre, et, je rajouterai les uns des autres, pour diminuer ce que la notion de tuteur de résilience peut avoir de pesant, pour la personne traumatisée comme pour le tuteur. Il préférait parler de développement d’outils thérapeutiques favorisant la résilience, ainsi que d’offres de résilience.
Il semble que la résilience prenne place dans un temps particulier, différent de celui, terriblement linéaire, du trauma, temps qui nous plonge dans l’agonie psychique dont parle souvent Boris Cyrulnik. Mais dans l’après-coup, le temps devient, en quelque sorte, réversible, quelque chose peut se rejouer. C’est un contre temps linéaire, un temps autre, un temps où tout autre chose peut advenir, un temps décrit par les poètes, les mystiques, les anthropologues des religions, les amoureux. C’est le temps que j’imagine être celui de la naissance, et peut-être celui, non de l’agonie, mais de la mort, la véritable origine de l’être où beaucoup peut se réparer. C’est le temps de la résilience. Le temps aussi du par-don possible, puisque je renoue avec l’abondance de la vie et que je me remets au monde. Et chaque naissance entraîne naturellement l’échange de cadeaux. C’est aussi le temps de l’espace thérapeutique, où une heure peut sembler si longue, ou si courte. Cela prend du temps de devenir jeune.
Voilà donc, à ce moment où tout paraît si beau, qu’apparaît la contradiction apportée par Serge Tisseron. Il nous rappelle que ce mot a pris le relais d’autres qui manifestaient peut-être la même réalité. Il se méfie des mots trop consensuels qui s’opposent au débat ouvert. Il nous parle avec émotion de ce mot « merveilleux » qui veut tout et rien dire, qui porte en lui quelque chose de beau et de désirable, quelque chose de plus que positif. Il reconnaît pourtant que c’est une idée généreuse, comme il y en a peu en psychanalyse et en psychiatrie, et qu’elle nous parle d’un nouveau départ. Nicolas Abraham disait que lors d’un événement extrême, qu’il soit heureux ou malheureux, l’inconscient s’ouvre. Et tout dépend alors des images, internes et externes, qui seront secourables, ou alors qui se déroberont ou accableront la personne. Ce concept met ainsi en avant les facteurs de protection : l’environnement familial, mais aussi les facteurs imprévisibles, comme par exemple la place que prend Internet dans ce rôle de soutien à travers les blogs, les forums et autres lieux d’échange. Les problèmes que voit Serge Tisseron me paraissent surtout être des questions, des propositions d’approfondissement, au pire des limites du concept que Boris Cyrulnik appelle lui-même à rechercher. Mais ils ont le mérite d’être posés et de rompre le consensus à la fois intellectuel et affectif qui pourrait entourer Boris Cyrulnik, et par ricochet le concept de résilience. Ainsi pour Serge Tisseron, ce concept ne tient pas compte des ricochets de l’effet traumatique d’une génération sur l’autre. Picasso, par exemple, était un tyran familial, même si en peignant Guernica, il a pu surmonter de graves traumatismes d’enfance. De même l’alcoolisation des poilus, en faisait des mort-vivants dans l’intime, quoique de bons vivants en public.
Il nous rappelle également que dans la grande variété des traumatismes, en il faut différencier ceux qui entament ou non la confiance en l’humanité. Cela rejoint ce que je proposais sur les traumatismes vitaux et les traumatismes brutaux.
Quelles conséquences a donc la résilience d’une personne sur la résilience du milieu ? Peut-on être résilient tout seul, pour soi, comme Picasso ? Ou en interaction avec les autres ? Nous avons du mal à passer le cap du 21ème siècle nous dit-il, siècle qui met en avant l’entre-deux, l’intrapsychique et l’environnement relationnel. Parler de la résilience d’une personne est trop global, alors qu’il peut y avoir une opposition entre sa vie publique et sa vie privée. Il parle aussi du risque d’idéaliser le dépassement d’un clivage. Or, c’est très long, voire impossible dans une vie. Ce qu’on ne peut atteindre en marchant, on peut l’atteindre en boitant, nous rappelle-t-il.
Il signale encore les risques des "tests de résilience sur les enfants" qui transforme ce concept en outil de contrôle social. C’est ainsi que l’on sort de l’observable pour faire de la psychologie prédictive en projetant sur des personnes qu’elles dépasseront les problèmes dans l’avenir, car elles ont survécu à ceux du passé.
Enfin, s’interroge-t-il, la résilience est-elle rebond ou reconstruction ? Quel est le prix à payer ? De quelle résilience parle-t-on ? En effet, la résilience est un concept qui s’appuie sur la sédimentation de différents courants de pensée.
Comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, Boris Cyrulnik a ensuite fait sa propre critique de la résilience : effectivement, une personnalité apparemment normale peut cacher une crypte qui saigne en secret. Et qui peut faire saigner les autres, rajouterai-je. D’autre part, le traumatisme peut être trop évident, envahir trop la conscience. Tout le reste est alors mis de côté, le trauma devient la causalité unique : on surexpose l’événement traumatique et ensuite on explique tout ce qui nous arrive par ce traumatisme. Cette approche trop explicative empêche de penser.
Il est ainsi nécessaire de parler des résiliences et pas de la Résilience. Le risque est en effet grand, et déjà existant, de véhiculer une dimension héroïque à travers ce terme. Il s’agit d’éviter autant que faire se peut les dérives moralisatrices du mot et l’héroïsation rampante.
En effet, à travers leur halo sémantique, tous les mots ont un implicite idéologique et sont porteurs d’un développement à l’insu de ceux qui les mettent dans la culture. Ils peuvent être alors récupérés idéologiquement à des fins de contrôle social. Mais il nous précise qu’avec le concept de résilience, le traumatisme amène un plus. Et elle met en avant la prévention par la mise en place de soutiens externes, contre la prédiction que l’on a pu voir par exemple dans le récent rapport de l’INSERM sur la délinquance prévisible des enfants de moins de trois ans.
La résilience peut s’apprendre à tout âge et n’a pas besoin du concept de caractère pour exister, en particulier de caractère fort, qui opposerait les dominants aux faibles.
La résilience est un processus, c’est-à-dire une transaction constante entre ce que l’on est et ce qui est. Et donc, quel modèle de résilience allons-nous choisir : une compensation modèle, un objet de défi, ou encore allons-nous insister sur les facteurs de protection externes et le développement des ressources internes ?
La résilience pose également la question des mécanismes de défense : est-ce une adaptation à prix exorbitant, comme le déni ? Y en a-t-il de positifs, comme l’humour ? Ils sont en tout cas à réétudier de près et à conceptualiser, y compris sur un plan philosophique. Il nous a enfin indiqué que la résilience a déjà de nombreuses retombées pratiques, par exemple sur les enfants des rues, ou sur l’adoption. Mais que tracer les limites de ce concept restait un objectif pour lui.
En conclusion, je ferais le test projectif qu’a indiqué Boris Cyrulnik. Il nous a proposé de définir "notre" résilience afin d’avoir un reflet de notre personnalité.
Vous allez donc tout savoir de moi… Je vois la résilience comme la capacité fondamentale qu’à la vie de se saisir de toute opportunité qui lui permet de s’épanouir et de se développer créativement, pour peu qu’on la laisse faire. Pour cela, il faut revenir non seulement à l’enfant historique, celui que l’on a été, mais surtout à l’enfant intérieur, la graine d’où peut renaître un nouvel arbre. J’aime aussi l’idée que la résilience concerne toute la vie psychique et pas seulement le traumatisme, que c’est un processus complexe qui accompagne la maturation et la transformation de l’être.
Je préfère aussi m’imaginer une microrésilience possible, à celle, trop globale, de résilience et encore plus de personnalité résiliente. Je revois un homme lourdement traumatisé éclater de rire en lisant une BD, je pense à un prisonnier qui au fond de sa cellule apprivoise une araignée ou se réjouit du rayon de soleil qui arrive à traverser les barreaux de sa cage, je retrouve le chant du rossignol venu visiter la malade dans sa chambre d’hôpital, toutes ces offres de résilience données au quotidien par la vie, et souvent par la nature.
J’ai aimé dans ce Carrefour, comme dans tous ceux de Carrefours & Médiations auxquels j’ai assisté, que l’accent soit mis sur l’ouverture de la conscience et le questionnement, plutôt que sur la fermeture implicite des réponses et des définitions.
Je vous laisse maintenant définir votre propre résilience.
Marie-José SIBILLE
Psychothérapeute Lasseube
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Alain Braconnier:L'agitation chez l'enfant est normale
L'agitation chez l'enfant est normale
Alain Braconnier: psychiatre,:
met en garde contre les diagnostics hâtifs d'hyperactivité chez les jeunes et les thérapies exclusivement médicamenteuses.
http://www.liberation.fr/vous/204792.FR.php
Alain Braconnier est psychiatre et psychanalyste spécialiste de l'enfance et de l'adolescence. Aux Entretiens de Bichat, il présidait une table ronde consacrée aux «enfants difficiles». Depuis plusieurs années, le terme d'«hyperactivité» est de plus en plus souvent employé au sujet de ces enfants agités, ce qui pousse parfois à tort à considérer leur comportement remuant comme une pathologie. Alain Braconnier appelle à la prudence dans le diagnostic et fait le point sur les traitements.
Comment doivent réagir des parents si on leur dit que leur enfant est «hyperactif» ?
Les parents doivent être vigilants vis-à-vis d'un diagnostic trop rapide. Il y a aujourd'hui une sorte d'effet de mode autour de l'hyperactivité. Les pédopsychiatres voient se multiplier les consultations à la demande de l'institution scolaire. «La maîtresse a dit que notre enfant était hyperactif et qu'il fallait consulter», nous rapporte-t-on. Or il suffit de se projeter dans son enfance pour se souvenir qu'on a pu être particulièrement remuant, voire pénible pour notre entourage, sans pour autant être habité d'un trouble psychiatrique. L'agitation chez l'enfant est normale. Chez un petit nombre d'entre eux, environ 5 %, elle peut révéler un véritable trouble, qu'on appelle «trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité ». Il convient d'observer attentivement plusieurs symptômes sur la durée (difficultés de concentration, oublis fréquents, effervescence...), avant de poser un tel diagnostic.
Comment soigner la vraie hyperactivité ?
Un traitement médicamenteux ponctuel la Ritaline peut s'avérer spectaculairement efficace et parfois très utile. Le danger, c'est de se dire, face à l'effet magique de la Ritaline : c'est bon, l'enfant est calmé, le problème est réglé. Le médicament, au contraire, doit permettre, en calmant les choses, d'ouvrir le dialogue avec les parents et avec un thérapeute. Le recours à la Ritaline ne peut se concevoir que s'il s'accompagne d'une écoute et d'une démarche thérapeutique. C'est seulement ainsi que le trouble lié à l'hyperactivité peut être définitivement résorbé.
Pourquoi en entend-on autant parler ?
La première réponse est que nous portons aujourd'hui plus d'attention aux comportements de l'enfant qu'autrefois. Parallèlement, cet intérêt accru s'accompagne d'une moindre tolérance vis-à-vis de l'agitation infantile. Les enfants sont aujourd'hui tous scolarisés et on leur demande très tôt d'être très calmes. Il n'y a donc pas forcément plus d'enfants instables, mais on les remarque d'avantage. Certaines évolutions de la société ont pu toutefois accroître les comportements agités. Notamment parce que l'enfant est beaucoup plus stimulé qu'avant, à la fois par son éducation et par son environnement. Je pense aussi aux modes d'exercice de l'autorité parentale, surtout paternelle, qui ont beaucoup changé. Chez des enfants débordés physiquement, le fait qu'on n'ose plus les calmer en faisant preuve d'autorité je parle d'une autorité apaisante et sécurisante, bien sûr, pas d'une autorité agressive qui peut renforcer l'hyperactivité.
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XXXIII ème Journée Scientifique autour de Michel SOULE
XXXIIIème Journée Scientifique de Michel Soulé, Bernard
Golse, Marcel Rufo
s'est tenue à Paris, Maison de la Chimie, Samedi 10 Juin dernier.
Joyce AÏN l'a suivie avec un immense intérêt tellement chaque
intervenant a rivalisé de points de vue originaux et enrichissants.
La Table Ronde N° 1 était discutée par Bernard GOLSE
-Sylvain MISSONNIER présentait "La
diagonale du virtuel en périnatalité"
-Drina CANDILIS HUISMAN,"Le mythe du
nourrisson savant"
-Jean BADOUAL "Da San Vincent.code" ou le
poids du virtuel dans la génétique
La Table Ronde N° 2 était discutée par Marcel RUFO
-Jean Sébastien SOULE "www.villes
réelles/villesvirtuslles.fr"
-Michael STORA "L'addiction au virtuel"
La Table Ronde N° 3 était discutée par Michel SOULE
-Serge TISSERON "L'enfant et les
sortilèges du virtuel"
-Marcel RUFO "La bouillabaisse
virtuelle"
-Rémy PUYUELO "La psychothérapie n'est-elle que
virtuelle"
La Table Ronde N° 4 était discutée par Bernard GOLSE
-Michel SOULE "L'opérette et ses variations
sur les filiations virtuelles"
-Pierre DELION "Tex Avefy le Grand Maître du
virtuel"
-Bernard GOLSE "L'agenda virtuel ou l'ontogénese
de la temporalité"
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Klaus Scherer sur les Sciences affectives
Prenant acte de l'essor considérable des recherches sur les émotions, Klaus
Scherer, un des spécialistes reconnus du domaine, vient de prendre la direction d'un grand pôle de recherche sur les « sciences affectives ».
La science a soumis les émotions à une longue quarantaine qu'elle n'a levée qu'à l'orée des années 1970, découvrant du même coup, un peu étonnée, qu'elle avait négligé un pan de recherche essentiel à la compréhension des mécanismes qui régissent les liens entre le corps et l'esprit et, par là même, le comportement humain et la société.
Le 22 mars 2005, l'université de Genève se vit attribuer par le Parlement suisse la responsabilité d'un Pôle de recherche national (PRN) issu d'un projet intitulé « Sciences affectives ». Misant sur l'interdisciplinarité (psychologie, droit, neurosciences, philosophie, anthropologie...), ce centre d'excellence est formé d'un réseau de douze groupes appartenant à cinq universités helvétiques. Dédié à l'étude des affects, des émotions et de leurs effets sur le comportement humain et la société, son programme de recherche est unique au monde.
Le Pôle est dirigé par le professeur Klaus Scherer, dont les travaux dans la sphère des émotions jouissent d'une reconnaissance internationale. Seront décortiquées des problématiques telles que la communication émotionnelle, la capacité à gérer les émotions afin d'éviter le stress et l'épuisement psychologique, le rôle des normes sociales et des valeurs dans la réponse émotionnelle et dans son contrôle, le partage social des émotions, etc. En disséquant la manière dont ces dernières influencent le comportement individuel et les processus sociaux, le PRN ambitionne de contribuer à l'amélioration de la santé physique et psychologique des individus et d'accroître ainsi leur bien-être dans leur vie professionnelle et privée.
Mais prenons un exemple concret : droit, justice et émotions. Dans ce domaine, différentes questions méritent d'être abordées. D'abord, celle de la fiabilité des témoignages. Ensuite, en marge du caractère abstrait et rationnel de la loi, celle des facteurs émotionnels susceptibles d'influer sur la décision du juge. Il y a aussi l'aspect « soft law » : comment, sans recourir à la contrainte, promouvoir des comportements adaptés ? Ainsi, on peut imaginer que certaines instances œuvrent à renforcer le rôle de la honte pour favoriser une morale normative. Cette approche s'inscrirait dans le double cadre de la prévention des actes délictueux et de la resocialisation des délinquants. Autre domaine où le droit et les émotions sont étroitement intriqués : la donation d'organes.
Bref, à travers ces illustrations ponctuelles, on conçoit aisément que le PRN ne s'inscrit pas dans une quête abstraite, mais se situe au cœur de nos préoccupations individuelles et collectives.
Encore récemment, la plupart des psychologues se référaient à l'existence d'expressions faciales universellement reconnues pour avancer que le nombre des émotions était limité. Ils en recensaient généralement six : joie, tristesse, surprise, dégoût, colère et peur. Cette vision a fini par voler en éclats...
On considère aujourd'hui qu'il existe probablement autant d'émotions qu'il y a de situations revêtant une signification émotionnelle pour le sujet. Dans chaque famille d'émotions se manifestent déjà des différences d'intensité. Ainsi, selon les cas, une personne en colère peut être irritée, fâchée, enragée... Cet aspect quantitatif n'est cependant pas le plus important. Les différences qualitatives le sont davantage, car elles reflètent cette nouvelle prise de conscience que les émotions sont fonctionnelles, adaptatives et non, comme on l'a souvent affirmé par le passé, des principes qui perturbent le « bon fonctionnement de la machine ».Les six émotions fondamentales sont les émotions les plus prototypiques. J'ai proposé de les appeler « émotions modales » dans la mesure où elles sont très répandues et occupent une position centrale dans la vie de tous les jours. Par exemple, dès que nous n'obtenons pas ce que nous voulons ou que nous ne pouvons agir à notre guise, notre réaction émotionnelle est une variante de la colère. Mais on ne peut faire fi de la panoplie quasi infinie de toutes les autres émotions, telles la honte, la culpabilité, la jalousie, etc.Les tenants de la théorie des émotions de base ont toujours insisté sur de possibles combinaisons entre ces dernières. Cette analogie avec le mélange des substances en chimie n'est pas fondée. Prenons l'exemple de la peur et de la colère. Ces deux émotions éclosent parce que nos buts ou notre bien-être sont en danger. Mais quand on est en colère, on pense qu'on peut encore lutter, faire face, tandis que si l'on a peur, ce n'est pas le cas. Par ailleurs, la colère a trait à un événement qui a déjà eu lieu ou est imminent, alors que dans la peur subsiste un élément probabiliste. Bref, si ces deux émotions ont des éléments en commun, leur mélange n'est pas possible car elles comportent d'autres éléments mutuellement exclusifs.
On a longtemps considéré que l'émotion était un état. Désormais, on l'envisage plutôt comme un processus...
Absolument. Cette façon d'appréhender le problème est très récente. Contrairement à ce que les philosophes ont pu écrire depuis Platon et Aristote, les émotions ne sont pas des épisodes unitaires, statiques. Mes collègues et moi-même insistons beaucoup sur l'instabilité des situations émotionnelles. Nous défendons l'idée que chaque émotion est générée par l'évaluation d'une situation qui est pertinente pour le sujet. Celle-ci fluctuant sans cesse, l'émotion doit en faire de même. Quand on est en colère, on commence souvent par s'enflammer parce qu'on est choqué par ce qui se passe, puis on réévalue la situation, ce qui donne une autre coloration à notre colère. De nombreux facteurs de régulation interviennent, dont les normes sociales. Autrement dit, quand une émotion est déclenchée, elle reste rarement dans un état pur et inchangé au fil du temps.
Chaque émotion sera à jamais unique ?
La peur que j'ai éprouvée un jour, par exemple, ne sera jamais la même que celle que j'ai ressentie un autre jour. Pourquoi ? Parce que les contextes varient et que l'expérience et, partant, la mémoire modifient la manière dont on évalue tout nouvel événement. De nombreux facteurs interviennent dans la construction de nos émotions : notre dotation génétique, notre histoire individuelle, nos motivations, la culture dans laquelle nous baignons, les normes sociales, le contexte qui préside à leur survenue, etc. Quelle hiérarchie faut-il établir entre eux ? Tout ce qui influence directement notre évaluation de la situation est essentiel. Dans ce cadre, nos motivations du moment me semblent primordiales et, par là même, les valeurs et normes sociales car ce sont souvent elles qui les conditionnent.
Rompant avec un ancien a priori, on estime aujourd'hui que les émotions ne sont pas antinomiques de la rationalité ; au contraire, elles y contribueraient...
L'histoire est parsemée de périodes où les émotions furent considérées comme totalement irrationnelles et d'autres où elles furent jugées utiles. Aux yeux des stoïciens, par exemple, elles appartenaient à la sagesse, pour autant qu'elles fussent modérées. Les derniers siècles leur furent particulièrement hostiles en raison du primat accordé à la rationalité, notamment en économie. Or, sous l'impulsion de prix Nobel tels que Herbert Simon, Reinhard Selten ou, plus récemment, Daniel Kahneman, cette discipline est de celles qui ont réhabilité l'« émotionnalité » dans la prise de décision.
Dans chaque cas, il faut tenir compte du contexte, de nos buts, de nos désirs. Il n'y a pas de principe de neutralité ni d'abstraction. La critique voulant que les émotions soient irrationnelles est correcte si celles-ci ne sont pas fonctionnelles, adaptatives. Mais l'idée d'auteurs comme D. Kahneman est que notre pensée a besoin des émotions pour être efficace, car nous manquons d'informations pour tout décider rationnellement, et qu'il existe des heuristiques affectivement ancrées qui nous aident à décider rapidement, mais aussi beaucoup mieux que si le hasard réglait nos choix. Nos émotions reflètent nos expériences et désirs ; elles encadrent la sagesse du corps.
Vous considérez que les apports de la technologie moderne, en particulier l'utilisation massive des téléphones portables dans toutes les couches de la population, sont de nature à modifier sensiblement notre vie émotionnelle...
La disponibilité absolue du téléphone portable fait en sorte que, dans les gares, les bus, les magasins..., nous sommes chaque jour les témoins d'échanges intimes touchant à la vie émotionnelle d'autrui. Va-t-on vers une forme de « désocialisation », dans la mesure où ce qu'il n'était pas acceptable de montrer autrefois en dehors de la sphère privée fait l'objet d'une exhibition publique
? Selon moi, on assiste à un affaiblissement de certaines émotions socialisantes. La honte notamment.
Ce n'est d'ailleurs pas elle en tant que telle qui favorise le contrôle des actes antisociaux, mais plutôt la peur d'avoir honte. Il s'agit d'un mécanisme de régulation du comportement que je trouve très élégant, car il est autogéré. Ni policiers, ni surveillants... Bien sûr, il faut éviter les excès du XIXe siècle où le poids de la norme morale engonçait la société dans une rigidité difficilement
acceptable. Le téléphone portable n'est évidemment pas la seule technologie qui conduit à l'affaiblissement de la honte. Je pense par exemple au walkman. La disponibilité de la musique partout et à toute heure a amené des comportements qui n'étaient pas admis en public auparavant. On se déhanche, des étudiants écoutent de la techno pendant les cours... Cela change toute l'approche de ce qu'est une interaction sociale normale.
Les médias ?
Idem. La banalisation de la violence et du sexe joue un rôle similaire, surtout auprès des jeunes. Son influence néfaste sur le comportement est une évidence empirique. Mais les médias sont également au centre d'un autre phénomène. Pour des raisons évidentes d'audience, ils misent de plus en plus sur l'émotionnel. Ils tendent dès lors à ne plus proposer une analyse approfondie des événements, mais à les illustrer en présentant le témoignage des « personnes concernées ». La colère d'un gréviste est préférée à l'analyse impartiale d'un journaliste. La cognition reposait sur une argumentation interne qui se poursuivait par une argumentation sociale. Cet élément fort de notre culture disparaît dès que l'échange devient purement émotionnel. C'est typiquement ce qu'on a vécu dans l'affaire des caricatures : colère et contre-colère. Un échange d'émotions sans débat sous-jacent.
Profil : Klaus Scherer :Professeur de psychologie à l'université de Genève où il dirige le Geneva Emotion Research Group. Il est l'auteur de nombreux écrits dont, avec Richard Davidson et H. Hill Goldsmith, Handbook of Affective Sciences, Oxford University
Press, 2003.
Propos recueillis par Philippe Lambert
Interview parue dans le Mensuel n° 171 - mai 2006
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Philippe Jeammet sur les troubles de conduites
Il faut reprendre, sans passion, le débat sur les comportements inquiétants repérés dans l'enfance
Par Philippe Jeammet
Chef de service de psychiatrie de l'adolescent et du jeune adulte à l'Institut mutualiste
Montsouris
L'Inserm a publié à la demande de la Caisse nationale d'assurance-maladie des professions indépendantes (Canam) une expertise collective sur les troubles des conduites chez l'enfant et l'adolescent à laquelle, je tiens à le souligner, je n'ai participé ni de près ni de loin.
Il en ressort que des travaux épidémiologiques de qualité et convergents montrent la grande stabilité de ces troubles pendant l'enfance et l'adolescence et le risque de marginalisation grave à l'adolescence avec désocialisation, échec des apprentissages, violences à l'égard d'eux-mêmes et des autres. C'est bien de cela qu'il s'agit et rien que de cela : si on laisse s'installer certains comportements pendant l'enfance, on prend un risque important que l'enfant ne puisse se nourrir de ce dont il a besoin pour se développer (apprentissages, sociabilité, confiance et estime de soi...). Or ces comportements à risque sont repérables entre 3 et 5 ans. Repérer quelques signes, du fait de leur intensité et de leur durée et voir s'ils sont de façon significative prédictibles de difficultés ultérieures, c'est comme cela, et seulement comme cela, qu'une prévention autre qu'individuelle peut être envisagée. Bien sûr, derrière les signes repérés, il y a des individus avec leur famille et leur environnement social. C'est le temps de l'évaluation individuelle préconisée par l'expertise.
Le rapport rappelle qu'on ne connaît pas les causes de ces troubles du comportement, mais qu'il existe des facteurs de risque multiples : familiaux, sociaux, mais aussi génétiques. Il n'est pas question d'hérédité de type mendélien. Il n'y a pas de gène de la délinquance, de la violence, pas plus que de tout trouble du comportement. Par contre, oui, il existe une héritabilité, c'est-à-dire des facteurs appartenant à plusieurs gènes qui, combinés entre eux, vont influencer en particulier l'expression de nos émotions et leur intensité sur un mode plutôt qu'un autre. On ne choisit pas ses émotions. Elles surgissent du plus profond de notre cerveau biologique sans rien nous demander. Plus elles sont intenses plus elles risquent d'être contraignantes, c'est-à-dire difficiles à contrôler. C'est surtout le cas des émotions négatives, de rage, de peur, de colère... On devient alors dépendant de l'environnement qui les suscite.
Il s'agit bien d'un vrai problème de santé publique : parce que ces comportements augmentent de fréquence ces dernières années en raison de facteurs multiples et dont les conséquences cumulées font que l'absence croissante à la fois de limites et d'attention spécifique de la part des adultes équivaut à abandonner ces enfants à la violence de leurs réactions émotionnelles, dont ils deviennent prisonniers. Ce sera d'autant plus vrai que ces enfants seront émotionnellement plus vulnérables. Le comprendre n'est pas les stigmatiser mais, au contraire, les aider ainsi que leur famille à réaliser que ce n'est pas nécessairement de leur faute s'ils sont ainsi et ont du mal à changer. Mais ils peuvent décider avec l'aide des parents de chercher des moyens pour retrouver plus de choix, c'est-à-dire plus de liberté dans leur façon de réagir. Aux adultes de les aider à trouver ces moyens.
Dans un entretien (Le Monde du 23 septembre 2005), le professeur Pierre Delion apportait des critiques et des ouvertures complémentaires de nature à équilibrer ce qui pouvait apparaître, dans ce rapport, comme une annonce à la fois brutale et lapidaire pour des non-initiés. Mais, à partir de là, le débat s'est mal engagé et a déclenché des réflexes d'opposition passionnels idéologiques dont témoigne une pétition signée par de nombreux professionnels de l'enfance.
Le contenu de cette pétition est attristant quand on connaît la gravité du problème qui concerne ces enfants et leur famille. On y cherche de façon qu'il faut bien appeler populiste et démagogue à alarmer les parents : on veut transformer les écoles en casernes, supprimer toute opposition, toute manifestation jugée agressive, quitte à droguer les enfants avec des médicaments. J'exagère ? Malheureusement non. Je cite un extrait de la pétition : " Avec une telle approche déterministe (...) à partir de 6 ans, l'administration de médicaments psychostimulants et thymorégulateurs devrait permettre de venir à bout des plus récalcitrants. " Et, pour faire bonne mesure, on appelle à la rescousse deux leviers habituels de la manipulation populiste, la dérision : " Faudra-t-il aller dénicher à la crèche les voleurs de cubes ou les babilleurs mythomanes ? " ; et l'amalgame politique où, sous prétexte de l'existence de plusieurs rapports " rendus publics au sujet de la prévention de la délinquance ", il s'agirait ni plus ni moins pour l'Inserm de servir " de "caution scientifique" à la tentative d'instrumentalisation des pratiques de soins dans le champ pédopsychiatrique à des fins de sécurité et d'ordre public ". Serait-on à court de vrais arguments pour ne recourir qu'à des procédés aussi intellectuellement malhonnêtes, qui n'ont plus rien à voir avec le contenu du rapport ?
C'est qu'il s'agit d'un conflit avant tout idéologique qui conforte le statu quo et le conservatisme profond de notre société face aux inévitables changements. Conflit qui opposerait d'un côté ceux que certains dénomment " les professionnels de la psyché " et de l'autre " la psychiatrie biologique ", et auquel viendraient s'ajouter maintenant les enjeux de la prochaine élection présidentielle de 2007 !
Personne ne peut se targuer d'avoir la recette contre l'enfermement d'un enfant dans ses conduites destructrices. Mais il appartient aux adultes responsables de ne pas le laisser s'enfermer dans son comportement. Toute approche nouvelle efficace est une chance. Elle permet, bien utilisée, d'élargir notre palette d'outils et d'accroître pour l'intéressé ses chances de regagner en liberté. Ce débat en termes de combat n'a pas lieu d'être. Il est aussi stérile que désolant. Il se fait au détriment de l'intérêt de l'enfant, en principe point commun essentiel des protagonistes. Il contribue ainsi posé à dramatiser la situation et à inquiéter les parents au lieu de favoriser une indispensable alliance avec les professionnels. Quitte, pour la famille et l'enfant, à juger après essai ce qui semble le mieux convenir.
Ce rapport de l'Inserm pourrait être une chance. A nous professionnels de la saisir. Il peut permettre de développer un véritable travail de prévention et de prendre conscience de l'ampleur des besoins. Une chance, oui, de sortir ces enfants de la véritable situation d'abandon où on les laisse. Car on est devant un problème de massification des besoins auquel l'approche purement individuelle qui prévaut actuellement ne peut répondre et qui ne peut concerner qu'une minorité, souvent privilégiée du fait de l'attention dont elle bénéficie. On ne peut continuer ainsi si on veut toucher la masse des enfants qui en ont le plus besoin.
Au lieu, une fois de plus, de dépenser nos énergies en nous apostrophant pour défendre nos territoires et notre confort de pensée, acceptons de travailler ensemble en faisant confiance à tous les acteurs de terrain pour nous éviter de tomber dans des dérives toujours possibles ici ou là, mais qui nous menacent moins que le laisser-faire d'aujourd'hui. Celui-ci laisse bien seuls des parents et des enseignants bien placés pour savoir que ce n'est pas le conformisme social et l'obéissance qui menacent le plus nos écoles.
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commentaires sur le Carrefour Perversions
Proposition de Compte
Rendu du Carrefour "Impressions et commentaires"
par Marie-José SIBILLE, Psychothérapeute
Le pervers, le mal, le diable, l’escroc, le corrupteur, la secte, le terroriste, c’est l’autre, nous disent certains.
Peut-être ceux-ci n’ont-ils pas consacré assez de temps à regarder leur ombre dans le miroir?
Pour d’autres au contraire, souvent imprégnés d’un discours psy bien pensant et pesant, le bourreau et sa victime se mélangent, dans le meilleur des cas à cause des traumas partagés de l’enfance, dans le pire pour d’obscures raisons théoriques ou nosographiques.
Peut-être ceux-là n’ont-ils pas eu à subir un viol en rentrant du travail ou du lycée au fond d’une ruelle obscure ?
Ce carrefour a bien tenu son nom, en proposant une vision qui ne répondait à aucun de ces deux extrêmes, pourtant très répandus. Ainsi les conférenciers ne tombaient pas dans le déni de la réalité du crime commis, ce qui ne les empêchait pas de sentir la part de souffrance du bourreau, voire d’être en empathie avec elle. Les intervenants étaient des gens de grande expérience, vivant professionnellement au contact de familles et de personnes ayant eu à subir les agressions de ces personnalités « dites perverses », mais aussi des délinquants eux-mêmes, à travers leur travail comme experts auprès des tribunaux ou en milieu carcéral. La salle des colonnes remarquable de l’Hôtel Dieu Saint Jacques à Toulouse les accueillait les 7 et 8 octobre pour ce tout aussi remarquable congrès consacré à ce sujet sensible dans une actualité de débats passionnés sur les problèmes de délinquants sexuels récidivistes , mais aussi dans le milieu plus limité de la « psy » sur les problèmes de psychopathologie et de définitions professionnelles.
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controverse autour du "Livre noir de la psychanalyse"
Controverse autour
du "Livre noir de la psychanalyse, vivre, penser et aller mieux sans
Freud",
Dirigé par Catherine Meyer , 824 pages, Les Editions des Arênes,
Pour information: à partir de 16 Articles:
Article "Un mythe : la psychanalyse française"
de André Green
Article
"Les psychanalystes asticotés" de
Lorette Coen dans le Temps
Article "Ferenczi
et le livre noir"
de Philippe Jeager
Lettre
réponse de Gérard Bayle Président de la SPP à l'article "Est
ce qu'elle git, la psy ?"
Article "Guerre des psy ou enjeu de société ?"
de Yves Cartuyvels Doyen de la Faculté de Droit
Réponse "Comment faire de la pensée une maladie
?" de Gérard Bayle Président SPP
Article "Faut il en finir avec la psychanalyse ?"
dans le
Nouvel Obs
Article "La guerre des psys: pourquoi tant de haine ?"
dans
Psychologie Magazine
Article "La guerre des
psys"
dans le Journal l'Express
Article "Réponse
de Elisabeth Roudinesco" dans
http://oedipe.org/fr/actualites/livrenoir
Article "Pourquoi rallumer la guerre des « psys » ?"
Michel Plon répond à l'Humanité
Article "Ces mages noirs qui rêvent d’enterrer la psychanalyse"
Roland Gori dans l'Humanité
Article "Les rendez-vous ratés de la psychanalyse"
Miguel Benasayag dans Témoignage chrétien
Rebonds "La souffrance sans voix" (source http://www.liberation.fr/page.php?Article=328102)
Article "Lettre ouverte" de François Sauvagnat
à Ursula Gauthier du Nouvel Observateur
Article "Qui a peur de Sigmund Freud ?"
de Marianne GOMEZ de La Croix
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"Un mythe : la psychanalyse française"
de André Green
André Green dénonce la place accordée aux disciples de Jacques Lacan dans les débats actuels
L'image que les médias renvoient de la psychanalyse française ne correspond en aucune manière à sa réalité. En fait, ce tableau est le résultat des efforts d'un groupe de pression qui exerce une véritable censure et propage une conception faussée de l'état de cette discipline. A la faveur d'une polémique récente, on a vu naître un mythe, la psychanalyse française, qu'on attaquait globalement. Je soutiens que la psychanalyse française est une entité inexistante ou falsifiée. Il y a en France des groupes psychanalytiques nombreux, divisés, et même parfois opposés, sur beaucoup de questions importantes. Toute prétendue unité est un amalgame douteux.
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"Les psychanalystes asticotés" de
Lorette Coen dans le Temps 31 Décembre
La brève polémique autour du «Livre noir de la psychanalyse» n'ébranlera pas cette discipline. Mais des combats autrement plus ardus l'attendent.
Dira-t-on de l'année 2005 qu'elle fut celle où la psychanalyse subit les plus durs assauts? Certes, non. Sitôt née, cette discipline essentiellement critique fit l'objet des polémiques les plus vives qui n'ont jamais faibli tout au long de son histoire. Occupant un territoire indécis entre théorie et pratique, bousculant les frontières entre les savoirs, elle a heurté de front les propriétaires de territoires bien établis et encouru leur ire. A l'instar du marxisme, elle a cru bon de se légitimer par l'argument de la scientificité; naïveté dangereuse qui a valu à cette science honorablement humaine les attaques d'hier et celles d'aujourd'hui. Les combats de chefs ont jalonné son histoire, elle a résisté aux conflits ainsi qu'au poids écrasant de son père fondateur, Sigmund Freud. Il faudra donc beaucoup plus et plus fort que Le livre noir de la psychanalyse ouvrage collectif, issu des milieux comportementalistes, pour en avoir raison.
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Ferenczi et le livre noir
de
Philippe Jeager (source: http://www.spp.asso.fr/Main/Actualites/Items/32.htm)
Je vous signale la très intéressante lettre circulaire de Ferenczi 1086 (Fer… du 9 Janvier 1927, page 326 de la correspondance avec Freud) où il parle de sa « rencontre » avec Watson. Cette lettre annonce la polémique actuelle et mériterait d’être citée presque entièrement. Ferenczi avait bien vu, là aussi, l’avenir qui se préparait. Je le cite :
[…] Sans le moindre sens de l’historicité, […] Watson croit à l’aide d’expériences simplistes, pratiquées sur des animaux, des nouveau-nés et des enfants, avoir résolu, sur le plan théorique, tout le problème du psychisme […] la seule chose scientifique c’est l’observation du comportement […] il réduit les processus psychiques les plus complexes à la plus extrême simplicité, sous forme de réflexes conditionnés […] la métapsychologie de Freud est [pour Watson] un expédient en attendant que ces messieurs les psychologues et béhavioristes terminent leur travail […] J’ai dit que j’enverrais peut-être en traitement chez Watson des souris blanches et des lapins, mais pas des êtres humains vivants.
Watson est cité également page 333 : « On attend de lui la liquidation de la psychanalyse […] »
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Lettre de Dr Gérard Bayle, Président de la Société Psychanalytique de Paris
à
l'article "Est ce qu'elle git, la psy ?" de
Christophe Donner dans le Monde 2 du 12/11/05
L’outrance de la chronique « Livre » de Christophe Donner intitulée « Est-ce qu’elle gît, la psy ? » parue dans le Monde 2 du 12/11/05 ne peut que susciter de la colère chez un analyste ou un patient bien informé. Pour toute culture dans le domaine qu’il aborde, l’auteur semble n’avoir récolté qu’un ensemble d’informations fausses ou mal digérées et donc erronées. N’aurait-il connu que des milieux prétendument intello-philo-psycho-narcissiques, en rien psychanalytiques, et où toute compétence est celle qu’on se donne à soi-même et qu’on partage avec quelques autres du même acabit ?
Sa méconnaissance du rôle des processus psychiques dans l’éclosion des maladies psychiques aussi bien que somatiques n’a d’égale que son ignorance des exigences pratiques et éthiques des membres d’associations telles que la Société Psychanalytique de Paris, celle-ci étant par ailleurs reconnue d’Utilité Publique.
Ici, comme dans d’autres manifestations de malhonnêteté intellectuelle récemment publiées, l’auteur n’a nul égard pour les patients, adultes, enfants et adolescents qui poursuivent un traitement psychanalytique de leur mal-être encore diffus ou de leurs maladies déjà clairement avérées. Il se fait ainsi le compagnon de route d’autres excès parfois moins spectaculaires mais autrement plus graves pour la santé de chacun, telles les automédications par des psychotropes, les addictions et les décharges comportementales.
Comment accepter qu’une telle manifestation de haine soit publiquement étalée dans ce journal ?
D’autant que pour aller à la charge au-delà des limites de la diatribe la plus violente, l’auteur conclut par un souhait de « cassage de gueule » qui n’est pas sans rappeler l’appel à la haine des extrémistes de tout poil. Mal armé pour aborder ce problème, n’aurait-il qu’un manche de pioche à sortir quand on lui parle de psychanalyse ?
Puis-je le provoquer et lui proposer de mesurer l’étendue du malentendu qui sous-tend une absence de retenue dont il pourrait tirer gloire s’il servait une cause autrement relevée ?
Qu’il vienne voir de près ce que nous faisons, comment nous travaillons, peut-être aura-t-il ensuite à cœur de mettre ses talents et sa plume au service d’un meilleur combat. Je l’invite. A lui de savoir s’il peut me répondre.
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Un livre-événement relance la guerre entre pro et anti Psychanalyse
"Faut-il en finir avec la psychanalyse ?" (Source Le Nouvel
Obs)
Efficacité des thérapies, sérieux de la théorie: dans «le Livre noir de la psychanalyse», médecins, psys et historiens tirent à boulets rouges sur Freud et ses héritiers. Ursula Gauthier a étudié leurs arguments et interrogé les protagonistes des deux camps. Les enjeux d’un débat passionné
Ce matin-là, devant son fax, Frederick Crews découvrait, éberlué, les messages que son journal lui avait faxés, si nombreux que la bande de papier imprimé avait dégringolé l’escalier et s’était amassée à l’étage inférieur! Une explosion inouïe de fureur et d’angoisse, déclenchée par l’article qu’il venait de publier dans la «New York Review of Books», magazine emblématique de l’élite «libérale»,c’est-à-dire de gauche, aux Etats-Unis. Intitulé «Freud inconnu», le papier faisait la synthèse de vingt années de travaux d’historiens, et concluait que Freud n’était pas le savant solitaire confronté à la jalousie et à la bêtise, le libre-penseur intègre et intrépide que dépeignent ses hagiographes. Quant aux spectaculaires «découvertes» – l’inconscient, le refoulement, le transfert, les pulsions sexuelles infantiles, etc. – arrachées grâce à son héroïque autoanalyse aux gouffres du psychisme, elles provenaient d’emprunts silencieux habilement maquillés en intuitions fulgurantes.
Les héritiers de Freud se montreront-ils plus ouverts à la contestation, aujourd’hui que paraît en France, fille aînée du freudisme, «le Livre noir de la psychanalyse»? A n’en pas douter, le choc sera rude. Car cette impressionnante somme, œuvre d’une quarantaine de spécialistes parmi les plus éminents, met pour la première fois à la portée du public français le grand inventaire du freudisme mené depuis trente-cinq ans dans les pays anglo-saxons. «Nous avons adopté plusieurs approches, souligne l’éditrice Catherine Meyer, thérapeutique, historique, épistémologique, philosophique, etc., pour montrer les impasses et les dérives d’un dogme, mais aussi les alternatives disponibles: il y a une vie après Freud. Pour ma génération, qui se disait enfant de Marx et de Freud, c’est un tournant.»
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"La guerre des psys: pourquoi tant de haine ?" (Source Psychologie Magazine)
La psychanalyse ne serait-elle qu'un mythe sans valeur thérapeutique, Sigmund Freud, un imposteur n'ayant jamais guéri de patients, et son complexe d'Œdipe, une fable sans fondement ? C'est en substance ce qu'affirme “Le Livre noir de la psychanalyse”, ouvrage collectif qui marque un nouvel épisode dans la guerre ouverte depuis plusieurs mois entre psychanalystes et comportementalistes. Le point sur un affrontement de plus en plus violent…
Depuis des mois, le monde psy est en ébullition. A l'origine de la crise, la publication, début 2004, d'un rapport officiel de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur l'efficacité des psychothérapies. Rapport concluant à l'écrasante supériorité des techniques comportementales et cognitives - dites TCC(2) - et à la quasi-inefficacité de la psychanalyse…
Les freudiens crient au scandale et dénoncent la surreprésentation des praticiens des TCC dans l'élaboration du rapport, ainsi que la faiblesse de la méthodologie utilisée - des études d'études expérimentales menées sur une courte période. En outre, ce document est perçu comme preuve de la volonté de l'Etat de contrôler le domaine de la vie psychique. « La psychanalyse ne peut être évaluée que par ceux qui s'y prêtent : les patients », déclare le psychanalyste Jacques-Alain Miller, l'un des principaux acteurs de la polémique.
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"La guerre des Psys" (Dans le journal l'Express)
Les psys français n'ont plus le moral. Alors que la souffrance sociale, affective ou mentale pousse des patients de plus en plus nombreux dans les cabinets des thérapeutes, les «confidents du mal de vivre» traversent eux-mêmes une crise profonde d'identité. Tiraillés entre des conceptions de plus en plus divergentes de leur métier et des théories auxquelles ils se réfèrent, les psychiatres, les psychanalystes et les psychothérapeutes sont en proie aux doutes et aux confrontations. Le petit monde de la santé mentale, d'ordinaire feutré et secret, est devenu un champ de bataille où fusent les invectives, les accusations, les procès en sorcellerie et les coups bas. Témoin de ce malaise, l'avalanche de livres publiés récemment contre la psychanalyse, la discipline reine qui dominait jusque-là toutes les autres et constituait leur référence commune. Lancé à grand bruit comme un impitoyable dossier dénonciateur, Le Livre noir de la psychanalyse (les Arènes) est une attaque au vitriol de l'œuvre de Freud et de ses héritiers, accusés de charlatanisme et d'abus de pouvoir. Rédigé par une éditrice assistée d'un historien et de trois thérapeutes comportementalistes violemment antifreudiens, il qualifie la France de pays «fossilisé», l'un des derniers au monde où la psychanalyse fait encore recette, et passe en revue tous les abus, dérives et mystifications dont celle-ci se serait rendue coupable (lire l'interview d'Elisabeth Roudinesco). Cette attaque n'est pas isolée. Plusieurs autres pamphlets contre la théorie de l'inconscient ont fait récemment leur apparition à la vitrine des librairies. Comme celui de Michel Tort, psychanalyste et professeur à Paris VII, Fin du dogme paternel (Aubier), qui remet en question la domination masculine et la figure du père érigée par Freud et Lacan. Ou celui du philosophe Didier Eribon, Echapper à la psychanalyse (Léo Scheer), qui mène une charge contre le pouvoir normalisateur de la théorie freudienne envers les homosexuels et l'homoparentalité. Dans un registre plus idéologique, citons encore Mensonges freudiens (Mardaga), de Jacques Bénesteau, psychologue au CHU de Toulouse, qui présente la psychanalyse comme «une prodigieuse rhétorique de désinformation». S'indignant d'un passage de cet ouvrage qui laisse entendre que Freud aurait contribué à alimenter l'antisémitisme en Autriche avant la Seconde Guerre mondiale, l'historienne Elisabeth Roudinesco a été attaquée en diffamation pour avoir publié dans Les Temps modernes une critique du livre où elle soulignait les relations de l'auteur avec la nouvelle droite et le Club de l'Horloge. Ces derniers ont perdu le procès, et Bénesteau ne fait pas appel. «La psychanalyse a toujours fait l'objet de critiques plus ou moins légitimes, voire de franches hostilités, remarque Jacques Sédat, secrétaire du groupe de contact qui fédère la plupart des écoles analytiques françaises, mais on est passé récemment à un autre registre: celui des règlements de comptes et des procès d'intention.» Après une longue période d'hégémonie, les explorateurs de l'inconscient se voient aujourd'hui concurrencés par une nouvelle école de pensée venue des Etats-Unis, celle des adeptes des thérapies comportementales et cognitives (TCC), qui prônent une approche rationaliste et pragmatique de la santé mentale. Longtemps larvé, cet affrontement entre deux conceptions irréconciliables du psychisme a pris récemment la tournure d'un affrontement ouvert qui divise toute la communauté psy.
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"Réponse d'Elisabeth Roudinesco" (Source http://oedipe.org/fr/actualites/livrenoir)
Dans cet ouvrage, les freudiens sont mis en accusation : ils ont, dit-on, envahi
les médias à coups de
propagande et de mensonges. Sont brocardés avec une rare violence tous les
représentants du mouvement psychanalytique depuis ses origines : Melanie Klein,
Ernest Jones, Anna Freud, Bruno
Bettelheim (etc) et, pour la France, Jacques Lacan, Françoise Dolto, leurs
élèves et les principaux chefs de file de l'école française (toutes
tendances confondues, IPA et lacaniens). Les chiffres sont faux, les
affirmations inexactes, les interprétations parfois délirantes. Les
références bibliographiques sont tronquées et l'index est un tissu d'erreurs.
La France et les pays latino-américains sont traités de pays arriérés, comme
si la psychanalyse y avait trouvé refuge pour des raisons obscures alors même
qu'elle aurait été bannie de tous les pays civilisés. Je rappelle qu'elle est
solidement implantée dans 41 pays et en voie d'expansion dans les pays de
l'ancien bloc soviétique où elle avait été interdite, ainsi que dans le
monde arabe et islamique.
La crise de la psychanalyse, qui est réelle aujourd'hui, a des causes multiples
qui ne sont jamais évoquées par les auteurs, lesquels ont abandonné tout
esprit critique pour se livrer à des dénonciations extravagantes.
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"Pourquoi rallumer la guerre des « psys » ?" dans le journal
l'Humanité
À qui s’en remettre quand les repères chavirent et que le goût de vivre vacille ?
Où sont les remèdes ? S’il suffisait de quelques séances de suggestion
néopavlovienne,
ou d’avaler la bonne pilule, cela se saurait.
Les trusts pharmaceutiques en tout cas ne s’en plaignent pas. La psychanalyse, sans doute parce qu’elle ne croit pas aux miracles et défend une conception plutôt dialectique
des rapports de l’esprit
et du corps, est une fois encore accusée de charlatanerie, voire de crimes ! (voir
ci-dessous).
Michel Plon et Édouard Zarifian rappellent ici quelques vérités.
Coauteur du Dictionnaire de la psychanalyse (Fayard, 2000, avec Élisabeth
Roudinesco), ainsi que d’ouvrages et d’articles consacrés à la théorie et à la pratique de sa discipline, Michel Plon est psychanalyste. Il répond à nos questions.
Édouard Zarifian : En quelques décennies, la psychanalyse était devenue l’une des références du débat d’idées et de l’expansion des sciences humaines dans la société. Aujourd’hui, cette place n’est-elle pas en train de changer ?
Michel Plon: Depuis le début du XXe siècle qui vit la naissance de la psychanalyse, l’engouement dans les années vingt du mouvement surréaliste pour les idées de Freud, puis un certain « âge d’or » de la pensée, en France notamment, les années soixante et soixante-dix, période durant laquelle la psychanalyse a connu une sorte de mode mais a aussi influencé de larges secteurs des sciences humaines, c’est peu dire que la société a changé. Changements politiques - effondrement du système soviétique, assimilé à la hâte à l’idée communiste, disparition de la représentation du monde en deux « camps » -, changements économiques - triomphe apparemment inéluctable du libéralisme -, changements dans les mentalités - regain de l’individualisme, « libération » de la sexualité, recomposition de l’entité familiale : il eût été plus qu’étonnant que la place de la psychanalyse n’eût pas été modifiée en un tel contexte. Mais ces modifications, les résistances et le rejet qui font suite à un relatif engouement, doivent être relativisées, inscrites sur la toile de fond d’une résistance permanente à la psychanalyse. Freud le souligne plus d’une fois : la psychanalyse qui s’emploie à mettre au jour ce que chacun s’efforce de cacher et de se cacher est étrangement inquiétante pour un grand nombre de gens (1).
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"Ces mages noirs qui rêvent d’enterrer la psychanalyse"
Roland GORI dans le journal
l'Humanité
Promu à la manière de ces journaux à scandale qui barbotent dans la rumeur et prospèrent dans le marigot, un prétendu Livre noir de la psychanalyse occupait voici peu les bonnes feuilles d’un hebdomadaire qui, en d’autres circonstances, a pu offrir à ses lecteurs franchement plus de qualité et d’objectivité : le Nouvel Observateur, pour ne pas le nommer.
Cette opération ne mériterait qu’un silence méprisant si elle ne révélait à sa manière combien l’obsession d’expurger le « continent Freud » de notre culture peut conduire certains intellectuels au pire. L’ouvrage qui invite à « vivre, penser et aller mieux sans Freud » - quel programme ! - emprunte le langage de la science pour accomplir des rituels de magie noire. La forme du livre est son fond en surface. Il s’agit d’un montage éditorial accolant, sans vergogne et sans rigueur, tout un ensemble de textes hétéroclites qui en viennent à se contredire les uns les autres. Dans un pur syncrétisme, se trouvent inconsidérément emmêlés des fragments littéraires détournés de leurs oeuvres, des propos enrhumés et patelins de bureaucrates du
cognitivo-comportementalisme, des témoignages de dépit appelant à la vindicte, des plaidoyers amers de transfuges qui ne pardonnent pas à la psychanalyse l’injustice qu’ils lui font subir, des appels incantatoires de scientistes du genre Arsenic et vieilles dentelles, et enfin la geste impatiente et arrogante de la nouvelle garde sanitaire prompte à biologiser sans état d’âme la psyché et la morale pour mieux les recycler sur le marché du vivant : outre le public peu informé, les auteurs de ce produit espèrent - qui sait ? - duper le Prince et les décideurs de nos politiques de santé, de formation et de recherche.
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"La souffrance sans voix"
Par Annie GRUYER (source http://www.liberation.fr/page.php?Article=328102)
Lundi 03 octobre 2005
Présidente de l'Association de personnes souffrant de troubles anxieux et phobiques.
J'ose tenter de prendre la balle au bond, j'ose tenter de faire entendre ma petite voix et celles de ceux qui m'ont fait l'honneur de les représenter. Je fais le constat que dans plusieurs Rebonds (1) s'expriment les défenseurs des lapsus, du complexe né du mythe grec d'oedipe et du maintien des symptômes. Leur «siège» de la parole (eux si muets d'ordinaire de par leur profession de foi) a lieu suite à la parution, le 1er septembre, du Livre noir de la psychanalyse. Cela semble normal et sain dans un débat démocratique sauf que seuls les mécontents s'expriment. Or, pour un ouvrage, de prime abord austère, qui comporte 830 pages, coécrit par des psychiatres, psychologues, historiens, philosophes, épistémologues, patients et familles, l'enthousiasme est grand : 23 000 exemplaires vendus en trois semaines. Cela s'appelle, je crois, un succès littéraire. Il semblerait qu'un tel livre était attendu, voire espéré. Petit rappel : selon les derniers chiffres de l'Organisation mondiale de la santé, une personne sur cinq souffrira dans sa vie d'un problème psychiatrique. Il n'est donc pas question de guerre, de rationalisation, de coût, de chasse aux sorcières des tenants du freudisme et du lacanisme mais de souffrance qu'il faut appréhender et soigner. Parmi les 23 000 premiers lecteurs du Livre noir (il y en aura beaucoup d'autres, que certains le veuillent ou non), il se trouve beaucoup de déçus par une psychanalyse qui les a égarés pendant des années.
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"Les rendez-vous ratés de la psychanalyse" Miguel
Benasayag dans Témoignage chrétien
Violemment attaquée de toutes parts, la psychanalyse n’est pas exempte de reproches.
Miguel Benasayag demande plus d’ouverture.
Un Livre noir de la psychanalyse, un rapport de l’Inserm qui préconise une méfiance envers les thérapies analytiques, des journaux qui se demandent s’il faut en finir avec la psychanalyse, des controverses médiatiques : une nouvelle fois, la psychanalyse se retrouve au cœur du débat. Mais il faudrait en préciser l’enjeu. Assiste-t-on à un nouvel épisode du conflit entre méchants positivistes et gentils psychanalystes ? Doit-on s’habituer, depuis que Freud a apporté
" la peste aux États-Unis", d’après ses paroles, à voir les anticorps disciplinaires s’activer régulièrement ? Là n’est pas le cœur du problème. Il se trouve au sein même de la psychanalyse, dans son incapacité à se remettre en question depuis une quinzaine d’années, prêtant ainsi le flanc à toutes sortes de critiques. Le danger n’est pas à l’extérieur, mais à l’intérieur.
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l'article "Lettre ouverte de François Sauvagnat
(professeur, Université de Rennes, psychopathologie)
à Mme Ursula Gauthier à propos de son article du Nouvel Observateur :
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"Un livre événement relance la guerre entre pro et anti. Faut-il en finir avec la
psychanalyse?".
N° 2130 p 10-12.
Madame,
Votre article paru dans le dernier numéro du Nouvel Observateur contient un certain nombre d'assertions pour le moins fantaisistes, qui surprennent quelque peu dans une publication de cette tenue. Il est anormal qu'une journaliste ne s'informe pas minimalement sur le sujet qu'elle souhaite traiter. Je vous prie donc de prendre connaissance des points suivants :
1) Frederick Crews que vous qualifiez de façon discutable de "grand professeur de Berkeley" est un enseignant en littérature, spécialiste de Hawthorne (Crews F, 1989), au départ surtout connu pour avoir promu une lecture freudienne de cet auteur. Dans les années 90, à l'âge de la retraite, il a pris parti dans le débat sur l'épidémie de "personnalités multiples" qui avait envahi les USA entre 1970 et 1994 (date à laquelle un coup d'arrêt y a été mis, spécialement grâce à l'action de magistrats et d'une anthropologue élève de G Devereux). Cette épidémie avait été essentiellement alimentée, comme on le sait maintenant, par des hypnothérapeutes et des cognitivistes qui ont promu ce syndrome (Sauvagnat F. 2001). Au mépris du bon sens, Crews a accusé les psychanalystes (à commencer par Freud, pourtant décédé depuis plusieurs décennies) d'être responsables de cet état de fait, et a récidivé par la suite en une série de publications tenant davantage de la chasse aux sorcières que d'un travail scientifique sérieux. Il n'a personnellement aucune compétence dans le domaine de la psychologie ni de la psychiatrie.
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à propos de "l'homoparentalité"
Dr Jean-Paul Matot
Directeur du Service de Santé mentale à l'Université libre de Bruxelles
L'adoption «homosexuelle », ou l’enfant L'Oréal et la grenadine
Pour information, un article intéressant paru dans le journal "Le Soir" du 24 juin 2005.
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Le débat sur l' « homoparentalité » et l'adoption par des couples homosexuels pose des questions importantes à trois niveaux au moins.
Le premier niveau est celui des enfants directement concernés par la question de l'adoption.
Deux cas de figure méritent d'être distingués :
- soit il s'agit de l'enfant d'un couple de femmes, dont l'une l'a conçu, soit avec un « géniteur » de son choix, soit, le plus souvent maintenant, par procréation médicalement assistée (PMA). Dans cette situation où l'enfant vit déjà avec un couple de femmes comme seuls parents, et où sa tâche est de s'y adapter, une reconnaissance et une garantie sociale de son statut, que ce soit par adoption ou par une formule juridique équivalente, sécurise la situation de l'enfant et à ce titre semble favorable à sa santé psychique ; reste à questionner la légitimité, tant par rapport à l'enfant que sur le plan des conséquences sur l'organisation sociale, de cette application des PMA en dehors d'un problème de stérilité de couple ;
– soit il s'agit de « donner » un enfant à un couple homosexuel : l'expérience montre que l'adoption n'est pas chose facile, ni pour les parents, ni pour l'enfant. De ce point de vue, la légalisation, effective, de l'adoption par des personnes seules, est déjà très discutable. Pour l'enfant, le statut d'adopté et la réalité d' àvoir auparavant été abandonné sont souvent associés à un sentiment, douloureux et difficile à admettre, d'être différent, de ne pas être « comme tout le monde », de ne pas « avoir des parents comme tout le monde ». Alors pourquoi faudrait-il que la société complique la vie à cet enfant déjà éprouvé en le mettant dans la situation d'avoir en outre à assumer la « différence » de ses parents d'adoption ?
L'enfant dans cette perspective « sert » à deux choses :
– à l'accomplissement personnel de l'adulte dans ses désirs de parentalité ;
– à la reconnaissance sociale d'une égalité de valeur et de statut supposée annuler la réalité des différences entre couples homo et hétérosexuels.
Il n'est pas question ici de la défense des droits de l'enfant, mais bien des besoins des adultes dont l' enfant est l'enjeu.
Ceci nous amène au second niveau, qui est celui des effets indirects, au niveau des évolutions sociales, des changements des représentations de la place de l'enfant.
La revendication d'une égalité de droit des couples homosexuels à la parentalité, que ce soit par le biais du droit à l'adoption ou par la revendication du droit aux PMA, n'est en effet que la partie émergente d'une question que nous ne pourrons plus éluder très longtemps : celle de la fonction et de la place de l'enfant dans notre société.
Le grand mérite du débat sur l'adoption homosexuelle et de celui, qui se profile, sur la définition d'un cadre légal pour les procréations médicalement assistées, est d'ouvrir une réflexion sur les valeurs et les repères que notre société entend transmettre. On peut regretter de ce point de vue que les « communautés » homosexuelles apparaissent comme les trublions d'un ordre établi, alors que leur démarche ne fait que pousser jusqu'au bout une logique qui est à l'oeuvre dans l'ensemble de nos démocraties occidentales.
Nous vivons dans une société où l'idéal gestionnaire exerce sur l'individu, devenu " incertain " une pression sans cesse croissante : la valeur d'un homme ou d'une femme s'établit selon des critères d'efficacité, de rendement, d'image. L'échec ou meme une performance moyenne deviennent des menaces pour le sentiment d'exister. Il est donc essentiel pour l'individu « post-moderne » d'éviter toute frustration, toute déception, tout renoncement, en un mot éviter tout travail de deuil de la toute-puissance. Cette survalorisation de la réalisation personnelle au détriment du collectif, de l'intérêt général, diminue d'autant le consensus social sur les règles régissant la sociabilité.
Cet impératif d'épanouissement personnel à tout prix a pour corollaire le fait que le couple se fait et se défait en fonction du désir et de ses aléas, et que les critères d'utilité ou de reconnaissance sociale perdent de leur valeur stabilisatrice. A la place, c'est aujourd'hui le fait d'avoir un enfant, d'être parent, qui désormais assure un statut et de ce point de vue fonde la famille. Nous sommes entrés dans l'ère de l'enfant « pour soi», de l'enfant comme agent d'une reconnaissance, d'un statut social. Cet enfant-là est fortement investi comme objet narcissique de substitution, ce que j'appelle « l'enfant L'Oréal » : un enfant, parce que je le vaux bien.
La conséquence en est la position de « l'enfant roi », auquel on ne peut rien refuser, qu'il ne faut surtout pas frustrer, avec qui il ne faut pas entrer en conflit. On n'a pas la force de lui dire « non », et ce d'autant plus que ce « non » peut beaucoup moins qu'auparavant s'appuyer sur des règles et des traditions éducatives établies.
Les manifestations de cette primauté donnée à la satisfaction des désirs sur l'intériorisation de valeurs partagées, apparaissent chez ces enfants de deux-trois ans qui tyrannisent leurs parents et leurs institutrices, ou, chez les adolescents, dans ces décrochages scolaires de plus en plus nombreux, ainsi que dans la multiplication de ce que les psychiatres identifient comme « pathologies de l'agir » : toxicomanies, anorexies-boulimies, jeu pathologique, conduites délinquantes ...
Ces « nouveaux jeunes » risquent de se trouver en grande difficulté dans leur insertion sociale, avec un effet de dualisation de plus en plus marqué, où les familles qui ont les moyens – matériels et culturels – seront aussi celles qui pourront rendre compatible, non sans mal, l'omnipotence narcissique de leurs rejetons et les exigences de la réalité.
Le troisième niveau de questionnement concerne la place de la médecine dans ces évolutions sociales.
Par leur formation, médecins et psychologues sont portés à reconnaître et à traiter la souffrance individuelle, et non à s'interroger sur les dimensions sociales de l'exercice de leur art ; cela amène les gynécologues et leurs équipes à opérer un glissement du traitement des infertilités au soulagement des souffrances bien réelles que vivent les hommes et les femmes qui, assumant leur homosexualité, ne peuvent accéder à la parentalité, en faisant l'impasse sur les effets culturels des bouleversements symboliques qu'induit un tel glissement.
Les développements technologiques, dont on sait qu'ils précèdent désormais les évolutions culturelles - ce qui soit dit en passant pose un problème de fond à nos sociétés – mettent désormais les médecins dans un position de magiciens tout-puissants.
Suivant en cela les principe de la médecine expérimentale, ils s'efforcent d'évaluer leur travail en s'appuyant sur des études qui, pour certaines, concluent qu'il n'y aurait pas de différences entre le développement psychologique d'enfants élevés par des couples homo ou hétérosexuels. Au-delà de réserves méthodologiques qui n'ont pas leur place ici, deux remarques s'imposent : premièrement, ces études ne peuvent rien nous dire des effets sur la structure sociale de ces changements des modèles parentalité ; deuxièmement, il n'est pas besoin de faire des études savantes pour savoir que ce n'est pas la même chose pour un enfant d'avoir un couple parental de sexe différent ou de même sexe. La seule démarche pertinente et véritablement scientifique est de s'efforcer d'identifier en quoi ce n'est pas la même chose, et dans quelle mesure ce « pas la même chose » pose ou non un problème du point de vue du développement de l'enfant. Pour parvenir à différencier le sirop de menthe et de grenadine, il vaut mieux s'intéresser à leur goût qu'à leur teneur en sucre ou en conservateurs ...
Info transmise par
E m m a n u e l K o d e c k
Site Universitaire de l'UCL
10, avenue des Mespeliers
1348 Louvain-La-Neuve
Belgique
Membre PETALES
http://www.petales.org
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à propos des "Traumatismes"
Dr Jean-Fred Warlin à propos des Traumatismes
Les victimes des bombes humaines ne sont pas tout à fait comme les autres !
Les terroristes qui se font sauter au milieu d’un groupe de militaires ou de civils sont responsables de désastres humains, de terreur et de chaos. Les services israéliens, hélas très expérimentés, ont constaté que ces catastrophes collectives ont une spécificité qui les distingue des autres traumatismes.
Une étude, rétrospective, a comparé 906 victimes du terrorisme à 55033 blessés conventionnels observés durant la même période (2000-2003). Les malades décédés d’emblée et les blessés légers ayant pu quitter l’hôpital le jour même ont été exclus de l’analyse.
Les victimes du terrorisme sont en général plus jeunes, la moitié ayant entre 15 et 30 ans (vs 22 % pour les « blessés conventionnels »). Si on classe les degrés de sévérité des blessures en 4 catégories, on remarque que 29 % des victimes du terrorisme se situent dans les scores les plus sévères (>16) alors que ce n’est le cas que de 10 % des blessés conventionnels. De même, un score de Glasgow <5, qui signe une atteinte sévère des fonctions cognitives, a été noté 4 fois plus souvent chez les victimes d’attentats que pour des blessés conventionnels et l’instabilité hémodynamique est 2 fois plus fréquente dans ces conditions.
Les polytraumatismes sont aussi bien plus habituels, avec 3 ou 4 régions (thorax, crâne, membres, abdomen) touchées dans respectivement 18 et 11 % des cas, cette proportion n’étant que de 5 et 1,5% chez les blessés conventionnels. Un geste opératoire immédiat s’est révélé indispensable (neurochirurgie, chirurgie abdominale, vasculaire, thoracique) 4 à 5 fois plus souvent qu’en cas de blessures conventionnelles ; seule la chirurgie purement orthopédique a été plus souvent pratiquée dans cette dernière situation.
Quant à la mortalité, tant immédiate (dans les 24 h) que retardée (au cours du séjour), elle a été infiniment plus lourde pour les victimes du terrorisme (56 et 6 % vs 34 et 2 %).
La fréquence d’hospitalisation en soins intensifs et la durée de séjour étaient majorées chez les victimes du terrorisme, quel que soit le niveau de sévérité des blessures, mais surtout dans les cas les plus graves, de même que le transfert en centres de rééducation spécialisée.
La combinaison de divers mécanismes (souffle de l’explosion, projectiles lors des explosions, chocs contre des obstacles fixes, brûlures, produits toxiques) entraîne des polytraumatismes avec des lésions plus complexes et des suites plus difficiles. La seule parade consiste en un état d’alerte permanent des services aptes à recevoir ce type de blessés et en une préparation technique et psychologique des équipes médicales pluridisciplinaires qui doivent être, au sens propre, toujours sur le pied de guerre.
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à propos du prochain Carrefour "Perversions"
Mme Denise P. à propos du Carrefour "Perversions"
Appel à vos réflexions et à vos textes à propos des Perversions:
La perversion : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie !
Pas du
tout ?
" C'est l'œil de l'analyste qui observe et en conséquence crée
les critères qui définissent ce qui est et ce qui n'est pas pervers dans la
sexualité humaine et dans la vie quotidienne " Joyce McDougall (1)
"
Or nul, dit à peu près Freud, ne conduira ses analysés plus loin qu'il n'a développé
lui-même la capacité de se mettre en question. " Joyce McDougall (2)
PAS
DU TOUT ?
Qui n'a pas un jour entendu un collègue parler sans trop de
pudeur de son versant dépressif, de ses " coquetteries "
narcissiques, voire de son noyau psychotique ? Par ailleurs, la
perversion, ne serait-ce que le mot, éveille un mouvement spontané de
projection massive comme s'il contenait à lui seul toute la laideur du monde
dont il faudrait à tout prix se dissocier : le pervers, c'est l'autre !
Et pourtant... si nous ne reconnaissons pas en nous les traces forcément présentes
de l'enfant pervers polymorphe, comment prétendre exercer une profession dont
les structures théoriques reposent essentiellement sur les vicissitudes de la
sexualité infantile de nos patients, de leur thérapeute-psychanalyste
et... des autres. Ce n'est pas parce qu'on n'en parle pas qu'on ne le reconnaît
pas, direz-vous. Oui mais... comment comprendre la rareté des textes portant
sur le contre-transfert suscité par les patients pervers "
structurellement " ou " occasionnellement " ? S'il est plutôt
facile de trouver des descriptions exhaustives de la symptomatologie
perverse chez les patients, on ne peut en dire autant de son vis-à-vis
indispensable pour une réflexion psychanalytique, c'est-à-dire, la réaction
de l'analyste. Pensons à ces patients qui décrivent leurs activités
sado-masochistes sans économie de détails, à ceux qui révèlent leurs
pratiques pédophiliques longtemps après que la relation thérapeutique soit établie,
à ceux qui se masturbent ouvertement pendant les séances...
Nous sollicitons votre collaboration afin de permettre une réflexion
sur les mouvements psychiques induits chez le thérapeute en de telles
circonstances ainsi que sur les conséquences de la méconnaissance de tels
mouvements contre-transférentiels quand le thérapeute est pris d'assaut par le
sexuel de l'autre, un sexuel parfois brutal, sans pudeur, qui vous en met plein
la vue, plein la tête, tellement trop plein qu'il vous faut faire le vide.
Mais encore ? Et après ? ...C'est ce que vos textes permettront à nos lecteurs
d'explorer.
UN
PEU...
La perversion rencontrée dans nos bureaux n'est pas toujours aussi éclatante.
Ajoutons qu'il est extrêmement rare qu'une personne mentionne comme motif de
consultation une perversion. Par contre, il arrive assez souvent qu'après
un premier entretien on ressente un malaise sans trop pouvoir en cerner la
cause. En repensant à l'entrevue, des indices permettent de saisir différents
moments où un mouvement intérieur désagréable s'est fait sentir
: un regard trop insistant, une emprise qui tente de s'exercer par
tous les moyens...Trop souvent ces personnes qui fonctionnent sur un mode
relationnel à " saveur " perverse, nous amènent sur un terrain où
ils sont maîtres et... nous font perdre pied. Nous nous entendons dire,
nous nous voyons faire des choses qui ne font pas partie de notre répertoire
habituel. Puis, nous nous demandons : qu'est-ce qui s'est passé ?
A quel jeu avons-nous participé ? Une seule chose est sûre : nous éprouvons
le sentiment d'avoir été l'objet (le jouet ?) de cette personne venue, en
principe chercher notre aide ...mais notre aide pour faire quoi ?
Ne serions-nous pas tentés de penser spontanément : pas question que je
me laisse prendre la prochaine fois, faudra que je sois sur mes gardes, cette
fois, il (elle) ne m'aura pas ! Ne reconnaît-on pas là la marque défensive
contre le besoin du pervers de posséder l'autre, de jouir de l'autre ? Le
contre-transfert sous l'égide du désir comporte bien ses dangers, mais avouons
qu'il comporte aussi, contrairement à ce dont il est ici question, son lot de
gratifications. Alors, comment se " laisser prendre
" suffisamment par ces personnes pour pouvoir travailler avec elles sans
devenir réellement et uniquement leur objet de plaisir, comment se sentir
suffisamment captivé sans devenir totalement captif ? Comment permettre l'élaboration
d'un lien à l'autre non pas comme objet à maîtriser mais comme
sujet désirant, ce qu'ils ne peuvent eux-mêmes penser être ?
BEAUCOUP
Quand il s'avère que l'unique but consciemment recherché par le
patient est l'excitation sexuelle, la sienne et/ou celle du thérapeute,
on peut pendant un certain temps se sentir complètement dépossédé du plaisir
de travailler. Pensons à l'inlassable discours explicitement sexuel de ces
patients qui nous disent à leur façon : " si je
ne jouis pas ou je ne vous fais pas jouir, ça n'a aucun sens pour moi de venir
ici ". Après un très long travail, l'un d'eux dira, en sanglotant :
" mon analyse n'est plus une partie de plaisir excitante comme avant
; je pensais que je mourrais si je renonçais à l'excitation, alors que
maintenant c'est votre présence tranquille qui m'est devenue précieuse et que
je crains de perdre ".
Avoir suffisamment peur en écoutant le récit des sévices qu'ils rêvent
de nous faire subir, cesser d'avoir peur et " devenir " suffisamment
masochiste pour que s'épuise leur besoin de maîtriser l'autre en même
temps que s'élabore, à leur insu (à notre insu ?) un attachement d'un autre
ordre à une personne excitante et excitable, mais pas uniquement, ni uniquement
de cette façon. Qu'en est-il de vos expéditions, consentantes ou pas, ou
presque, dans le monde de la perversion de l'autre. De l'autre ?
Auriez-vous constaté, comme le soulignent certains auteurs, qu'une intense
angoisse de séparation installée dans la toute première relation à la mère
donnerait sa force et sa ténacité à une angoisse subséquente,
l'angoisse de castration, plus typiquement associée à la perversion ?
Comment faire en sorte qu'un travail puisse s'inscrire dans un cadre qui aura
forcément un effet de castration chez des patients dont toute la vie psychique
est commandée par le déni de la castration ? Comment maintenir le cadre
sans se laisser emporter par des mouvements contre-transférentiels aussi
violents que les attaques que ces patients voudront diriger contre ce cadre,
attaques empreintes de la jouissance transgressive qui caractérise leur mode de
relation à l'autre ?
PASSIONNEMENT
Quand l'irrésistible penchant a besoin de l'autre, de l'autre comme
objet pour jouir, il peut prendre la forme de ces clubs de rencontres entre
adultes consentants où la violence se met au service de la sexualité. Le
fétiche se fait scénario immuable, répétitif, antidote à l'angoisse. Il est
rare que nous retrouvions dans nos bureaux les adeptes de telles pratiques à
moins que la jouissance ne vienne à faire défaut. Et encore... ils préciseront
qu'ils ne veulent absolument pas que nous touchions à cet aspect de
leur vie sinon pour retrouver l'excitation perdue. Mission impossible ? ...La même
demande, plus fréquente celle-là : les homosexuels qui consultent pour divers
problèmes et qui nous intiment de ne pas toucher à leur
orientation sexuelle... Ils se sont aussi tournés vers un autre, mais un
" autre-même" essentiel à leur équilibre, à une illusoire complétude.
Dès le premier entretien, une patiente homosexuelle demande au thérapeute
s'il pense, comme Freud, que l'homosexualité est une perversion et, le cas échéant
affirme qu'elle partira immédiatement. Ainsi projetés au banc des accusés,
sollicités par le juge à enregistrer un plaidoyer de culpabilité ou de
non-culpabilité, comment réagir sans s'enfermer (enfermer l'autre) dans des
considérations théoriques sans lien aucun avec l'angoisse sous-jacente à
l'ultimatum lancé sur ce terrain, sans non plus se défiler complètement en
renvoyant la balle dans le camp de l'autre, prétextant que notre avis sur
la question est sans importance pour le travail à faire ? Certains
auteurs déclarent toutes les homosexualités perverses, d'autres plaident
en faveur d'une " normalité homosexuelle ". Qu'en est-il de la
clinique avec ces patients qui demandent qu'on ignore l'essentiel de ce qui
constitue leur personnalité ?
La passion peut aussi se tourner vers soi quand le corps devient fétiche
à travers la masturbation compulsive accompagnée ou pas de blessures infligées
à la peau, à l'intérieur du corps. Le " piercing " serait-il une
facette moderne de la compulsion à se faire mal pour se faire
jouir ? N'y aurait-il pas un rapprochement à faire entre les pratiques
masochistes extrêmes et les dits " sports extrêmes " qui trouvent de
plus en plus d'adeptes chez les jeunes en quête d'une excitation toujours
plus grande ? A quel moment ces pratiques peuvent-elles être qualifiées de
perverses ? Rappelons ici la pensée de Joyce McDougall citée en début
de texte. Et, qu'en est-il du pervers affectif, dont parle Christian David
(3), celui dont le plaisir sexuel " en vase clos" ne nécessite en
aucun temps la présence réelle de l'autre ? Les mouvements intérieurs, les
fantaisies sont alors investis comme le serait le fétiche. Les adeptes
compulsifs du " chatting " qui s'excitent avec des partenaires
virtuels ne se rapprochent-ils pas de cette catégorie de pervers quand ils ne
souhaitent en aucun temps rencontrer ces partenaires qui ont aussi
statut de fétiche puisqu'ils n'existent qu'en fonction de leur excitation? Dans
nos bureaux, ces patients nous traiteront aussi comme des êtres virtuels au
service de leurs fantaisies uniquement. La moindre dérogation à leurs scénarios
( une absence imprévue, un retard, une intervention inattendue, etc.)
provoquera de fortes protestations, nous privant ainsi du droit à une existence
propre. N'est-ce pas justement là le drame qui les a menés où ils
sont enfermés ? Comment exister tout de même, comment favoriser un
travail qui permettra la rencontre avec l'autre ? Filigrane vous
invite à faire profiter ses lecteurs de vos expériences, des embûches
rencontrées, surmontées ...ou non, des idées nouvelles qui ont surgi
lors de la rencontre avec cet autre qui ne voulait rien savoir de vous...
A
LA FOLIE
Si le fétiche tient lieu de composante constitutionnelle de la
perversion, la diversité observée dans le sort qui lui est réservé,
selon les individus, nous force à reconsidérer l'angoisse qu'il vise à
contrer. L'angoisse de castration, généralement associée à la perversion,
peut-elle à elle seule générer des comportements comme la torture,
l'agression sexuelle d'enfants par des pédophiles qui iront trop souvent jusqu'à
tuer leur petite victime ? Ne s'agirait-il pas, dans de tels cas, comme le
soutiennent plusieurs auteurs, d'une défense contre la psychose ? En parlant
des pédophiles, André Green dira : "[...] si l'idée que la
perversion pourrait être une défense contre la psychose est soutenable, c'est
bien ici qu'on s'en rapproche le plus" (4). A moins de travailler en
institution carcérale ou psychiatrique, il est pratiquement impossible de
rencontrer ces personnes et d'améliorer nos connaissances sur les méandres
tumultueux qui les ont menées là où elles sont. Nous apprécierons
grandement la contribution de ceux qui seraient en mesure de faire part
des réactions contre-transférentielles permettant de saisir la nature des
mouvements psychiques de ces patients. Par ailleurs, les pédophiles
ne seraient peut-être pas les seuls pervers à tenter d'échapper à une
angoisse psychotique. Malgré une façade sexuelle, certains patients ne nous
font-ils pas sentir que l'enjeu de leur discours presqu'exclusivement sexuel en
est un de vie ou de mort, d'existence ou de néant, et non pas de plaisir
sexuel, sinon un plaisir qui sert à les garder en vie? Que penser par exemple
de ces patients qui s'accrochent littéralement à leur corps (par la
masturbation ou des rapports sexuels compulsifs) pendant l'absence de leur thérapeute
? Peut-on y voir un moyen ultime de rester psychiquement en vie ?
Nous n'avons certes pas soulevé toutes les questions concernant la
perversion. Pensons seulement à la " perversion au féminin", à ce
qui la distingue et/ou en fait un concept peut-être encore plus tabou que la
" perversion au masculin". Certains auteurs vont jusqu'à nier son
existence ! Un autre volet, non moins intéressant : le lien entre perversion et
réaction thérapeutique négative mais interminable, tout autant interminable
que l'analyse dans laquelle elle s'inscrit. Peut-on parler de perversion de
transfert, comme forme clinique de la perversion affective ? Que dire des
contre-transferts pervers, pervertis... du danger par exemple d'entretenir avec
la théorie psychanalytique, avec le cadre qu'elle propose, une relation fétichiste...
Sans compter toutes les questions que vous vous posez et auxquelles nous
n'aurions pas pensé ! Nous réitérons donc l' invitation à nous faire
parvenir les textes que vous auront inspirés vos patients, à partir de ce que
vous aurez ressenti, pensé, élaboré, autour de la perversion quand elle se
sera manifestée, un peu, beaucoup, passionnément...à la folie.
_________________
Bibliographie
de référence
(1)
McDougall, J., 1996, Éros aux mille visages, Gallimard, Paris.
(2)
McDougall, J., 1978, Plaidoyer pour une certaine anormalité, Gallimard, Paris
(3)
David, C., 1992, La bisexualité psychique, Payot, Paris
(4)
Green, A., 1997, Les chaînes d'Éros, Odile Jacob, Paris
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à propos du dernier Carrefour "Dépendances"
Notre amie Malou des Mers du Sud (voir dans Forum Passions) pour
le Carrefour "Dépendances"
a bien voulu se charger de la difficile retranscription des conférences de ce
dernier Carrefour
Nous lui en sommes très sincèrement reconnaissants car les Actes de ce
Carrefour Dépendances
pourront être édités bientôt grâce à sa patience et sa compétence
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à propos de la rencontre "Toxicomanie"
Mme Eliane G. . (à propos des familles d'accueil d'ex toxicomanes)
"Cuisine et dépendances, ou comment goûtez vous l'Elixir de Jouissance ?" avec Kalou ESTRELLA
Je tiens à vous redire combien j'ai été touchée par la
rencontre avec Kalou et les familles d'accueil pour d'anciens toxicomanes;
ce fut pour moi un vrai bonheur de côtoyer des personnes d'une telle générosité,
remplies d'un si chaleureux respect
pour l'être humain , rayonnant d' un tel sens de la Vie.
Dites, si vous avez l'occasion à Kalou qu'elle a un
superbe nom de famille 'ESTRELLA' qui traduit bien son rayonnement et la lumière
qu'elle transmet aux autres.
Merci à vous , Jacques et Joyce AÏN , de tout ce que vous
nous permettez d'approcher et de découvrir.
Il est évident que je vous 'autorise'
à mettre mon message sur le forum; je regrette seulement de ne pas avoir su vous
développer plus tout mon ressenti mais l'essentiel y est !!!
Je viens souvent sur votre site et j'apprécie énormément
son évolution: plus de conférences en ligne; plus d'interviews; une mise en
forme de plus en plus claire...
mais quel travail pour vous !
encore merci pour nous tous qui en bénéficions.
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à propos des "Difficultés de l'adoption"
Mme Danièle D. (à propos des difficultés de l'adoption) ayant adopté une fratrie depuis 1996, l'aînée des enfants souffre des problèmes de l'attachement. Elle a tenté à plusieurs reprises de détruire sa famille et tout particulièrement, moi sa mère.
Ma fille est aidée par des psys formidables, bien au courant de la problématique des "enfants passoires".
Ceci ne remet en rien en question mon enthousiasme pour l'adoption. Il faut accompagner les enfants adoptés et ne pas laisser s'ancrer ce problème qui débouche sur de la perversité. Il faut être conscient qu'adopter, c'est amener, au sein de sa famille, un enfant malade.
Le problème réside dans les intervenants :
1. La famille et les amis ne font qu'aggraver la situation,
2. La justice, s'acharne parfois sur des pauvres parents adoptifs en les accusant de maltraiter leurs enfants.
3. Les procédures d'adoption, en Belgique, amenées par la Ministre MARECHAL sont inadaptées à la problématique réelle. Les délais de l'adoption sont trop longs et font que les perturbations des enfants, en attente d'aller dans leur nouvelle famille, s'amplifient au point de devenir de réels troubles difficiles à soigner.
4. Les juges de la jeunesse sont souvent incompétents de par leur ignorance des maladies psychologiques des enfants qui ont été abandonnés.
5. Enfin, les soi-disant organismes agréés, qui vous demandent beaucoup d'argent, préparent très mal l'enfant pendant son séjour à l'orphelinat.
Personnellement, j'ai fait la triste expérience de voir me refuser, par l'organisme qui avait réalisé l'adoption de la fratrie, une nouvelle adoption. Ils m'ont fait grief de la maladie de ma fille. Je n'en suis pas responsable. Adopter à nouveau, quand on a un enfant malade, ne remet pas en cause l'avenir du nouvel enfant que je désirais aimer. Cet organisme a privé cet enfant inconnu du droit de venir vivre dans une famille aimante.
L'adoption réglementée comme on la vit en Belgique, est une affaire d'argent. Qui est la victime de cette société aux règles inappropriées ? L'enfant qui a déjà été abandonné une fois et qui croit dans un orphelinat lointain.
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à propos des "Troubles de l'attachement"
Monsieur M. K. à Joyce AÏN à propos des "Troubles de l'attachement" (le thème des réflexions de cette année "Dépendances" aborde cette problématique)
Par ce courriel, je voudrais attirer votre attention et vous informer sur une problématique peu connue : les troubles de l'attachement que présentent certains enfants et adolescents adoptés.
Voici notre histoire, notre témoignage.
Cinq années après mon mariage, j'apprenais que j'étais stérile à 90% et que ma femme l'était à 80%. Dès le départ, ma femme et moi avons immédiatement renoncé aux "essais" médicaux. Nous n'avions pas envie d'être tous les deux des cobayes pour les médecins. Dès lors, conséquence logique, nous nous sommes tournés vers l'adoption internationale. Car, adopter un bébé en Belgique, c'est quasiment impossible ... longue liste d'attente.
Avec plein de foi et d'obstination, j'ai donc foncé dans ce projet d'adoption (au départ, ma femme était un peu réticente, mais je ne voulais rien entendre).
Après une "grossesse administrative" longue de 10 mois, gonflé à bloc et plein d'enthousiasme, je suis parti au Sri Lanka chercher ma fille (un bébé de 2 mois et demi). Un mois après, nous étions de retour en Belgique.
Une nouvelle vie passionnante commençait à trois ... 20 ans après.
J'ai 56 ans et depuis fin février de cette année, ma fille Lucie a 18 ans. Mon fils Sylvain, également originaire du Sri Lanka, a 14 ans. Ma femme et moi avons été le chercher lorsqu'il avait 1 an et demi.
Pour Lucie, de sérieux problèmes de comportement commencèrent à partir de 12-13 ans. Mais, à ce moment-là, ma femme et moi étions dans l'ignorance. Nous ne connaissions pas ce que l'on nomme maintenant les "troubles de l'attachement". Les anglo-saxons appellent cela "Reactive Attachment Disorder". Peu m'importe la dénomination, le problème est réel.
Ce n'est qu'à la lecture, en novembre 2000, de l'article "L'Enfant Passoire" paru dans un magazine belge "Le Vif-L'Express", que s'opèrent en nous un déclic. Nous constatons alors que nous ne sommes pas seuls dans cette galère et à vivre cette problématique. Notre culpabilité tombe.
Des parents adoptifs se sont alors regroupés et ont créés deux associations : une néerlandophone et une francophone.
Des sites web ont réalisés par ces deux associations : http://www.wat-nu.org/ et http://www.petales.org .
Je vous passe toutes les histoires complexes, les faits graves en rapport avec ma fille (un labyrinthe d'évènements). Cela ne me rapporte rien de vous le raconter et de retourner dans le passé. Ces faits auront des conséquences importantes pour elle et ... pour nous aussi.
Jusqu'à présent pour Sylvain, cela se passe plutôt bien : il semble bien dans sa peau et équilibré. Mais, l'adolescence approche ... Touchons du bois !
Depuis ces 5 dernières années, notre attitude face à l'adoption a évolué. Et, nous avons sérieusement remis en question le principe même de cet acte. C'est un virage à 180°.
Il y a trop de souffrance des deux côtés (enfants adoptés et parents adoptifs). Ce sont des blessures profondes qui laissent des cicatrices.
30% d'enfants issus de l'adoption qui sont "très mal dans leur peau" et qui deviennent ensuite de jeunes adultes vivant en marge de notre société, c'est trop !
Il est plutôt laborieux de faire reconnaître ce désordre de la personnalité et d'en obtenir un vrai diagnostic, donc difficile aussi d'obtenir les services et ressources appropriées pour ces enfants. Passons aussi le soutien aux parents adoptifs et à la famille. Aucun support post-adoption relatif à cette problématique n'est prévu par les organismes d'adoption.
Peu de professionnels et d'intervenants sont intéressés et formés par cette problématique. Être bien écouté, compris et soutenu, c'est être déterminé aussi à trouver les bonnes personnes dans les différents milieux publics, scolaire, service de l'aide sociale et aide à la jeunesse, clinique en pédopsychiatrie, etc.
Il serait grand temps que le monde des "psy" - ainsi que les organismes d'adoption et les institutions d'aides à la jeunesse - reconnaissent enfin l'existence de ces troubles de l'attachement .
Il serait temps aussi que tous ces acteurs proposent très tôt une aide (tant pour ces enfants et leurs parents), un suivi et une thérapie pour les enfants et les adolescents les plus fragiles.
A ma connaissance et après recherche, il n'y a encore aucune thérapie réellement efficace pour les aider !
Il y a peu, un professeur de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent de l'Université Catholique de Louvain, une référence en Belgique francophone, me répondait ceci :"Je suis convaincu que les chemins de l'adoption sont parfois très éprouvants. Les dénominations auxquelles vous faites références sont la façon moderne de dénommer la carence affective précoce que nous connaissons bien. Je ne suis pas sûr qu'existent des thérapies spécifiques pour soulager la problématique des enfants et de la souffrance morale des parents. Un des problèmes est et restera encore longtemps d'accepter intérieurement de se mettre en route vers le psychothérapeute qui apparaît souvent à tort comme un constat d'échec, un mêle-tout ou une menace et qui, ne connaissant pas toujours bien son métier, culpabilise indûment les parents."
Une blessure primitive.
Pour tenter de comprendre toute la problématique des troubles de l'attachement, il est utile de lire le livre "The Primal Wound" (La Blessure Primitive) écrit par Nancy Verrier. Elle essaie d'expliquer ce que peuvent ressentir les enfants adoptés mais aussi les mères de naissance et les mères adoptives.
Nancy Verrier, qui est une maman adoptive et une maman biologique, est aussi thérapeute et a fait un énorme travail autour de l'adoption depuis plus de dix ans. Elle a cherché à rencontrer des enfants adoptés devenus adultes, des mères de naissance, qu'elles aient ou non rencontré depuis l'enfant qu'elles avaient confié en adoption, et des mères adoptives. Ce qu'elle raconte est interpellant et parfois bouleversant !
On peut se procurer le livre via le site : http://www.primalwound.com/home.cfm
Ce livre sera bientôt traduit en français et publié début 2004 par les éditions belges "De Boeck Université".
Voici une phrase interrogative et interpellante extraite de ce livre (que nous partageons) :
"Et si l'abus le plus grave qui puisse arriver à un enfant était de le retirer de sa mère ?"
En fonction de ce que ma femme et moi avons vécu, voici ce que je répondais à une maman sur un forum français.
Question : "Michel, 20 ans après, que dirais-tu à des parents qui envisagent d'adopter ? Allez-y ? Réfléchissez ? Laissez tomber ?"
Allez-y en réfléchissant bien mais en étant pas aveugle. Bien s'informer sur les risques possibles qui peuvent être énormes. Se poser toutes les questions sans les écarter.
Le couple doit très solide pour le meilleur et aussi ... pour le pire. Je peux comprendre que des couples fassent naufrage lorsque la tempête devient trop forte.Mais, quelque part dans un coin de ma tête, l'adoption me met mal à l'aise. 20 ans après, en tant que père adoptif, j'ai encore trop de questions essentielles sans réponse.
Pourquoi la mère de naissance de Lucie (ou de Sylvain) a t'elle abandonné son bébé ? Qu'est-ce qui l'a amené à se séparer de son enfant ? Comment a t'elle vécu cette naissance ? Quelle était son histoire à elle ? Que devient-elle maintenant ? Bien sûr, on peut "imaginer" des tas réponses pour se rassurer et se réconforter intellectuellement. Mais çà n'aide pas réellement. J'ai alors commencé concrètement des recherches (de la mère de naissance) pour ma fille (et pour moi aussi). Pour l'instant, celles-ci n'ont pas abouti. J'ai laissé ce projet en suspens. Car, ma fille - à l'heure actuelle - n'est pas réellement demandeuse de ce côté-là.
Je crains aussi que certains organismes d'adoption ne veulent pas reconnaître les "troubles de l'attachement" que certains enfants adoptés présentent. Je reprends à mon compte les propos pertinents d'une maman à ce sujet : "Il faut que les organismes d'adoption, notamment, le législateur et le politique, tout comme les professionnels, reconnaissent la réalité des TA, voire des "échecs" éventuels. Les TA sont un véritable handicap pour l'enfant et sa famille, il est temps qu'on le comprenne. Il ne faut pas oublier non plus que les TA sont sans doute perçus plus facilement par des parents adoptifs, car dans cette situation on ne peut nier la réalité d'une rupture de liens. Mais il faut rappeler que ces troubles touchent aussi de nombreux enfants biologiques, mais qu'il est sans doute plus difficile dans cette réalité là de remettre le lien en question... Ce que je déplore donc au niveau de l'adoption, c'est que les professionnels ou certains organismes ne prennent pas au sérieux les inquiétudes exprimées par les parents. Souvent la maman perçoit très tôt que quelque chose "cloche" dans la relation, le lien avec l'enfant, sans pouvoir mettre des mots sur les maux ! Et nous nous retrouvons renvoyés à "notre incompétence" ! A moins qu'il n'y ait pas de traitement psychologique efficace pour nos enfants.....? Que l'on ait alors le courage et la déontologie de le reconnaître et de nous le dire !!! L'adoption, oui, mais encadrée honnêtement et jusqu'au bout, privilégiant l'adoption d'enfants le plus jeunes possible, avec un suivi et une aide à long terme si nécessaire !"
Question : "Est-ce que les difficultés vécues avec ta fille sont vraiment bien pires que les difficultés habituelles vécues par un/une ado ?"
Pour des familles qui sont confrontées à cette problématique, ma réponse est clairement oui. Et, je peux vous dire que l'équilibre, la stabilité de la famille et du couple est mise à rude épreuve. Je pèse mes mots.
Question : "Qu'est-ce que tes enfants pensent de leur vie ?"
Il m'est difficile de répondre à la place de mes enfants. Ce n'est pas à moi de le faire. Pour Lucie, j'ai vraiment l'impression que nous vivons dans deux mondes différents. Elle plane, elle est déconnectée de la réalité et se marginalise mais "apparemment", cela lui convient.
J'ai plus d'atomes crochus avec mon fils. Mais, je ne sais pas ce que Sylvain "pense de sa vie". Il est bien intégré dans notre famille. Ces résultats scolaires sont bons, il me semble bien équilibré, bien dans sa peau. C'est le principal.
Question : "Comment sont les relations actuelles avec ta fille? "
Les 5 dernières années, les conflits surtout entre mère et fille étaient perpétuels (je n'entre pas dans les détails). Crises et parfois même agressions avec violence physique, toujours dirigé principalement sur ma femme. C'était devenu insoutenable.
"Chacun sa route
Chacun son chemin
Chacun son rêve
Chacun son destin ..."
(Chanson qu'elle fredonnait quand elle avait 15 ans.)
A 16 ans, Lucie réclamait déjà son autonomie. Conséquence logique, dès l'âge de sa majorité (18 ans), Lucie a rompu les contacts et nous a donc quittés. Elle ne loge plus chez nous et je crois que c'est mieux ainsi pour qu'une certaine paix revienne dans notre petite famille.
Lucie mène sa barque (ou plutôt ... se laisse dominer et embarquer par ses pulsions et ses diverses liaisons affectives ... ). Comme, je l'ai dit plus haut, je ne vais pas vous raconter son parcours compliqué. De plus, je ne me sens pas autorisé à dévoiler des faits graves qui la concernent.
Mais, c'est désormais "son histoire" et cela lui appartient. Nos contacts sont devenus rares et assez superficiels. C'est comme çà et je l'accepte.
Pour terminer, j'ajouterai que je n'oublie surtout pas les 70% d'enfants adoptés qui sont eux par contre très bien dans leur peau et semblent heureux ! Cela me donne chaud au cour d'entendre de belles histoires et m'aide ainsi à espérer un avenir meilleur pour mes enfants.
La résilience existe bien sûr, c'est ce qu'explique très bien Boris Cyrulnik, mais il reste trop d'adolescents et de jeunes adultes qui n'y arrivent pas.
Lire l'article intéressant " Le psy qui redonne espoir", paru dans le magazine L'Express du 16/01/2003.
http://www.lexpress.fr/express/info/sciences/dossier/pedopsychiatrie/Dossier.asp
Il est difficile d'expliquer et de faire comprendre - en quelques pages - les "troubles de l'attachement" à des familles "normales" où le roman familial se déroule ... relativement bien. Je dirais même qu'il faut - malheureusement - avoir vécu cette problématique pour en découvrir la réalité et en prendre conscience.
- Hélas, malgré toutes les explications sincères et sans cachotteries de leur histoire d'adopté, malgré tout l'amour qu'on leur donne - pour certains d'entre eux - cela ne suffit pas et ne les aident pas ! Curieusement, c'est presque l'effet inverse.
- Malgré toute l'attention, l'affection, notre présence, nos efforts et l'éducation que ma femme et moi avons prodigué à notre fille (qui a maintenant 18 ans), toute sa problématique reste entière !
Quid, quand les parents adoptifs ont tout essayé, fait appel à toutes les aides extérieures ?
- Educateurs, assistantes sociales, psychologues et thérapeutes divers
- Aide en milieu ouvert [AMO]
- Centre de Guidance de l'Université de Louvain-La-Neuve
- Service d'aide à la jeunesse [SAJ]
- Placement au Domaine de Beauplateau à Sainte-Ode
- Hospitalisation au Domaine (Unité des adolescents) à Braine l'Alleud
- Service de protection judiciaire [SPJ]
- Juge et Tribunal de la Jeunesse
- Placement en Institution Publique de Protection de la Jeunesse [IPPJ]
- ASBL Les Gentianes à Mons
A l'issue de ce parcours, finalement rien ne s'est arrangé, n'a été résolu, c'est la spirale de l'échec !
Je comparais alors ma fille à un "un voilier en perdition dont le gouvernail est cassé".
Que faire lorsque le bateau se révèle petit à petit sans voile ou sans gouvernail, que rien ou si peu n'a prise sur l'enfant, que cet être tant aimé, suivi, relancé, (ré)écouté, ne sait pas, ne veut pas, ne peut pas, ne répond pas, ne s'éveille pas et poursuit une plus ou moins rapide descente aux enfers, alors là le couple, la famille, les valeurs, les croyances les plus fortes en prennent un coup ...
Il y a des vécus qui marquent fortement chacun des membres d'une famille. Ces troubles de l'attachement déstructurent la famille et cassent les liens. Certains parents, après un tel vécu, deviennent plus fort. Pour ma part, c'e fut exactement le contraire. J'étais devenu plus vulnérable, plus fragile ! Pourtant, je croyais pourtant avoir une carapace solide !
Maintenant, écoutant ma voix intérieur, je tourne petit à petit la page et j'essaie de me recharger positivement.
Quoi qu'il arrive, rester serein, en espérant qu'un jour ou l'autre la situation de ma fille se stabilisera.Mais, je suis assez sceptique, cela prendra encore beaucoup de temps.
Je vous remercie de m'avoir lu.
Je vous autorise à communiquer ce courriel sur votre site.
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à propos du dernier Carrefour "Résonances"
Monsieur Charles M. à Joyce AÏN à propos du dernier Carrefour "Résonances"
Merci, Madame, de votre réponse, qui confirme ce que je pressentais de sain dans la démarche de votre association.
J'attends avec espoir que les interventions de votre prochain carrefour ouvrent sur l'influence des conflits personnels (dans la vie affective ou le travail) dans la naissance et/ou le développement des cancers.
J'attends également avec grand intérêt les pistes qui pourraient apparaître concernant le traitement des risques de maladies dégénératives, de carences en défenses immunitaires (hors Sida) ou de dysfonctionnement du corps, par une action douce de reconstruction ou de maintient en cohérence du psychisme.
J'attends aussi des informations éventuelles sur les influences que peuvent causer des traumatismes, notament ceux vécus à l'hôpital à l'occasion de maladies ou d'opérations précoces, sur le psychisme des enfants, puis des adultes, et sur la déformation possible des liens parents-enfants.
Je serais heureux de découvrir les réflexions que l'on mène peut-être actuellement sur les altérations des relations parents-enfants lorsque l'enfant renvoie à son parent du même sexe que lui (ou du sexe différent) une image qui lui apparaît comme un prolongement dégradé de lui-même (soit par identification sexuelle, et par effet de reflet "brouillé", soit par altérité sexuelle, et par effet de séduction "impossible"), par un handicap (même mineur apparamment) notamment. Quelles sont les conditions/raisons de cette dégradation éventuelle ? Quelles sont les conditions/raisons de leur épanouissement ?
Je serais heureux de connaître les conditions de développement des phénomènes de scarifications/tatouages/piercing. Quels sont les rapports des individus à la mort ? Quel est leur vécu primitif/"enfantin" de la souffrance ? Quelle est leur représentation de leur corps et de son unicité ? Quelle est leur conception du sacré et du profane, y compris hors de toute religion ? et, évidemment et surtout, qu'est-ce qui apparaît, dans les faits, hors de tout présupposé ?
Ces attentes sont bien entendu des préoccupations personnelles, qui vous traduisent par des exemples les multiples formes d'intérêt que peuvent susciter des carrefours comme ceux que vous organisez. La simple tenue du vôtre, et l'énoncé des thèmes qui y seront abordés en octobre, est déjà un soulagement, le signe qu'une lueur d'intelligence continue de briller et d'exister.
Merci encore.Salutations et encouragement respectueux.
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Madame C. M. à propos du prochain Carrefour "Résonances"
J'espère que votre prochain carrefour d'octobre, "Résonances, entre corps et psyché" portera des fruits intéressants. Sa préparation semble avoir été judicieuse et réfléchie dans un but constructif.
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à propos du Carrefour "Transmissions"
Madame A.M. G. à Mascayroles à propos du dernier Carrefour "Transmissions"
Un super bravo pour pour la qualité de l'accueil à toute l'équipe. Un grand bravo pour la qualité des intervenants, dans leurs compétences et leurs diversités (rigueur, humour, savoir, critique, ressenti, transparence, etc...).
J'ai été surprise de l'absence totale du "religieux" au sens le plus large (il existe des "payc" aussi bien chez les musulmans que chez les chrétiens ou les boudhistes) ils auraient leur place chez nous...
Pourquoi pas un colloque "Re-liance" Qu'est ce qui nous relie ? à quoi ? à qui ?
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Madame F. B.O. à Toulouse à propos du dernier Carrefour "Transmissions"
Je regrette que sur ce thème de la Transmission, seul Serge Tisseron (dont l'exposé était brillant et pédagogique) représente la thérapie familiale analytique. La "Transmission" est un thème cher aux thérapeutes familiaux.
Sur la région, la Société de Thérapie Familiale du Grand Sud Ouest regroupe des Analystes Familiaux affiliés à la Société Nationale (SFTFP) qui participent à la recherche et proposent des Journées d'Etude...
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Madame G.V. à "Les Assions" à propos du dernier Carrefour "Transmissions"
Simplement évoquer ces mots de Sartre:
"L'important n'est pas ce que l'on a fait de nous...
mais ce que nous faisons de ce qu'on a fait de nous."
Au sujet de la relation parentale au bébé, Mr Cyrulnik aurait pu signaler le comportement maternant de la nouvelle génération des papas (des 25 à 40 ans)...
Enfin, il n'est sans doute pas de renaissance/transformation, modification de niveaux de conscience sans l'indispensable enthousiasme !
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à propos du Carrefour "Passions"
Madame M.H. C. de la Réunion à Joyce AÏN à propos du dernier Carrefour "Passions"
"Madame ,
J'ai eu le privilège et l'immense bonheur d'avoir entre les mains quelques cassettes de votre Carrefour dont le thème était : PASSIONS , aliénation et liberté ....
Je me suis plongée passionnément dans les communications de Messieurs Gutton , Begoin , Paturet et autres ... Chapeau bas Messieurs !
C'est grâce à des gens comme eux que parfois , le noyau noir "infracassable" qui est en chacun de nous , se fait plus léger ou prend une autre couleur . Je pense aussi à cette phrase que ce cite de mémoire : " Peu importe , quelqu'un parle et il fait clair ". A l'occasion , vous le leur direz n'est-ce pas ? ....
.... Il serait malhonnête de ne pas vous dire que mon psy m'avait plus ou moins informée des " péripéties " de ce fameux carrefour et de la défection de dernière minute de Julia Kristeva . Mais enfin , pendant certains exposés , quelques allusions m'ont laissé entendre que son absence avait quelque peu bouleversé ce Carrefour .
Ce que vous m'avez rapporté me fait penser à ce que M. Bégoin dit au cours de son intervention : il parle de la psychanalyse et de ses véritables clivages qui en constituent pour lui une sorte de " maladie infantile " . Mais je vous rassure , toutes ces malheureuses péripéties n'ont pas entamé la richesse des communications .
. la première cassette que j'ai écoutée fut celle de M. Vallon . Son intervention , dans un premier temps , m'a prodigieusement agacée . J'ai pensé : Seigneur dieu ! Ces cénacles où ils se permettent de se moquer de leurs malades ! Souvenez-vous de cette patiente qui avait " fait " tous les psy de Toulouse et qui déclarait : " De toute façon , ce que vous avez à m'apprendre , je le sais déjà ! " J'ai abandonné la cassette de Vallon pendant plusieurs jours , ruminant une sorte de rage , de haine bref une belle passion rentrée !!!
" La névrose est un adversaire digne d'estime " n'est-ce pas ? ) mais plusieurs formules choc de Vallon trottaient dans ma tête : en rien céder ( en rien s'aider ) , j'ai ( j'est) la haine ou encore ses références aux ouvrages de Beckett ..... Et enfin , je me suis " laissée aller " à l'écouter jusqu'au bout en y trouvant bien sûr des échos à mon propre vécu ou à ma façon d'aborder le Monde et les Autres .
A partir de ce moment , j'ai écouté - j'insiste , avec passion - Bégoin ( celui qui m'a peut-être le plus impressionné , Gutton , Bourdil , Paturet , Vincent , Ajzenberg ( dur !dur ! ) :
Tous m'ont "dit" quelque chose , tous m'ont " parlé " ....
C'est cela le génie de mon psy , c'est de toujours savoir " relancer la machine " . Je lui dois donc ma 1ère lecture psychanalytique avec " La passion amoureuse " de C. David . Il m'a appris qu'il fallait lire ces auteurs en utilisant - pour la profane que j'étais - la méthode que je qualifierai " d'imprégnation" : à savoir lire , même les passages difficiles , en sachant , qu'en fin de route , il en resterait toujours quelque chose .
Et , il avait raison . Depuis , un auteur appelant un autre , j'ai lu Balint , Green , Masud Khan , Joyce Mac Dougall , Kristeva ( eh oui ! ) , Winicott , un peu de Klein ( mais allez savoir , je n'accroche pas ! ) .... Je me suis abonnée pendant 2 ans à la R.F.P. j'ai appris à apprivoiser certains concepts mais je sais à présent que cela ne m'autorisera jamais à dire : " Vous ne m'apprenez rien que je ne sache déjà " Ce serait s'enfermer dans un "claustrum" ou disons, que c'est une ligne fermée qui ne me convient pas .
Voilà , est-ce que réellement vous pouviez imaginer que vos Carrefours allaient si loin ? ....
Alors , oui , encore une fois , malgré vos " clivages " , tenez bon ! ....
Continuez vos carrefours : Regardez , il est 6h06 du matin , je suis à plus de 10 000Km de vous ( Ile de la Réunion ) et j'ai passé une nuit blanche à vous écouter...
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